15 mai 2019

15 mai 1891 : Rerum novarum (01)

Par Bernard Plouvier

Lorsque au troisième tour de scrutin, au conclave de 1878, le cardinal camerlingue Vincenzo Pecci devient le pape Léon XIII, nul ne sait que ce très savant thomiste, excellent prêtre, d’un abord très simple, va être le plus grand pontife de l’époque moderne.

Léon XIII.

Léon XIII.

Il lance les études d’exégèse biblique, rêve d’œcuménisme, calme la guérilla opposant les catholiques allemands au Chancelier Bismarck et prône le ralliement sincère des catholiques français à la République. Il est ardemment combattu par les sectes maçonniques qui préfèrent les papes fanatiques, du style Pie IX ou Pie X (ses prédécesseur et successeur), aux papes réformistes. Bien plus, ce pape si calme d’apparence, va lancer le pire brûlot du siècle contre le privilège de l’argent… car son encyclique est infiniment plus intelligente, donc plus redoutable pour les exploitants des peuples, que le grotesque Das Kapital du sieur Karl Marx.

Dans la livraison du 5 mai 1891 du journal de la bourgeoisie d’affaires Le Temps, l’inénarrable Jules Simon interpelle le monde ouvrier (qui, certes, ne lit pas cette feuille) : « On a beaucoup fait pour vous, que voulez-vous donc qu’on fasse encore ? », et le bon Jules d’énumérer les lois sur l’école laïque et les deux lois sociales de 1841 et de 1874, modulant le travail des enfants… en omettant de préciser qu’à chaque fois leur rapporteur était un député catholique, qui avait dû batailler ferme pour faire voter la loi. Le bon apôtre conclut : « Rien ne manque au bonheur de l’ouvrier ». Le pharisien sert manifestement les intérêts de la trinité dominante depuis 1830, celle des financiers, des négociants et des entrepreneurs.

Dix jours plus tard, Léon XIII rend publique son encyclique Rerum novarum, un texte innovateur, tellement juste de ton que les créateurs du Bureau International du Travail, après la Grande Guerre, lui emprunteront quelques paragraphes, sans citer leur source, cela va sans dire. C’est le fruit de longues méditations et la synthèse des idées de tous les catholiques sociaux qui, depuis les années 1830, tentent de faire bouger une société inhumaine, d’une tout autre façon que la démagogie marxiste. Léon XIII a longuement médité les écrits du baron Carl von Vogelsang, le fondateur du Parti Chrétien Social d’Autriche, l’ancêtre de tous les partis chrétiens-démocrates.

L’encyclique du 15 mai 1891 est une réfutation intégrale du capitalisme inhumain, du « libéralisme économique » sans frein, des théoriciens du « laissez faire, laissez passer » : « L’employeur ne doit point traiter l’ouvrier en esclave ». Léon XIII déplore la situation économique et sociale des pays industrialisés : trop de richesses et « des profits exagérés » d’un côté, la misère de l’autre. Il ne lui semble pas bon qu’une « faction, maîtresse absolue de l’industrie et du commerce, tienne en mains plus d’un ressort de l’administration publique ». Il lui semble évident que la situation est grosse du risque de guerre sociale où la haine, après avoir répandu beaucoup de sang, provoquera une « spoliation généralisée des propriétés privées légitimement acquises ». « Il faut, par des mesures promptes, efficaces, venir en aide aux hommes des classes sociales inférieures qui sont dans une situation de misère imméritée ».

Les propositions qui découlent naturellement de ce constat sont à la fois d’ordre moral et d’ordre pratique. Le pape recommande la reprise des rapports directs, fréquents et cordiaux, entre employeurs et salariés, une juste rétribution du travail et la participation de tous les travailleurs aux bénéfices des entreprises qui les emploient.

Cette dernière recommandation, révolutionnaire, est reprise par Karl Lueger dans le programme du PCS autrichien cité plus haut, puis par un admirateur de Lueger : Adolf Hitler, qui en fera le 14e item du programme national-socialiste exposé dans la soirée du 24 février 1920. En 1909, le socialiste Aristide Briand évoquera l’idée de cette participation des travailleurs aux bénéfices de leur entreprise… sans faire référence, bien sûr, au pape défunt, maudit de son successeur et de la bourgeoisie, toutes tendances et toutes religions confondues.

Léon XIII n’est pas un adepte du communisme de distribution prôné par certains Pères de l’Église, tel saint Ambroise. Il est plutôt dans le droit fil de l’enseignement de Lactance, un chrétien austère et pétillant d’intelligence du IVe siècle, ce qui en fait un contemporain du célèbre archevêque de Milan : « On a plus si on travaille plus ; on a moins si on travaille moins et c’est justice ». À cette philosophie économique de simple bon sens, le pape de la fin du XIXe siècle ajoute la condamnation du gain sans travail et l’exigence d’une juste répartition des fruits du travail.

Il réclame la véritable justice sociale, soit la juste rétribution du travail, permettant au salarié de se procurer des conditions de vie décentes, mais aussi la constitution d’un « fonds de réserve » pour indemniser les chômeurs et les victimes d’accident du travail, enfin l’octroi d’une pension aux salariés trop vieux ou trop malades pour continuer de travailler.

Léon XIII bouscule la molle tradition de la « charité bourgeoise », grâce à laquelle les riches vivaient depuis des siècles en harmonie avec leur conscience, au prix de quelques pièces lancées aux mendiants et de vieilles nippes données avec une grâce hautaine. Le pape ne veut plus que les catholiques riches se satisfassent d’une pseudo-charité, souvent indiscrète et mesquine.

En 1891, et pour longtemps encore, il n’est pas habituel qu’un État intervienne pour protéger les salariés. En comparaison du prudhommesque Jules Simon ou du futur Président de la République française Armand Fallières, auteur d’un autre poncif rassurant : « Il faut de la prudence quand on touche aux questions sociales », Léon XIII fait figure de dangereux agitateur social. Le lecteur un peu teinté de sous-culture marxiste peut se rendre compte que le pape en a dit davantage en quelques lignes que les deux poètes surréalistes de l’économie politique, les tant célébrés Karl Marx et Friedrich Engels, dans le fatras de leur millier de pages.

Le pape encourage la création d’un syndicalisme chrétien. « Les ouvriers chrétiens [doivent] joindre leurs forces pour secouer hardiment un joug si injuste et si intolérable », sans que l’indignation des exploités dégénère en bacchanales furieuses et sanglantes comme on l’a vu trop souvent depuis 1848, lorsque « le peuple est conduit par des loups déguisés en bergers », soit les doctrinaires de la guerre des classes.

Le 18 janvier 1901, in Graves de communi, il récidive : « L’avenir de la société et de la religion est en jeu. La question sociale est avant tout une question de morale ». Vingt siècles plus tôt, le grand Nazaréen l’avait proclamé : « Nul ne peut servir deux maîtres à la fois, Dieu et l’argent ». Moins naïf, Goethe avait écrit dans l’une de ses nouvelles : « “Mon règne finira-t-il ?” demanda le roi d’argent. “Tard ou jamais”, répondit le vieillard ».

Il n’est pas sans intérêt de noter qu’en 1899, par l’encyclique Testem benevolentiae, le pape condamne « l’américanisme », c’est-à-dire l’american way of life, une philosophie pratique qui fait la part trop belle à la seule réussite matérielle.

Texte tiré, pour l’essentiel, du volume 1 :, paru en 2010 chez Dualpha. Pour commander ce livre, cliquez ici.

La ténébreuse affaire Dreyfus. Anticatholicisme et antijudaÏsme (Tome 1), Ed. Dualpha.

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