15 juillet 2016

Le Grand Rembarquement : et s’« ils » repartaient ?

Par Fabrice Dutilleul

« Rien n’est irréversible, c’est ce que nous apprend l’histoire :
le destin d’une nation dépend de la volonté de ses membres.
Ils peuvent se laisser mourir, ou se dresser.
Il n’y a pas de liberté pour celui qui refuse de combattre ! »

(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul)

Le titre de votre livre, Le Grand Rembarquement, semble faire écho au « Grand Remplacement » de Renaud Camus. Est-ce par hasard ?

Non bien sûr. J’avoue humblement que Renaud camus m’a inspiré. Mais mon titre ne fait pas seulement écho : il parle aussi d’une fin heureuse, alors que le principe du Grand Remplacement, et tout ce que l’on entend un peu partout sur le caractère inéluctable de notre fin proche en tant que nation, nous décrit un avenir noir. Or, rien n’est inéluctable. Rien n’est irréversible, c’est ce que nous apprend l’histoire : le destin d’une nation dépend de la volonté de ses membres. Ils peuvent se laisser mourir, ou se dresser. Aux armes, citoyens ! dit notre hymne, non ?

Holà ! Votre roman appelle les Français aux armes ? Vous allez tomber dans l’incitation à la sédition !

On ne peut plus citer notre hymne national ? Et puis, c’est un roman. Et l’on n’y trouvera rien qui tombe sous le coup de la loi. Mais voyez dans quelle situation nous nous trouvons : on nous oblige à accepter des trucs dégueulasses qui deviennent des normes, et l’on nous interdit d’en parler. Ce carcan que personne n’aurait pu imaginer il y a encore trente ans, emprisonne notre nation autant que la loi martiale d’un occupant : on en est réduit à chuchoter dans son coin, entre gens proches. Même au travail – je dirai même surtout au travail – on ne peut plus rien dire : il y a toujours des mouchards prêts à vous dénoncer à la kommandantur. On se tait, on attend le moment où l’on pourra parler à nouveau. Et l’on n’entend que les collabos… ou les soi-disant « grands cerveaux », les stratèges qui nous expliquent où l’Histoire nous guide. Mais l’Histoire n’existe pas : cette idée d’une direction qui s’imposerait à nous, est un concept de ce phraseur de Marx.

L’Histoire n’existe pas ? Pourtant la France a une histoire, non ?

Cela, c’est celle qu’on voit dans le rétroviseur, celle qui est passée. L’histoire pour Marx, c’est un futur tout écrit : celui de la disparition inéluctable de notre monde occidental. Il devait nous détester énormément ! Or la vérité c’est plutôt « Fortuna imperatrix mundi » : la (bonne ou mauvaise) fortune, impératrice du monde. Qu’est-ce que cela veut dire ? Sinon que le hasard, la bonne fortune – ou la volonté de Dieu, diront les chrétiens – est plus puissante que les rois, et que des renversements « de fortune » sont toujours possibles. Des « fortunes », des opportunités se présentent, et c’est alors le moment de les saisir pour renverser une situation qui semblait perdue. Le destin des hommes reste toujours entre leurs mains. Au fond, nous sommes libres. C’est la peur qui nous rend impuissants, la crainte qui habite chacun d’être repéré par le système qui nous oppresse, et qu’il lui pourrisse la vie… Pourtant qu’est-ce qui pourrait nous arriver de pire que de laisser un occupant voler leur avenir à nos enfants ? À quoi aurait servi notre vie si nous trahissions notre patrie ? Pour elle, pour cette terre où reposent nos ancêtres, pour nos enfants, nous n’avons pas le droit d’avoir peur. Pour eux, il faut savoir répondre à l’appel de notre hymne.

Rien n’est irréversible ? Quand même, arrivé à un certain stade, souvent on ne peut plus changer grand-chose…

Si vous aviez demandé en 1950 aux Français s’ils croyaient qu’un jour un million de leurs compatriotes d’Algérie devraient quitter les lieux en quelques mois, en laissant tout derrière eux, et abandonnés par l’État, personne n’y aurait cru. Personne. Cela semblait impossible. Les Français d’Algérie, qui y avaient construit un pays moderne, pensaient que leur œuvre les rendait définitivement légitimes sur cette terre. Ils étaient sûrs que les musulmans étaient conscients de ce qui avait été accompli et dont ils profitaient : l’eau courante, l’électricité, les hôpitaux, l’instruction, une alimentation saine… Cet acquis semblait donner un droit irréversible aux Français d’Algérie. Un « droit acquis ». Et pourtant, ils sont tous repartis en quelques mois… Un million de personnes, à une époque où le transport aérien était embryonnaire et le transport maritime minuscule au regard de ce qu’il est devenu aujourd’hui… Alors, l’irréversibilité, moi je n’y crois pas. Il suffit de circonstances, et l’impossible devient d’un seul coup la seule solution possible…

C’est cela le Grand Rembarquement ? Un exode massif des populations non européennes ? Une re-migration ? Le drame des Pieds noirs inversé ?

