23 mars 2017

Ça va, le diable ?

Par Jean-Pierre Brun

En 1954, encore dans l’antichambre du succès, Jacques Brel imagine le Diable effectuant pour ce bas monde, ce que nos technocrates appelleront bientôt un audit. Rassuré sur la bonne tenue de son portefeuille de mauvaises actions et le respect des obligations de ses débiteurs, le prince des Ténèbres, après avoir vérifié ses réserves de vices réparties en six caves, regagne l’Enfer pour partager avec les siens les raisons multiples de sa satisfaction.

En 2017, Satan peut lisser sa queue, affûter ses griffes avant de les vernir, limer ses cornes et ses sabots, tout en soulageant voluptueusement sa panse trop pleine par l’un de ces rots sulfureux dont il a le secret. Dieu bénisse ! Ses placements à très long terme n’ont fait que fructifier.

Les feux illuminant la terre se multiplient dans des pétarades pyrotechniques inédites. Des gens, toujours plus idéalistes, continuent de faire dérailler les trains, s’écraser les avions, mais, fait nouveau, en s’explosant eux-mêmes avec leurs cibles (hier on faisait exploser une bombe, aujourd’hui on s’explose… évolution des mœurs).

Les États se muent plus que jamais en sociétés anonymes sournoises « sans responsabilité ». Si rien ne se vend, tout s’achète et à n’importe quel prix, comme chez nous, l’ersatz de « paix sociale ». Les chirurgiens esthétiques vous greffent un honneur, voire une sainteté, plus édifiants que les modèles d’origine. Avec le développement technologique, les icônes des salauds, béatifiés par la grâce des faiseurs d’opinion, envahissent les espaces médiatiques pendant que les vrais « lanceurs d’alertes » (les sonneurs de tocsin d’hier) sont au mieux traités de fous et, le plus souvent, dénoncés comme de dangereux extrémistes.

« Diviser pour régner ! » Certains prêtent à Machiavel la paternité du précepte avec son « Divide et impera ». D’autres, à juste titre, soulignent la pratique du « Divide ut regnes » dans la Rome antique. En fait, le père de cette formule maléfique n’est autre que Lucifer lui-même qui a testé naguère sa trouvaille, à l’ombre de l’arbre de la connaissance, serpentant en plein jardin d’Éden, avant de la roder avec ces faux frères de Caïn et Abel. Dans ses laboratoires, cornues et alambics distillent à pleins seaux les philtres et autres potions méphitiques porteuses d’envie, de jalousie, de ressentiment qui, en multipliant les sources de conflit, lui assurent une autorité sans partage.

Lorsque Brel peaufine sa philippique, l’ONU compte 60 États. Aujourd’hui, ils sont 193 à encombrer les locaux de l’institution dans l’attente de nouveaux arrivants. Car en coulisse, sûrs de leur infaillibilité manœuvrière et afin de mieux imposer une Mondialisation tactique, les suppôts de notre bon Satan accroissent méthodiquement le nombre de ces États prétendument souverains. Ils facilitent ainsi la neutralisation des efforts de ceux qui tenteraient de leur résister au nom de passés millénaires forgés le plus souvent par des dynasties se réclamant de l’ordre divin (ce qui expliquerait les crises d’urticaire insupportables d’un Belzébuth particulièrement chatouilleux sur ce point).

Le Diable peut se caresser le bouc de contentement devant le travail effectué par ses succubes. Il faut dire que son imagination tortueuse a déjà inventé les États croupions pour les plumer comme de vulgaires dindons, les États frères pour mieux les déshériter, les États non-alignés pour les disperser et les isoler davantage, les États satellites pour les envoyer sur des orbites captives dont ils ne devraient jamais revenir, les États en voie de développement qui ne développeront rien d’autre que la misère et le chaos.

Laissant au vestiaire son Trident symbolique devenu obsolète, il s’est très vite forgé deux outils plus maniables, la Tricontinentale et la Trilatérale qu’il manœuvre avec cette aisance si particulière des ambidextres. Hier, d’un coup d’aile, il volait de Bandoeng à Cuba. Aujourd’hui, il se téléporte de Manhattan à Davos. Il sème ainsi à tout va, cette concorde dévastatrice propre aux coexistences pacifiques paralysantes, indispensables à la réalisation de ses desseins : ruiner spirituellement le genre humain pour mieux l’asservir matériellement, avant de le juguler définitivement.

Le grand Jacques concluait ainsi sa chanson : « Ça fait mal aux honnêtes gens et rire les malhonnêtes gens… »

Peut-être… mais que diable, rira bien qui rira le dernier ?

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