En prenant connaissance du programme du candidat Emmanuel Macron, mon cœur de vieux marsouin, usé sous le treillis des troupes d’infanterie de marine, avait bondi d’allégresse.
La sottise du père Chirac qui, distraitement, avait balancé le service militaire aux feuillées, allait être réparée quand bien même cette initiative, virtuellement présidentielle, restait relativement modeste dans ses ambitions. Mais sous les auspices incertains d’une Ve République déjà entrée en soins palliatifs, à défaut de grive, on mangerait bien du merle, non ?
Et je ne me lassais pas de lire et de relire dans le vade-mecum macronien cette formulation si réconfortante : « Nous créerons un service militaire obligatoire et universel d’un mois. Il s’adressera aux jeunes femmes et hommes aptes de toute classe d’âge et devra intervenir dans les trois ans suivant leur 18e anniversaire. »
Les mois ont passé. Un groupe d’experts aurait été saisi. Ni par la débauche ni par le démon de midi, mais par le coût d’une telle mesure et les incommensurables difficultés qui surgiraient pour la mettre en œuvre. Car comme le rappelle la sagesse guerrière, lorsque la dernière goutte du bidon a été essorée, il ne faut surtout plus confondre boire et avoir soif. Et nos généraux eux-mêmes auraient jeté un regard torve sur le projet volontariste du Chef des Armées. Sabre de bois !
Dans ces années de fin de régime, le théorème de Queuille, pourtant établi dans les années cinquante (1950, pas 1850), n’a jamais été aussi pertinent : « Les promesses n’engagent jamais que ceux qui les écoutent. »
Encore faut-il, pour celui qui les a proférées, leur substituer le placebo qui laissera aux gogos l’illusion d’un protocole respecté. Plus il sera fumeux, mieux seront enfumés les naïfs qui y avaient cru.
Ainsi apparaît le ballon d’essai indispensable au détournement de l’attention des badauds.
Après réflexion (il n’y a pas que les armoires à glace qui réfléchissent), ce nouveau service national (notez le gommage providentiel du terme « militaire ») pourrait prendre la forme d’un parcours « citoyen » (il n’a plus rien de combattant) qui s’effectuerait à raison d’une semaine par an, au collège et au lycée (ouf, l’école primaire a été éliminée de justesse).
Il s’adresserait à tous les élèves de 10 à 16 ans (serait-ce un clin d’œil nostalgique aux écoles d’enfants de troupe d’antan ?). Se déroulant en trois étapes, il serait encadré par des enseignants et des volontaires du service civique (il est inutile de rappeler que rien n’est plus dangereux que de confier des jeunes gens à l’autorité militaire qui ne manquerait pas de les dévoyer).
Quelques « Saint Jean Bouche d’or » se réjouissent même de souligner que c’est déjà partiellement en place depuis des années. En effet, avec du vieux, comme l’instruction civique, on peut, paraît-il, faire du neuf. Alors pour simplement refaire de l’ancien, où est le problème ?
La première étape porterait sur « défense et sécurité », « les gestes qui sauvent » (« devant le danger, la fuite », par exemple), « les droits et les devoirs » (plus particulièrement le devoir de défendre ses droits, voire d’en exiger de nouveaux), « la mémoire » (plus personne ne se souvient vraiment de quoi il s’agit).
La deuxième étape, programmée en classe de seconde, prêcherait les bienfaits de la mixité sociale et des valeurs fraternelles comme l’aide aux personnes âgées ou aux sans-abri.
Un « passeport citoyen » – remis solennellement sur le front des troupes, convaincues bien sûr par l’enjeu d’une telle démarche – consacrerait la dernière étape. Il marquerait le jeune Français du sceau républicain indélébile et lui permettrait d’accéder à une majorité authentiquement civique. Fermez le ban !
Pendant ce temps, les prédateurs de la France, bien planqués sous les oripeaux de la victimisation sociale, profiteront des soins dispensés par notre belle jeunesse dans le cadre des exercices pratiques évoqués plus haut. Ils pourront ainsi parfaire leur entraînement à combattre la France. Ils auront tout loisir pour se donner les moyens de refuser cette assimilation et cette mixité qu’ils détestent.
Mais grâce à Dieu comme aimait à le rappeler le très athée président Queuille, « il n’est aucun problème assez urgent en politique qu’une absence de décision ne puisse résoudre. »
Et d’enfoncer le clou : « La politique n’est pas l’art de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent. »
Ainsi est-il urgent d’attendre. Quant à nous, soyons patients.
Rompez les rangs ! Et au nom de Dieu, vive la Colo !
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