La Roumanie sur les traces de la Hongrie et de la Pologne ?
par Olivier Bault.
Entretien avec Modeste Schwarz, correspondant en Roumanie du site Visegrád Post.
— Depuis les élections législatives roumaines de décembre 2016 remportées par le PSD de Liviu Dragnea, il est de plus en plus question de sanctions européennes contre la Roumanie comme pour la Pologne et la Hongrie.
Cela n’a d’ailleurs pas empêché les députés du PSD au Parlement européen de voter le 12 septembre en faveur de la procédure de sanctions contre la Hongrie. Pour comprendre la scène politique roumaine, peut-on dire, pour faire simple, que le PSD – nominalement de gauche – est plutôt social-conservateur par rapport aux partis de « droite » alliés au président Johannis qui sont, eux, plutôt libéraux-libertaires ?
— On peut en effet présenter les choses comme cela. Sur les questions sociétales et culturelles, s’il n’y a pas de différence particulière entre les électorats du président Klaus Johannis, classé en théorie à droite, et de Liviu Dragnea, classé en théorie à gauche, au niveau des élites politiques il est assez clair que ceux qui font au moins semblant d’être libertaires, pour être cooptés par leurs sponsors occidentaux et soutenus par l’Occident contre le PSD, ce sont les partis classés officiellement à droite. Ce sont toujours eux qui ont fait avancer les agendas sociétaux chers à l’Occident : séparation la plus poussée possible de l’Etat et de l’Eglise orthodoxe, promotion étatique de formes « innovantes » de vie familiale, multiculturalisme, etc. Dernier exemple en date : la pétition qui a obtenu trois millions de signatures en faveur de l’inscription du mariage dans la constitution pour se protéger contre une dérive à l’occidentale. Le président Johannis devrait donc normalement organiser une consultation populaire. Violant une fois de plus la constitution roumaine, qui l’y oblige, celui-ci a toutefois fait savoir qu’il refusait de perdre son temps pour satisfaire les desiderata de « fanatiques religieux ».
— En revanche, le parlement roumain, où cette coalition a la majorité, vient de voter en faveur d’un référendum…
— En effet, le PSD et son partenaire ALDE défendent le mariage et la famille. Mais en réalité, si les membres des partis de « droite » exprimaient leur propre opinion, ils seraient pour la plupart sur la même position. Seulement là où la « droite » a fait le calcul de se faire coopter par l’Occident en défendant un agenda libertaire, le PSD a, lui, fait le calcul contraire : il a compris qu’il y avait un capital politique à engranger en défendant la famille et le mariage. Pour être complets, précisons que le PSD a une petite frange réellement de gauche, au sens de la gauche culturelle, sociétale. C’est assez négligeable dans leur électorat, mais moins négligeable parmi les cadres et surtout parmi leurs députés au Parlement européen qui ont, plus facilement que d’autres, mis le doigt dans l’engrenage de l’euroconformisme pour bien profiter de toutes les savoureuses opportunités que leur offre Bruxelles. Le PSD n’a pas de doctrine officielle fermement assumée. C’est un parti de gestion qui s’appuie sur des élites politiques locales. C’est le parti de la continuité nationale. Ils ont simplement compris que les visées « progressistes » des partis qu’on appelle à tort de « droite » sont impopulaires. Il y a en réalité bien peu de Roumains qui soient sincèrement en faveur du « mariage gay » et des frontières ouvertes. La coalition PSD-ALDE s’est donc engagée dans la brèche. On ne peut d’ailleurs exclure que les exemples hongrois et polonais n’aient joué un rôle dans l’évolution du discours de ces partis.
— Dans ce cas, comment expliquez-vous les grosses manifestations antigouvernementales dont parlent régulièrement les médias français ?
