PrĂ©alablement Ă cette intervention, il est loisible dâaffirmer que le conservatisme « à la française » est un terme « à la mode », ce qui peut lui donner un aspect positif au temps de la mĂ©diacratie (le fameux « quatriĂšme pouvoir » permet dâavoir un certain nombre dâanalyses sur ce courant de pensĂ©e) ; de plus, il est Ă la une de revues amies : la revue ĂlĂ©ments, « La nouvelle vague du conservatisme » et la revue Lâincorrect de dĂ©cembre 2017, « 100 % conservateur » et surtout, « Le dictionnaire du conservatisme » est sorti aux Ăditions du Cerf en septembre dernier avec plusieurs contributions dâintellectuels visant Ă la mise en place dâune Ă©cole doctrinale conservatrice française.
Je nâai nul besoin de vous rappeler que le dĂ©but de la derniĂšre campagne prĂ©sidentielle avait fait du candidat François Fillon le candidat estampillĂ© « conservateur », le postulant largement favori avant les dĂ©boires que lâon connaĂźt. Et dâailleurs, le candidat conservateur avait largement Ă©liminĂ© les candidats « sociaux-libĂ©raux » (Alain JuppĂ©, Nathalie Kosciusko-Morizet et Bruno Le Maire) et bonapartiste (Nicolas Sarkozy) de LR (Les RĂ©publicains) lors des deux tours de la primaire de la droite et du centre. Depuis le CNIP (Centre national des indĂ©pendants et paysans) et La Droite, devenue DLC (Droite libĂ©rale chrĂ©tienne) de Charles Millon (dont lâĂ©pouse, la philosophe Chantal Delsol Ćuvre au renouveau du conservatisme, notamment dans le dictionnaire prĂ©-citĂ©), on nâavait pas Ă©voquĂ© – autant et Ă bon escient – la persistance, voire la perspective, dâun conservatisme national, comme voie alternative politique.
Pourtant, la question du conservatisme est complexe car le terme, lui-mĂȘme, renvoie Ă des phĂ©nomĂšnes – et des rĂ©alitĂ©s – politiques diffĂ©rents, du parti conservateur britannique (les Tories, au pouvoir au Royaume-Uni en alternance dĂ©mocratique avec le Labour travailliste) au monolithique ancien parti communiste soviĂ©tique (PCUS), dont les caciques Ă©taient qualifiĂ©s de « conservateurs », sans doute en partie en raison de leur Ăąge⊠Une seule chose est sĂ»re, lâabsence pĂ©renne – ou presque (lâexception Fillon vaincue par le trĂšs progressiste hebdomadaire Le Canard enchaĂźnĂ©) – du terme dans le dĂ©bat français, depuis la fin de la RĂ©volution française au moins jusquâĂ rĂ©cemment (puisque lâon parle de nĂ©o-conservateurs que la gauche morale nâhĂ©site pas, dâailleurs, Ă qualifier de « nĂ©o-cons » – le discrĂ©dit sĂ©mantique est toujours au cĆur des dĂ©bats et fonctionne dâailleurs, mais sâagissant de cette tendance, il sâagit, le plus souvent, de « libĂ©raux amĂ©ricains » – donc, la gauche amĂ©ricaine issue des dĂ©mocrates – dĂ©fendant des thĂšses conservatrices liĂ©es Ă la dĂ©fense de la nation : identitĂ©s fĂ©dĂ©rĂ©es rĂ©affirmĂ©es, rejet du « politically correct », rejet du fiscalismeâŠ).
