19 septembre 2017

La mécanique de l’indiscernable

Par Bernard Plouvier

 

L’intelligence, le sens moral et le sens artistique interagissent pour donner un être humain, soit l’actuel chef-d’œuvre (bien incomplet et imparfait) de la vie animale sur Terre, le seul être doté de transcendance.

Il n’y a pas de « libre arbitre » soit de volonté propre, pour les particules élémentaires, les atomes ou les macromolécules. Il faut bannir du langage scientifique les expressions de « choix moléculaires » (singulièrement pour l’ADN) ou de « choix cellulaires » : la « sélection naturelle », la « lutte pour la vie » ne sont que les conséquences de hasards génétiques. Elles ne sont en aucun cas le primum movens de la nature. Charles Darwin l’avait compris, mais s’est fort mal exprimé, reprenant hors de propos la phraséologie de Thomas Malthus : la multiplication et la domination des plus adaptés à l’environnement ne sont pas le but de mutations planifiées, mais la conséquence heureuse de mutations aléatoires.

Dans le monde des particules subatomiques, règne le désordre. Il existe des forces et des champs, additionnant ou contrariant leurs effets, qui peuvent bouleverser l’organisation et la trajectoire des photons et des particules, transformant leur cinétique, à un moment donné, en un phénomène aberrant pour l’observateur humain. Les particules élémentaires (ou subatomiques) sont des phénomènes ponctuels, en perpétuel remaniement au sein d’un océan d’énergie, au point de passer d’une charge positive à une charge négative et vice-versa, de l’état de matière à celui d’antimatière (ce fut la contribution de Paul Dirac, en 1928, à la mécanique quantique).

Cette mécanique quantique est un monde de l’incertitude pour l’observateur humain, parce qu’elle est une « mécanique de l’indiscernable » (Scarani, 2003), dans l’état actuel des moyens de mesure. À l’étage subatomique, tout est hasard, jusqu’à ce que la force nucléaire (ou interaction forte) donne une cohésion durable au noyau atomique, ce qui permet ensuite de constituer des agrégats moléculaires. De l’aléatoire, l’on passe ainsi à la stabilité, gage de durabilité et d’un certain ordre au moins apparent.

Une particule, totalement dépourvue de volonté, peut aussi bien se comporter comme l’immense majorité des autres particules – et entrer dans un schéma de cohérence pour l’observateur humain – ou faire n’importe quoi, sous l’effet de forces multiples – et devenir aberrante à l’observateur. C’est une telle alternative, purement aléatoire, d’ordre et de fantaisie qui régit l’Univers, aussi bien que la vie terrestre.

Durant l’Antiquité grecque, des philosophes, qui étaient des penseurs rigoureux (probablement nantis d’une structure mentale obsessionnelle), ont décrit ce qui leur paraissait le modèle même de l’anti-Chaos : le système astronomique limité à ce qu’ils pouvaient voir à l’œil nu et qui leur paraissait géocentré. Le mouvement des astres, immuable dans son cycle annuel du moins si l’on considère les résultats d’un à deux millénaires d’observations, minutieuses autant que rudimentaires, est rassurant par son caractère routinier : même les éclipses de Soleil ou de lune peuvent être prévues par de savants calculs.

Certes, au IIIe siècle avant notre ère, un brillant théoricien avait imaginé un système héliocentré, lançant une querelle qui ne fut tranchée qu’à la jonction des XVIe et XVIIe siècles par le grand Johannes Kepler (et nullement par Copernic ni Galilée).

Kepler puis Newton fournirent un schéma cosmologique, fort rassurant pour les amateurs d’ordre : celui de la gravitation universelle. La physique d’Isaac Newton était un mécanisme de forces interagissant comme un système d’horlogerie très complexe, mais cohérent, précis, aux phénomènes prévisibles. C’était un monde de stabilité et d’ordre.

À la fin du XIXe siècle, des esprits commencèrent à douter de l’immuabilité de ce système : les forces mécaniques cédaient le pas aux champs électromagnétiques. En à peine plus d’un quart de siècle, tout changea : Hendrik Lorentz, Henri Poincaré, Hermann Minkowski, David Hilbert, Werner Heisenberg firent exploser les certitudes (et un plagiaire rafla une grande partie de leur mérite : Albert Einstein, qui, à l’instar du sieur Galilée, ne citait jamais les sources où il puisait son « inspiration » : Heinrich Hertz et Henri Becquerel pour l’effet photo-électronique, Poincaré, Lorentz, Hilbert, pour la relativité, Poincaré et Minkowski pour l’espace-temps, ajoutant une 4e dimension, la durée, aux trois dimensions spatiales). De 1900 à 1927, la physique fut bouleversée et l’Univers fut reconnu pour ce qu’il est : un monde aléatoire. « Il n’y a pas d’espace absolu et nous ne concevons que des mouvements relatifs… Il n’y a pas de temps absolu » (Poincaré, 1902).

De l’ordre immuable, on passait à un désordre quasi-général, au moins pour les éléments infra-atomiques. La représentation de l’Univers se rapprochait davantage de ce que l’on connaissait des civilisations humaines : un monde aléatoire et transitoire.

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Philippe Randa,
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