Je ne peux pas vous raconter toute l’histoire. Il s’agit d’un roman, d’un « thriller », avec des rebondissements et une fin inattendue. Je ne peux pas trop déflorer l’intrigue… Cela raconte surtout comment des politiciens, qui n’entendent rien – c’est normal, les Français en sont réduits à chuchoter, ils deviennent inaudibles ! – sinon les « communautés » qui obtiennent tout d’eux et qui ne savent donc plus rien de la France réelle, mais qui se prennent néanmoins pour de grands stratèges historiques, peuvent se croire tout permis avec notre nation, au point de la cabrer et qu’elle rejette toute autorité étatique ! Une erreur de trop, celle que l’on ne peut pardonner, c’est la fameuse « fortuna » que j’évoquais au début de cet entretien. Celle qui permet un renversement de fortune, et à un peuple de reprendre son destin en mains.

C’est donc l’histoire d’une révolution ?

Je suis convaincu que quelque chose va se passer et que la France, révulsée par ce qu’on lui fait avaler, va se mettre à vomir et que partout des gens vont entrer sans retenue en colère contre l’ennemi qui veut l’asservir. Il suffira d’abord qu’ici et là, la colère surpasse la peur. Et que quelques-uns osent… Et alors s’enclenchera quelque chose que plus rien n’arrêtera.

Ce qui est étonnant dans votre histoire c’est que cette révolte n’est pas organisée, elle est spontanée. N’est-ce pas un peu illusoire ?

N’allez pas chercher les guides qui démarreraient une libération dans la classe politicienne. Cette dernière n’a trop souvent dans la tête qu’orgueil ou cupidité. Mais certains ont senti depuis longtemps ce qui se préparait alors que d’autres ne verront jamais rien. Alors je vois bien ceux qui ont pressenti les événements encadrer tout cela à un moment donné, ou se servir de ce qui se passe. Mais ils ne lanceront jamais cette révolte qui seule peut renverser la situation, et ils n’auront jamais l’audace de faire ce que la situation impose. C’est Du Guesclin qui a libéré la France de Charles V, un bouseux de Breton, un petit noble guère plus riche qu’un fermier de l’époque, entré en guerre avec une cinquantaine de copains et dont l’exemple a galvanisé les soldats de France. Pourtant, en son temps, la victoire anglaise semblait irréversible, tout comme au temps de Jeanne d’Arc. Un bouseux illettré (il savait juste signer) et une gamine un peu folle, ont décidé que rien n’était irréversible. Pas des stratèges, je vous dis ; pas des gens comme il faut ; pas de grands bourgeois érudits. Une fille et un gars au grand cœur, qui n’avaient peur de rien, et qui n’avaient rien à perdre, sauf l’honneur de leur patrie !

Votre précédent ouvrage relatait votre engagement au Liban, en 1976, aux côtés des phalangistes libanais. Quel rapport avec ce roman ?

Le carcan du Liban s’appelait la Ligue Arabe, l’ONU, la diplomatie américaine, etc. Il était interdit aux Libanais de se rebeller, et de toutes les façons le destin inéluctable, irréversible, des chrétiens d’orient, c’était « naturellement » d’être chassé du Moyen Orient, « terre d’islam ». Mais contre tous, contre toute attente, et contre toute « raison », ils ont décidé de se battre. Ils se sont battus avec un tel courage, avec une telle colère qu’ils ont fini par convaincre le monde entier que les choses n’allaient pas se passer comme « l’histoire » était censée l’écrire. Et finalement, après quelques péripéties, ceux qui se sont embarqués, ce ne sont pas eux… J’ai appris une grande leçon d’histoire auprès de mes camarades libanais : il n’y a pas de liberté pour celui qui refuse de combattre.

Le Grand Rembarquement d’Emmanuel Albach, éditions Dualpha, roman, 336 pages, 26euros.

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Philippe Randa,
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