Quel est le point commun entre ces diffĂ©rents conservatismes ? Il sâagit dâune prise de conscience dâune menace sur des valeurs, des principes jugĂ©s essentiels : on peut probablement parler de conservatisme lors des succĂšs en matiĂšre de mobilisation de La Manif pour tous, sâagissant de prĂ©server un droit naturel objectif (droits de lâenfant au sein dâune famille Ă©tablie) face Ă des exigences progressistes fondĂ©es sur des droits subjectifs (droit Ă lâenfant de tout individu). Le conservatisme peut aussi sâexprimer sur le terrain des institutions comme sur celui de la proximité : la gastronomie, la valeur touristique de la rĂ©gion, lâĂ©cologie terrienne, le respect de valeurs liĂ©es au sol⊠Le retour Ă la terre, voire le retour de la Terre, est une forme naturelle de conservatisme. Le rĂ©cent vote corse, est selon moi, plus quâun dĂ©gagisme (alors que des sortants sont réélusâŠ), un vote conservateur liĂ© Ă lâinsularitĂ© du territoire et Ă ses consĂ©quences sur les hommes et lâenvironnement. LâallĂ©gorie du jardin utilisĂ©e par Chantal Millon-Delsol dans le « Dictionnaire du conservatisme » est Ă©clairante, Ă©voquant le conservatisme comme une praxis sâopposant Ă toute doctrine dont lâobjet serait de refaire le monde ex nihilo, forme sublime, et totalement abstraite, de lâexpression totalitaire. Le retour aux racines sâoppose clairement aux formes de changement inspirĂ©es par les slogans de gauche quâelle soit marxiste « Du passĂ©, faisons table rase » (la tabula rasa marxiste) ou sociale-dĂ©mocrate : « Le changement, câest maintenant ! ». Seules lâintensitĂ© rĂ©volutionnaire et lâhorizon utopique font naĂźtre la distinction initiale, bien connue et reprĂ©sentĂ©e par les bolcheviks et les mencheviks il y a cent ans. Le conservatisme pensĂ© de cette maniĂšre est une forme de traditionalisme, câest-Ă -dire la conservation des acquis, notamment issus de la Nature, que lâon soit, Ă titre personnel, dĂ©iste ou non. Le terme des « acquis sociaux » fort prisĂ© des marcheurs de Bastille Ă Nation pourrait aussi ĂȘtre transformĂ© en « acquis moraux » ou en « acquis culturels » ou « naturels ». Serait-ce choquant ou outrancier ? Poser la question, câest y rĂ©pondre. Le retour du conservatisme, câest dâabord le retour aux fondamentaux.
Alors, si le conservatisme est une sauvegarde dâacquis prĂ©existants, peut-on le considĂ©rer strictement comme rĂ©actionnaire ?
Si lâon considĂšre que le mouvement conservateur est une rĂ©ponse Ă un processus rĂ©volutionnaire estimĂ© dangereux pour une collectivitĂ© et ses membres, il nâest quâune rĂ©action Ă une pensĂ©e progressiste extrĂ©miste. Au pire, il sâoppose au fameux sacro-saint « cours de lâhistoire » en sâarc-boutant sur un maintien de privilĂšges exprimĂ© dans un statu quo ante, au mieux, il se refuse Ă une Ă©volution quâil estime nĂ©gative, car dangereuse. Le terme « rĂ©action » renvoie Ă un retour Ă un point connu, fixĂ©, du passé ; il conduit Ă une destruction. Une rĂ©volution peut ĂȘtre rĂ©actionnaire, si ses repĂšres sont dans un passĂ© lointain et rĂ©volu, un conservatisme peut Ă©viter une rĂ©action, sâil parvient Ă pĂ©renniser ce qui est. Le conservateur se situe dans la survivance de ce qui est. MĂȘme si, dans la bouche des archĂ©os-gauchistes, rĂ©actionnaires et conservateurs sont des synonymes, il est indispensable de dissocier les termes. Il nâest pas question dâun retour abstrait, mais de maĂźtriser un prĂ©sent concret.
Sâil nâest pas rĂ©actionnaire, le mouvement conservateur pourrait-il ĂȘtre rĂ©volutionnaire ? A priori, les deux termes semblent procĂ©der dâun oxymore. Pourtant, le conservatisme ne peut pas ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un vulgaire immobilisme. Un corps social est intrinsĂšquement dynamique, comme la Nature, il vit, il sâadapte. Face au rĂ©actionnaire, le conservateur amĂ©nage, amĂ©liore, restaure le prĂ©sent pour Ă©viter le retour Ă un passĂ©, souvent inconnu. Les RĂ©volutionnaires français Ă©taient le plus souvent excessivement rĂ©actionnaires, visant au retour dâun ordre ancien. Le conservateur se nourrit de lâexpĂ©rience, de la praxis, il utilise le prĂ©sent comme une substance organique permettant de crĂ©er de lâhistoire, du devenir. On peut ainsi parler de « conservatisme en mouvement », mettant en place des formes nouvelles, elles-mĂȘmes issus du vivant. Une sociĂ©tĂ© est un Ă©lĂ©ment organique dont lâĂ©volution procĂšde de son propre Ă©tat. Le mouvement conservateur, loin dâĂȘtre figĂ©, permet Ă la sociĂ©tĂ© de muter Ă partir dâelle-mĂȘme et non pas dâune sociĂ©tĂ© sans passĂ©.
Un mouvement conservateur, non rĂ©actionnaire, peut-il ĂȘtre libĂ©ral ?