— Le problème, c’est que dans les médias occidentaux, on n’entend parler que des manifestations convoquées par les mouvements anti-gouvernementaux. Or depuis cette année, le PSD s’est mis à son tour à mobiliser dans la rue, et ils ont eu début juin une contre-manifestation qui a rassemblé autant de monde que les manifestations de l’opposition, soit une centaine de milliers de personnes. Les rares qui, dans la presse occidentale, ont fait état de cette grande manifestation en faveur du gouvernement en juin ont expliqué que ce n’était presque que des provinciaux amenés en autocars par les partis de gouvernement. Ils ne vous diront pas que les manifestations contre le gouvernement font l’objet d’une organisation tout aussi coûteuse et tout aussi peu spontanée. Je pense notamment à l’implication d’un certain nombre de banques occidentales présentes en Roumanie comme la Raiffeisen qui apporte un soutien logistique et dont le directeur général pour la Roumanie défile au premier rang des manifestants.
— Dans ses manifestations, l’opposition dit protester contre les réformes qui ont affaibli le parquet anti-corruption roumain. Cet affaiblissement ne représente-t-il pas une menace pour la démocratie et l’Etat de droit ?
— Il n’y a pas en Europe occidentale d’équivalent de ce fameux parquet anti-corruption roumain, avec de tels pouvoirs. Ce qui éloigne la Roumanie du modèle occidental, c’est justement ce dispositif juridico-policier mis en place par Monica Macovei pendant l’ère Băsescu. On a introduit, sous prétexte de lutter contre la corruption en Roumanie, une notion assez mal définie (c’était volontaire) d’« abus en service ». Avec cette notion, s’il n’est pas possible, malgré l’arsenal impressionnant d’instruments dont dispose le parquet anti-corruption, avec des protocoles secrets signés entre autres avec les services spéciaux héritiers de la Securitate, de prendre un élu en flagrant délit d’encaissement de pot-de-vin pour un appel d’offres, on peut toujours démontrer que dans telle autre commune du pays, un marché public semblable a été attribué pour une somme moindre. Alors que dans le premier cas, si on prouve la corruption, la peine maximale est de dix ans de prison, dans ce deuxième cas, quand on n’a rien pu prouver en dehors, peut-être, d’une mauvaise gestion, il y a « abus en service » avec une peine maximale de quatorze ans ! Cela permet à ce parquet anti-corruption de choisir quels élus il veut poursuivre et il ne se prive pas d’être beaucoup plus bienveillant à l’égard des élus du camp Iohannis, héritiers de l’ère Băsescu. Ces deux dernières années, il est devenu très clair que le Parquet anti-corruption visait spécifiquement les élus du PSD et, dans une moindre mesure, ceux de l’ALDE, ainsi que ceux du parti de la minorité hongroise depuis que le Fidesz et la coalition au pouvoir à Bucarest ont conclu une alliance.
— C’est donc le mode de fonctionnement du Parquet anti-corruption qui menaçait la démocratie et l’Etat de droit en Roumanie ?
— Ce qui avait été mis en place à partir de 2004 à l’époque de Monica Macovei et qui a été continué sous la direction de Laura Codruța Kövesi, c’est une législation créant les bases d’un pouvoir dictatorial, d’une dictature judiciaire. Laura Codruța Kövesi a été destituée par le ministre de la Justice en février et la Cour constitutionnelle a validé cette décision, malgré l’opposition du président Johannis.
Tout cela, les médias occidentaux ne le disent pas, comme ils ne parlent pas des résultats extrêmement médiocres de ce parquet en matière de lutte contre la corruption. Car si le nombre de mises en examen n’a cessé de croître de façon absolument vertigineuse, le nombre des condamnations fermes a reculé. Ceci, c’est le symptôme très clair d’un système qui donne l’apparence d’une lutte contre la corruption mais qui est en réalité instrumentalisé à des fins de chantage politique. Le Parquet anti-corruption n’a absolument pas fait reculer la grosse corruption. La seule chose qui a reculé en Roumanie, c’est la petite corruption et c’est en grande partie grâce aux réformes de la coalition PSD-ALDE qui a fortement augmenté les salaires des fonctionnaires.
Propos recueillis par Olivier Bault, correspondant permanent à Varsovie, publiés dans les colonnes du quotidien Présent.
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