Soumission linguistique
Chronique hebdomadaire du Village planétaire
Le décret pris par le ministère de l’Enseignement supérieur au début de cette année n’a soulevé aucune vague. Frédérique Vidal qui est très certainement la ministresse la plus incompétente d’un gouvernement de branquignolles, Moussa étant bien sûr hors concours, a décidé que dès cette année, les étudiants en premier cycle (licence, DUT et BTS) devraient obtenir une certification en langue anglaise reconnue internationalement ou, pour le moins, au niveau de l’Union dite européenne.
Le texte en date du 5 janvier dernier adressé à tous les présidents des universités précise que le diplôme ne sera validé qu’à la condition impérative du passage effectif et de la réussite du candidat à ce test. Il ajoute qu’il ne reviendra pas aux instances universitaires de le faire passer. Sa réalisation, son organisation et sa correction reviennent en effet à People-Cerf, un organisme privé grec qui a signé avec le ministère de l’Enseignement supérieur un contrat de quatre ans pour un montant de trente millions d’euros !
Ce contrat pose des problèmes éthiques, universitaires et juridiques. Outre une privatisation déguisée d’une certification (en attendant la prochaine mise aux enchères des concours et autres examens), ce nouveau test se veut universel : il concerne tous les étudiants, aussi bien ceux inscrits en comptabilité qu’en langue chinoise ou en chaudronnerie ! Ce test made in People-Cerf annule de facto le certificat de compétence en langues de l’enseignement supérieur, issu du cadre européen commun de référence pour les langues, qui existe depuis une vingtaine d’années.
Le test de certification en langue anglaise écarte en outre toutes les autres langues alors que, Brexit oblige, le Royaume-Uni n’appartient plus à l’Union pseudo-européenne. La construction supposée européenne se ferait-elle donc seulement en anglais ? Quelle singulière conception de la diversité linguistique…
Plus grave encore, ce test bafoue la loi Toubon du 4 août 1994 relative à l’usage de la langue française. Il faut reconnaître que cette loi n’est guère appliquée. Son inefficacité revient aux parlementaires socialistes parmi lesquels figuraient Ségolène Royal, Laurent Fabius et Jean-Marc Ayrault qui saisirent un Conseil constitutionnel présidé par… Robert Badinter.
Par leur décision du 29 juillet 1994, les conseillers constitutionnels ont édulcoré le projet de loi adopté au motif qu’il violerait les libertés de pensée et d’expression reconnues à l’article 11 de la sordide et inepte Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Résultat : maintes entreprises françaises communiquent en France avec leurs employés français en anglais. Bien des marques publicitaires et des enseignes commerciales s’affichent en anglais. La passivité de la loi Toubon se vérifie surtout au cinéma où aucun titre de film anglo-saxon n’est désormais traduit en français.
La loi Toubon de 1994 se rêvait en loi 101 de protection du français au Québec. À tort ! Au Québec, sous l’impulsion des libéraux, des immigrés de fraîche date et des anglophones, la loi 101 subit un déluge de critiques. Le bilinguisme anglais – français de la Confédération canadienne s’estompe peu à peu. Dans les provinces de l’Ouest, les minorités francophones se trouvent démunies et incapables de faire respecter le recours officiel à leur langue maternelle. Divers premiers ministres provinciaux, dont le populiste « angryphone » de l’Ontario, Doug Ford, remettent en cause la place du français dans la vie publique.
Le gouvernement français se moque pas mal de la clé de voûte de la francophonie, la langue française, et de la francité, le sang d’ethnie française. L’hégémonie d’un anglais commercial d’aéroport n’est pourtant pas une fatalité. Même sur Internet surgissent des résistances inattendues, mais il faut admettre que l’Hexagone gallo-ricain n’anticipe toujours pas une éventuelle riposte identitaire.
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