Au sein des familles idĂ©ologiques de la droite (ou des droites), le dĂ©bat, ici, est essentiel : le plus souvent, il est fait rĂ©fĂ©rence Ă des partis libĂ©raux-conservateurs, câest-Ă -dire Ă©conomiquement libĂ©raux et conservateurs en matiĂšre sociĂ©tale. Les partis de droite en Occident, du Japon Ă lâAllemagne, en passant par le Royaume-Uni et lâEspagne, sont souvent considĂ©rĂ©s comme libĂ©raux et conservateurs. Et pourtant, cette liaison, cette fusion mĂȘme nâest pas si Ă©vidente.
En effet, originellement, lâesprit conservateur est de nature collective : il vise Ă prĂ©server un ordre naturel prĂ©existant alors que le libĂ©ralisme post-rĂ©volutionnaire naĂźt du dĂ©veloppement des besoins exprimĂ©s individuellement. Le conservatisme ne nie pas la libertĂ© mais se rattache davantage Ă la libertĂ© concrĂšte, plus quâabstraite, Ă la libertĂ© collective, plus quâindividuelle. Le triomphe de lâindividualisme, Ă©tat suprĂȘme du libĂ©ralisme, sâoppose au conservatisme des systĂšmes normatifs. Câest ici, Ă mon sens, que le renouveau du conservatisme prend tout son sens : le dĂ©veloppement de lâindividualisme a contribuĂ© Ă lâeffacement des repĂšres collectifs, identitaires, religieux ou culturels. La fin du bien commun a rendu la modernitĂ©, expression dâun libĂ©ralisme fondĂ© sur lâindividu, exĂ©crable pour les « oubliĂ©s » du systĂšme. Lâextension des droits individuels comme le droit Ă lâenfant, exaltĂ© par les « progressistes », vient Ă exclure ce bien commun quâest le droit de lâenfant Ă vivre au sein dâune famille. Alexandre Soljenitsyne dĂ©nonçait dĂ©jĂ , en 1978, dans Le dĂ©clin du courage, le matĂ©rialisme occidental issu de la sociĂ©tĂ© de consommation. Le dĂ©racinement, fruit de ce conservatisme anglo-saxon, a touchĂ© dâabord les classes populaires souvent qualifiĂ©es dâ« oubliĂ©es » par nos chercheurs sociologues. La France des oubliĂ©s, câest dâabord lâexpression dâune sociĂ©tĂ© qui a fait de lâindividualisme libĂ©ral son Ă©talon, son exigence. Or, le conservatisme, forme dâenracinement, aurait pu, pourrait, peut encore venir tempĂ©rer ce systĂšme Ă©conomique certes nĂ©cessaire mais qui doit constituer un des piliers dâune sociĂ©tĂ© tridimensionnelle et non le pilier central.
Le conservatisme, une vision politique à reconquérir:
Le conservatisme est une vision de proximitĂ© (le conservatisme nâest pas mondialiste) ; en effet, chaque territoire a un mode de vie Ă prĂ©server, ce qui le distingue, lĂ aussi, dâun certain libĂ©ralisme, Ă la vision trop universelle. Vision enracinĂ©e dâun territoire dĂ©fini, le conservatisme produit sa propre essence, son propre progressisme. La vision du progrĂšs nâa de sens que dans le cadre de lâĂ©volution naturelle du vivant. Lâhomme transforme la Nature, il ne la nie pas. Nier la Nature serait une attitude rĂ©actionnaire, la transformer est adapter les besoins des populations Ă lâunivers du possible.
Au-delĂ de cet enracinement indispensable, les conservateurs devront choisir entre le conservatisme libĂ©ral et le national-conservatisme, dĂ©bat qui existe dĂ©jĂ entre les membres du groupe Conservateur et rĂ©formistes europĂ©ens (70 Ă©lus, soit 10 % de lâensemble des parlementaires et troisiĂšme groupe du Parlement en nombre de membres). De nombreux mouvements considĂ©rĂ©s comme « populistes » sont membres de ce groupe, notamment au Nord de notre Vieux Continent (Parti du progrĂšs danois, les Vrais Finlandais, la Nouvelle alliance flamande, Droit et justice polonaisâŠ).
Pour en revenir Ă la France, tout le monde a conscience quâil a manquĂ© lâĂ©lectorat populiste Ă François Fillon au premier tour et lâĂ©lectorat conservateur Ă Marine Le Pen au second tour.
Le sujet ne porte pas, ici, sur le populisme. Je nâaborderai donc pas le caractĂšre abstrait de cette expression utilisĂ©e aussi bien pour Donald Trump, Bernard Tapie en son temps, Jean-Luc MĂ©lenchon ou Marine Le Pen aujourdâhui. Mais, pour ce qui est du conservatisme, il sâagit bel et bien dâune voie Ă explorer Ă la condition de donner Ă ce mot une expression⊠rĂ©volutionnaire !
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