Le Pen chez les kiwis
Le 23 septembre dernier, les électeurs néo-zélandais choisissaient une nouvelle Chambre des représentants. Le mode de scrutin de ce pays s’apparente au système électoral allemand auquel s’ajoutent sept circonscriptions réservées aux Maoris. En effet, contrairement à leur voisin australien où les Aborigènes subissent les affres de la misère, du chômage, de l’alcoolisme, de la toxicomanie et de la délinquance, les autochtones de Nouvelle-Zélande ont su préserver leurs traditions culturelles.
Le Parti national conservateur-libéral du Premier ministre sortant Bill English arrive en tête avec 44,45 % des suffrages et 56 sièges sans toutefois atteindre la majorité absolue. Les travaillistes obtiennent 36,89 % des voix (46 sièges), ce qui est une surprise, car Jacinda Ardern, seulement âgée de 37 ans, a pris la direction de ce parti au mois d’août, suite à la démission fracassante d’Andrew Little. Après plusieurs semaines de tractations secrètes, Ardern est devenue Premier ministre grâce à un accord avec le Parti vert (6,27 % et 8 sièges) et, surtout, New Zealand First (« Nouvelle-Zélande d’abord ») de Winston Peters (7,20 %, 9 sièges).
Né en 1945, cet ancien diplomate, fils d’un Maori et d’une Écossaise, a quitté en 1993 le Parti national pour fonder New Zealand First, un mouvement protectionniste hostile à l’immigration asiatique et musulmane. Propulsée troisième force politique de Nouvelle-Zélande, New Zealand First a participé à des coalitions avec la droite et avec la gauche. Considéré comme le « Le Pen des Antipodes », Winston Peters fut ainsi vice-Premier ministre entre décembre 1996 et août 1998, puis ministre des Affaires étrangères d’octobre 2005 à août 2008. S’il a maintenant choisi de gouverner avec le Parti travailliste, c’est parce qu’au cours de la campagne, Peters et Ardern ont défendu une réduction draconienne des flux migratoires, une politique économique plus protectionniste, la renégociation du Traité Transpacifique, la limitation de la spéculation immobilière et l’interdiction imposée aux étrangers d’acquérir des terrains néo-zélandais.
La nouvelle alliance gouvernementale aurait pu être instable du fait des relations exécrables entre le Parti vert et New Zealand First. Cette difficulté a été contournée. Si Winston Peters devient vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, New Zealand First prend les ministères de la Défense, des Infrastructures et de l’Intérieur (c’est-à-dire de l’état civil). Le Parti vert obtient quatre postes hors du Cabinet et donc non soumis à la solidarité ministérielle.
New Zealand First revient donc au pouvoir malgré des résultats décevants : 1,5 % de moins et la perte de trois sièges. Les Néo-Zélandais ont saisi la complémentarité cruciale des questions sociale, identitaire et écologique. Après le cas slovaque où le Président socialiste du gouvernement Robert Fico dirige avec les nationalistes du Parti national slovaque, c’est un nouveau précédent pour les belles âmes qui savent que Jacinda Ardern présida en 2008 l’Union internationale de la jeunesse socialiste. En Autriche, le conservateur Sebastian Kurz a commencé à discuter avec les nationaux-libéraux du FPÖ. Mais, en cas d’échec, le FPÖ pourrait très bien s’entendre avec les sociaux-démocrates…
Un certain parti politique français bien malmené cette année aurait tout intérêt à observer avec attention ces quelques exemples de dépassement des clivages politiques habituels à la plus grande fureur des stipendiés du Capital anonyme et vagabond.
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Cette chronique hebdomadaire du Village planétaire a été diffusée le 3 novembre 2017 sur Radio-Libertés.
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Philippe Randa,
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