28 avril 2022

Policiers d’élite : quand une figure légendaire du RAID raconte…

Par Fabrice Dutilleul

« Il y a eu, certes, quelques livres déjà
pour raconter la formidable aventure du RAID.
Mais celui-là, écrit par un homme qui en a été un des acteurs
– et non des moindres –
a cette qualité de brosser un panorama vivant
des réalités de ladite aventure […]
 »

Entretien avec Robert Paturel, auteur de Mémoires du Raid (éditions Dualpha)

Robert Paturel.

(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul)

Ancien champion de France et champion d’Europe de boxe française, Robert Paturel, dit « Patu », est une figure légendaire du RAID canal historique. Multiple champion de boxe française, il a été formateur pendant 20 ans au RAID et au GIPN, groupe d’intervention de la police nationale. Il est également connu pour ses ouvrages mémoriels sur les débuts de cette unité d’élite et sur la boxe de rue, technique qu’il a développé.

Vous avez été un acteur du RAID « de l’intérieur » ; a-t-il beaucoup changé de sa création à nos jours ?

Forcément, il a changé, il a évolué, il s’est modernisé à tous les niveaux. Plus de matériel, plus de personnes, une meilleure qualification dans l’utilisation des nouveaux outils. Même si avec tout ça, je trouve que le RAID a perdu justement de cette ambiance du début où tout était à créer. Les pionniers qui partaient sur des interventions avec parfois un matériel qui n’était pas adapté ; le « mental », en tout cas, était toujours là avec des hommes motivés et courageux. Et puis, personne ne comptait ses heures. Quand on prenait des congés, c’était toujours un peu à regret, de peur de louper l’intervention de l’année.

L’opinion publique, parfois encline à critiquer la police (euphémisme !), semble toutefois assez admirative pour le RAID… Vous partagez cet avis ?

C’est de bonne guerre, le public français a toujours « brocardé » les policiers. Comme chantait Georges Brassens « Quand il s’agit de rosser les cognes tout le monde se réconcilie » et c’est vrai que si beaucoup dénigrent l’institution, ils révèlent souvent de l’admiration et de l’intérêt pour notre unité. Je ne pense pas que le Français soit foncièrement « anti-flics ». Il est souvent anti-autorité sur le plan général, il n’aime pas être réprimandé, empêché, puni, mais il a toujours de l’admiration devant un corps d’élite car il sait que cela représente beaucoup de sacrifices pour les femmes et les hommes qui le composent.

Ses rapports avec les autres services de police sont-ils toujours bons ? Son image « d’unité d’élite » ne suscite-t-elle pas parfois un peu de jalousie ?

Les rapports sont bons en général avec tous les autres services, même si parfois on peut rencontrer quelques « esprits chagrins », mais ceux-ci ne représentent qu’une petite partie de notre institution. Dans l’ensemble tout se passe bien avec les autres services, même si quelques fois il arrive que l’on ressente une pointe de jalousie de la part de certains « esprits chagrins ». Dans l’ensemble tout le corps policier se montre coopératif.

Quel est l’épisode que vous racontez dans votre livre et qui vous a le plus marqué dans votre carrière au RAID ? Et pourquoi ?

Indéniablement, c’est la prise d’otages à l’école maternelle de Neuilly. 26 enfants de 4-5 ans retenus par un individu qui se qualifie comme étant HB (Human Bomb). Il portait sur lui un dispositif de mise à feu inquiétant, relié à 12 bâtons de dynamite. Ses demandes étaient irréalisables et farfelues. 54 heures de tension extrême. Les psychiatres présents étaient incapables de se mettre d’accord sur le profil du type. On sentait vraiment la crainte à tous les niveaux et notamment dans le groupe d’intervention, composé de pères de famille. Je ne faisais pas partie du premier groupe d’urgence, j’ai rejoint mes camarades après 12 heures de négociation. Les collègues, malgré la relève, n’ont pas voulu quitter les lieux, ils voulaient attendre le dénouement. HB commençait à être délirant et à tenir des propos incohérents. Le patron du RAID et Nicolas Sarkozy sont parvenus à faire sortir quelques enfants, notamment ceux qui pleuraient et gênaient HB. L’institutrice a été remarquable, comme la Capitaine des pompiers qui l’a remplacée plus tard. Deux femmes extrêmement courageuses. Au dernier jour, il ne restait que 6 enfants (les plus sages : que des filles ! Eh oui !). HB avait pris des amphétamines pour tenir, il buvait aussi beaucoup de café. Quand il a écrit « la liberté des enfants ne pourra passer que par ma mort », on a compris que toutes les demandes du début, les sommes exorbitantes et le reste ne correspondaient à rien et qu’il avait décidé d’en finir. Un cas de « suicide by cops ». Il voulait se faire tuer par la police après un coup d’éclat. Quand la Capitaine des pompiers nous a indiqué qu’il s’assoupissait, les patrons du RAID ont décidé d’intervenir. Après s’être assurés qu’il dormait réellement, deux volontaires sont entrés silencieusement d’un côté, puis par l’autre porte communiquant un autre petit groupe a pu récupérer les petites filles. C’est à ce moment que les cris des fillettes ont réveillé HB qui avait une main dans un sac à dos (probablement sur le détonateur). Le collègue qui se trouvait le plus proche de HB a aussitôt ouvert le feu. Je pense que c’était la seule solution envisageable sur le moment. La légitime défense a été reconnue quelque temps plus tard, alors que nous avions été traités d’assassins par le syndicat de la magistrature ! Les lettres de félicitations sont arrivées du monde entier, ce qui nous a fait chaud au cœur. Quelques-uns des enfants – ils ont maintenant plus de 25 ans – viennent parfois au service avec des souvenirs confus de cet épisode, ils n’ont pas été choqués par la situation. Il faut dire qu’à aucun moment HB ne les a maltraités.

Mémoires du Raid, de Robert Paturel, éditions Dualpha, préface de François Santini, ancien commandant de Police au RAID, 326 pages, 31 euros.

Le RAID à l’épreuve du feu, de Robert Paturel, éditions de l’Atelier Fol’Fer, 151 pages, 12 euros.

Mémoires du Raid, de Robert Paturel, éditions Dualpha, préface de François Santini, ancien commandant de Police au RAID, 326 pages, 31 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.

Le RAID à l’épreuve du feu, de Robert Paturel, éditions de l’Atelier Fol’Fer, 151 pages, 12 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.

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