Retour sur les élections générales : la gauche espagnole et la révolution
Quelles ont été les raisons profondes qui ont fait que le parti de centre droit espagnol, le Parti Populaire (PP), n’a pas obtenu avec Vox, la majorité absolue qui lui tendait les bras face aux socialistes et ses alliés ?
De très nombreux commentateurs expliquent à longueur de colonnes, que Pedro Sanchez a su remobiliser son camp, à la suite de son insuccès aux élections régionales et municipales du 28 mai, en reprenant le thème « le fascisme ne passera pas », no pasaran, face à la victoire annoncée du PP allié à Vox.
Ces mêmes spécialistes affirment que le PSOE aurait profité des accords PP/Vox qui se sont finalisés dans plusieurs communautés autonomes ou municipalités, en les utilisant comme repoussoir vis-à-vis des électeurs modérés et les convaincre de se rallier au PSOE. J’ai même lu dans la presse espagnole que l’Espagne était profondément de centre gauche, dans une sorte de pétition de principe.
Certes, le centre droit et Vox n’ont sans doute pas assez mobilisé leur camp, péchant vraisemblablement par un trop grand optimisme sur une victoire trop vite et trop largement annoncée.
En réalité le PP et son Président Alberto Nuñez Feijoo se sont comportés comme se comportent toujours les partis de cette droite molle européenne, qui n’ont aucune vision politique claire et qui se contentent de tenter de gérer l’économie au mieux, sans jamais vouloir combattre les gauches sur les terrains sociétaux et des idées, bref, qui se refusent à faire de la politique et à porter le fer et la discorde chez l’ennemi.
Feijoo qui a ramassé un PP en perdition, en avril 2022, l’a certes transformé en 1er parti d’Espagne, en voix et en élus, mais il n’a pas su, n’a pas voulu attaquer frontalement le PSOE, bien au contraire. Or en politique, comme à la guerre, les seules batailles perdues d’avance sont les batailles que l’on ne livre pas. Sanchez s’est battu, Feijoo non, il a même en fin de campagne honoré son adversaire de satisfecit, ce qui est toujours une erreur cardinale.
Alors même que le PSOE s’était complètement radicalisé en menant une politique d’extrême gauche de type Chaviste, et contraire aux intérêts de l’unité de l’Espagne depuis plus de 4 ans, Feijoo s’est comporté comme si le parti socialiste était encore un parti social-démocrate, ce qu’il n’est plus depuis que José Luis Zapatero en avait pris la tête en 2000.
Feijoo s’est toujours refusé, en bon centriste qu’il est en réalité, à considérer que le PSOE, en s’alliant avec l’extrême gauche Chaviste (Podemos puis Sumar), et en s’acoquinant avec les pires séparatistes catalans et basques avait changé de nature. Cet aveuglement militant lui a coûté la majorité absolue qu’il aurait dû conquérir avec Vox, comme le prévoyaient tous les sondages, toutes les enquêtes d’opinion, et surtout toutes les élections intermédiaires.
Depuis sa prise de fonction comme Président du PP, Feijoo n’a eu de cesse de faire les yeux doux au PSOE, pensant qu’un jour un accord de bipartisme pourrait intervenir, comme au bon vieux temps, où le PSOE seul, puis le PP seul alternaient au pouvoir. Feijoo n’a pas compris ou n’a pas voulu comprendre, ni la plupart des cadres dirigeants du PP d’ailleurs, la transformation ontologique du PSOE, sauf peut-être Isabel Diaz Ayuso la patronne du PP dans la Communauté de Madrid. Cette dernière vient d’ailleurs d’affirmer que les accords entre Sanchez et Puigdemont, le Chef des indépendantistes catalans étaient faits, et que Sanchez « vendra l’Espagne aux ennemis de la nation ».
Feijoo, depuis la victoire de son parti aux élections municipales et régionales du 28 mai, a totalement brouillé son discours, rejetant Vox, indiquant que ce dernier n’était pas un « bon associé », alors que localement, plusieurs dirigeants du PP passaient des accords avec Vox pour gérer une municipalité ou une région.
Comme le dit Guy Trépier, dans Valeurs Actuelles du 24 juillet, « la gauche de Sanchez a joué sur la peur de l’extrême droite », certes, mais cette tactique grossière n’a réussi qu’à cause de la pusillanimité du PP et surtout de Feijoo, qui n’avait qu’un espoir devenir le premier parti d’Espagne et espérer que le PSOE le laisserait gouverner seul, sans revenir aux alliances révolutionnaires. Ce fut un leurre et la sanction fut une gifle magistrale.
Dans un entretien au Figaro, Benoît Pellistrandi, historien et professeur, met le doigt sur l’essentiel : « le leader du PP a dit qu’il ne voulait pas gouverner avec Vox et qu’il souhaitait appeler le PSOE à faire des pactes d’État avec le sien. Pourtant à Valence, en Estrémadure, en Castille et Leon, il y a des gouvernements de coalition PP-Vox. Donc où était la vérité ? Par ailleurs, Feijoo, a fait campagne en dénonçant “el sanchismo”, tout en se disant prêt à tendre la main au PSOE. Il a brouillé son message politique, ce qui lui a porté préjudice. ». Il aurait pu rajouter les pactes PP/Vox en Aragon et aux Baléares.
Feijoo s’est comporté en petit garçon bien élevé face à un Sanchez blouson noir, pour qui tous les coups sont permis, toutes les alliances, même les plus radicales sont possibles. L’électeur espagnol, devant un message aussi contradictoire, ne s’y est pas retrouvé, et ce pour le plus grand malheur de l’Espagne, qui risque fort encore de devoir subir pendant quatre ans la dure loi de la révolution séparatiste et extrémiste.
L’Histoire se répéterait-elle en Espagne ? À partir de 1932-1933, le PSOE s’était transformé en un parti bolchevique, prônant la lutte des classes, la collectivisation forcée, et le refus de l’alternance démocratique. Cela a conduit directement à la guerre civile. Aujourd’hui, le risque majeur est de voir l’Espagne éclatée, par la partition de la Catalogne et du Pays basque d’abord. Cet éclatement n’est plus théorique, car le PSOE, pour gouverner, va devoir accepter les diktats des pires sécessionnistes qui soient, et Sanchez est prêt à le faire. Tout cela à cause d’une droite molle qui se refuse à une alliance claire avec un parti, Vox, qui se bat pour l’unité de son pays. Tout cela à cause d’un apparatchik galicien, Feijoo, qui n’a rien compris au sens profond de l’idéologie adverse qui lui fait face.
Les Espagnols seront-ils dupes longtemps ? À partir du 17 août, les chefs des deux camps tenteront d’obtenir une investiture, ce qui pourrait prendre plusieurs semaines. S’ils n’y parviennent pas, les Espagnols revoteront.
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