22 janvier 2017

Des printemps arabes aux hivers islamistes

Par Jean-Pierre Brun

Comme chaque dimanche, deux paroissiennes, on ne peut plus vertueuses, échangeaient sur le parvis de l’église, d’intéressants points de vue sur l’état du monde en général et sur la hernie discale de Mademoiselle Lelonbecq en particulier, lorsque s’invitèrent curieusement dans le débat le Proche-Orient et son ombre menaçante sur notre société. Nourries à la mamelle combien accueillante de La Croix, mère nourricière et consolatrice de tous les affligés, elles s’indignaient bien évidemment de la malhonnêteté intellectuelle de ces racistes inavoués proclamant comme parole d’évangile et à seule fin de justifier leur rejet de l’autre, l’insolubilité de l’islam dans la démocratie.

— Comment peut-on être insensible aux bienfaits de la Démocratie et s’opposer à la démonstration strictement rationnelle de sa supériorité sur les autres régimes ?

Il est un écueil que nos bonnes paroissiennes, comme beaucoup de braves Français d’ailleurs, ignorent ou refusent de reconnaître lorsqu’ils se hasardent sur les voies de la philosophie : le sophisme.

J’ai la faiblesse de croire que mon lecteur, sinon à la sortie de la messe, du moins dans les allées d’un centre commercial, au comptoir d’un café, ou dans un repas de famille, a été le témoin d’un tel échange débouchant sur la proclamation des vertus d’un Printemps arabe éblouissant, géniteur d’une démocratie triomphale établie pour mille ans et plus. Mais comme me questionnait un sage épicier djerbien de mes amis, installé à Paris rue de Prony (publicité gracieuse) : « Finalement, c’est quoi la démocratie ? »

Winston Churchill, perplexe face à cette question, avait su éluder la difficulté par une pirouette à sa façon en la définissant comme « le pire des régimes à l’exception de tous les autres. »

Il y a quelques années, un étudiant algérois installé à la terrasse d’un café proche de sa faculté nourricière, avait curieusement approuvé le discours d’un leader politique prononcé la veille. Dans sa péroraison le tribun avait affirmé que « la révolution algérienne marchait irrésistiblement vers un horizon démocratique et populaire ». L’apprenti juriste jugeait néanmoins nécessaire, pour justifier son approbation, de préciser fielleusement sa définition de l’horizon : « Une ligne imaginaire qui recule quand tu avances. »

À la veille du dernier souffle de la Ve République et de la naissance de la VIe ou d’une autre, les thérapeutes d’une société française grandement anémiée ont déjà du mal à cerner les multiples maux de notre démocratie qui, semble-t-il, ne datent pas d’aujourd’hui.

D’éminents praticiens avaient cru judicieux de donner en leur temps un avis, parfois surprenant. Ainsi Edouard Herriot, un connaisseur, avait gaillardement souligné son caractère putassier : « La démocratie est une bonne fille, mais pour qu’elle soit fidèle, il faut faire l’amour avec elle tous les jours. »

Saint John Perse, ambassadeur de son état, poète peu enclin à l’humour, soulignait que « la démocratie, plus qu’un autre régime, exigeait l’exercice de l’autorité. »

Et c’est là que le diagnostic devient intéressant devant la multiplication, telles des métastases, des zones de non droit et l’impuissance de l’État à les traiter. Rien de nouveau sous le soleil, me direz-vous. Notre histoire a connu de telles crises. Nos guerres de religions et les places de sûreté protestantes en résultant ne constituaient-elles pas, au seul plan politique, des chancres au sein même du royaume. Naguère La Boétie, témoin de son temps notait que les tyrans, de quelque nature qu’ils fussent, n’étaient grands que parce que le peuple ou ses gouvernants étaient à genoux.

Le respect de la déclaration universelle des Droits de l’Homme, fruit de la Démocratie, ne peut être qu’illusoire si une partie de l’humanité refuse de s’y conformer. Pire, elle devient souvent à l’usage de ses adversaires une arme de destruction qu’ils savent parfaitement utiliser à des fins combien inavouables. Le Frère musulman Yousouf al- Quaradawi a l’honnêteté sinon le cynisme de le reconnaître : « Avec vos lois démocratiques nous vous coloniserons. Avec nos lois coraniques, nous vous dominerons. »

Des naïfs imaginent, comme un certain maire de Bordeaux dont le nom m’échappe, pouvoir concilier Charia et lois de la République, Oumma et peuple de France. Sans doute ignore-t-il le résultat d’une récente enquête faite dans des collèges, archétypes de la mixité sociale. À la question portant sur leur nationalité, nombreux étaient les élèves ayant répondu « musulmane ». Comment dès lors concilier l’inconciliable ?

Recourons une fois de plus à la sagesse de ce bon vieux Winston : « Un conciliateur, c’est quelqu’un qui nourrit un crocodile en espérant qu’il sera le dernier à être mangé. »

Mais, au fait, qu’est-il advenu sur les rivages méditerranéens de ces grossesses révolutionnaires riches d’espérances ? D’inévitables fausses couches ! Laissons à un libyen lambda rencontré par Philippe de Villiers, le soin de l’expliciter : « Avant l’intervention militaire de l’Occident en Libye, nous avions un Khadafi. Maintenant nous en avons cinquante. »

Hélas, chères paroissiennes, les peuples en attente du miracle sont passés sans transition d’un printemps arabe à un hiver islamiste. N’oubliez jamais que, selon une sagesse orientale acquise par les tribus nomades parcourant les déserts, Il ne faut pas confondre boire et avoir soif et que la prudence exige de toujours garder près de soi une outre d’eau, fût-elle croupie.

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Philippe Randa,
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