9 janvier 2017

Face aux incertitudes des lendemains qui déchantent

Par Jean-Pierre Brun

En ce début d’année, comment peut-on être un europhile heureux ? Les British ont voté le Brexit, les Poméraniens ont fessé Angela, les Trèfles irlandais se tamponnent le coquillard avec ces 13 milliards d’euros que la Commission Européenne prétend leur subtiliser, les populistes autrichiens du FPÖ menacent régulièrement de remporter les élections suivantes, le référendum hongrois sur l’accueil des migrants tourne à un plébiscite stalinien à rebours, en France les bleus de la Marine ont quelques chances de virer en tête à la bouée du premier tour de la Présidentielle… N’en jetez plus !

Désemparées, nos élites bruxelloises seront-elles contraintes à constater que, leurs dernières cartouches tirées, elles ne pourront même plus recourir au fameux théorème de Cocteau : « Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être l’organisateur. »

Imaginons un instant qu’un tel mouvement s’amplifie. Poussées dans les oubliettes de l’Histoire, elles auraient tout loisir de dresser l’inventaire des causes de leur disgrâce. Pour ce faire, elles pourraient méditer quelques vérités premières proférées par des aînés avisés trop souvent méconnus de leurs microcosmes originels. Vieux sages auxquels d’ailleurs ils n’auraient jamais pu apprendre leurs grimaces.

Avant toute autre considération, ne se seraient-elles pas aveuglées quant au réalisme de leur entreprise ? Monseigneur Chevrot soulignait cette propension de l’homme qui, à vouloir rêver sa vie, la transforme en cauchemar : « Bâtir des châteaux en Espagne est le plus sûr moyen de dormir à la belle étoile. »

Certes « les rêveurs éveillés ont le droit de dormir debout », mais tout de même !

Oui mais ! m’opposera l’un de nos distingués contradicteurs, une situation initialement désastreuse peut entraîner un sursaut salutaire.

Lors de la Guerre de Sécession, après la bataille de Bull Run, Lee lancé à leurs trousses, les Nordistes avaient littéralement le Sudoku (il vaut toujours mieux châtier son langage) et pourtant, ils allaient gagner la guerre à Appomattox. Voilà bien un sédatif de charlatan qui n’assure pas pour autant le rétablissement de nos égrotants bruxellois.

Il serait grand temps de le reconnaître car, comme le suggère le futurologue, « mieux vaut s’attendre au prévisible que d’être surpris par l’inattendu. »

Encore que, poursuit-il, « il est souvent trop tôt pour savoir s’il n’est pas trop tard. »

Nos dépités sortants auraient-ils manqué de clairvoyance ou se seraient-ils entêtés, après avoir pris conscience de leur fourvoiement, à poursuivre leur course sur une voie sans issue ? Comme le dit Alfred Sauvy : « Pour ne pas voir, il faut une volonté d’acier. »

Émile de Girardin prétendait que « gouverner c’est prévoir », alors que pour Pierre Mendès-France, « gouverner c’est choisir ». Un observateur taquin préciserait que pour choisir, il faut déjà prévoir. Bref, on ne peut s’engager sans avoir préalablement projeté ce qu’il adviendrait pour chaque hypothèse étudiée. C’est là qu’il devient sage d’écouter le toujours « so british » Winston Churchill : « La prophétie est un genre délicat, surtout quand elle porte sur l’avenir. »

Et c’est précisément à ce stade de la prise de décision politique que la lucidité devient indispensable, cette lucidité que les passions partisanes anesthésient trop souvent au point d’égarer leurs victimes. Cioran le traduisait à sa façon dans une formule faussement provocatrice : « Si Noé avait eu le don de lire dans l’avenir, il n’est point douteux qu’il se fut sabordé. »

Un brave agriculteur, amoureux et respectueux de la Nature, qui s’efforçait en vain de comprendre les élucubrations de gardes verts de l’écologie de combat, constatait que « la Terre est décidément plus raisonnable que les hommes puisqu’elle fait ses révolutions à heure fixe. »

Pourtant, ce constat a priori peu réjouissant ne saurait nous désespérer, alors que, sur le seuil de 2017 doté d’un paillasson tout neuf, nous essuyons nos godillots crottés dans les flaques et les ornières de la 2016. Faisons donc nôtre cette confidence de Pierre Gaxotte : « Je suis gai parce que je suis pessimiste. Les catastrophes ne me surprennent pas. »

 

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Philippe Randa,
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