6 janvier 2017

La fin de l’indépendance industrielle française

Par Aristide Leucate

L’annonce du rachat probable des chantiers navals de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) par le groupe italien Fincantieri pose, plus largement, le problème de la perte de la souveraineté industrielle de la France. Le dernier grand constructeur français de navires où travaillent plus de 7 000 salariés et sous-traitants et qui, en 155 ans, a construit plus de 120 paquebots dont les célèbres Normandie et France sans oublier, en 2016, le Harmony-of-the-Seas, le plus grand bateau de croisière jamais conçu, passe littéralement aux mains de l’étranger.

Certes, comme le rappelle Denis Cosnard du quotidien Le Monde, « lâchés par Alstom en 2006, les chantiers étaient, depuis, passés aux mains de propriétaires norvégiens, puis coréens qui n’ont pas tenu leurs promesses » (3 janvier). Reste qu’en dépit des 33 % de capital encore détenus par l’État français au sein de ce fleuron de l’industrie navale, le poids de ce dernier n’est plus guère significatif dans un processus décisionnel dont les enjeux sont bien plus financiers que strictement entrepreneuriaux.

À l’heure du capitalisme débridé par une mondialisation ensauvagée, la course aux turbo-profits a supplanté toute velléité de stratégie d’entreprise qui conjuguerait idéalement préservation de la ressource humaine et développement raisonné du carnet de commandes.

Du côté de Bercy et de l’Élysée, on se rassure comme on peut en se disant que les chantiers navals, après avoir été dirigés par le conglomérat sud-coréen STX – désormais placé en état de liquidation judiciaire à la barre des tribunaux de Séoul – reviendront dans le giron de l’Europe. Une telle candeur traduit un réel aveu d’impuissance structurelle de la part d’une machinerie étatique que les aliénations successives et systématiques de ses prérogatives régaliennes ont rendu inapte à gouverner notre pays.

Entre l’interventionnisme dirigiste d’inspiration soviéto-marxiste et un « laisser-fairisme » libéral s’adossant au prétexte convenu de libérer les énergies créatrices des entrepreneurs, existe une troisième voie qui consisterait à garantir l’indépendance économique et industrielle du pays, écartant, de facto, tout risque de vassalisation de nos intérêts vitaux.

Cette saine préoccupation de bon sens devrait, toutefois, se doubler d’une autre, non moins impérative qui amènerait l’État à recouvrer des leviers permettant d’influencer nettement les stratégies de groupes industriels au sein des conseils d’administration, de surveillance ou directoires desquels il siégerait de plein droit.

À cette aune, force est d’admettre que l’on est plutôt loin du compte et qu’il devient proprement himalayen de domestiquer un capitalisme apatride rétif à toute limite. Une fois le chien libéré de l’enclos, celui-ci retrouve vite ses instincts primitifs. La faute majeure et gravissime du personnel politique français, depuis quarante ans, fut d’avoir abandonné à d’autres (l’Union européenne, les cours de justice internes et externes, les banques, les marchés financiers) les instruments primordiaux de souveraineté sans lesquels il n’est pas de politiques possibles, donnant ainsi le désastreux spectacle d’une France vendue à l’encan.

Nos élites n’ont visiblement pas conscience que permettre à des capitaux et chefs d’entreprises étrangers d’arraisonner notre patrimoine (matériel et immatériel) économique et industriel, motif pris d’une libéralisation juridique du commerce mondial, affaiblit notre compétitivité.

En même temps, elle renforce l’agressivité concurrentielle de prétendus partenaires commerciaux qui se livrent à une guerre offensive sur notre territoire, contre lui.

Et ce, comble de notre benoîte stupidité, avec les moyens légaux et administratifs de celui-ci !

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Philippe Randa,
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