Pourquoi moraliser la vie publique ?
Amis lecteurs, vous commencez à me connaître et, de ce fait, mon attachement à la valeur des mots ne vous a certainement pas échappé. Certains d’entre vous ont même souligné ce travers en me traitant de sodomite de musca domestica, voire de fannia canicularis (permettez-moi de leur laisser le soin de traduire).
Le tout premier projet de loi de Bayrou, l’immaculé Béarnais, l’impeccable Palois, l’infatigable frère prêcheur du centrisme rédempteur, ne pouvait me laisser insensible. Oser prendre la tête de la croisade de la moralisation de la vie publique ! Une illumination presque salvifique ! Une audace inspirée ! On connaissait Jacques et Jean, les Boanerges, les Fils du tonnerre de l’Évangile, mais François le Hutin dont chacun s’accorde à dire qu’il n’est pas un foudre de guerre ! Détonant, non ?
Décidément, l’enthousiasme apostolique me grise… Revenons sans plus tarder aux fondamentaux. En quoi consisterait donc une quelconque moralisation ?
Esclave d’une nature tatillonne, je me précipite sur mes encyclopédies pour analyser ce que le terme même peut recouvrir. « La moralisation correspond à un processus d’inculcation de normes et de valeurs morales. Elle introduit ainsi des notions de bien et de mal. »
Allons bon ! Je ne sais pas pourquoi le concept même d’inculcation me met mal à l’aise. Ne frôlerait-on pas là une manipulation quelque peu maléfique. Je me plonge aussitôt dans des grimoires presque sulfureux. « L’inculcation consiste à graver dans l’esprit de quelqu’un et de façon durable une opinion, une vérité, des habitudes… »
C’est ainsi que je prends soudain conscience de l’ignorance des valeurs morales par le monde politique au sein duquel le relativisme ambiant annihile toute conscience du bien et du mal. Par conséquent, étant incapable de la moindre démarche volontaire, l’Homo politicus ne saurait échapper au rude « gravage » (et non gavage, ce n’est pas une oie, encore que…) de ces normes et valeurs inconnues de lui.
Avouez que pour un disciple de la représentation nationale, respectueux de l’onction quasi sacerdotale qui marque les élus depuis que le suffrage universel existe, il y a de quoi être ébranlé dans sa foi.
Qui me dit que le prochain député de ma circonscription aura eu le loisir de se faire inculquer les principes salvateurs de la croisade en cours ? Qui peut m’affirmer que le ministre de la cohésion des territoires sera cohérent dans son action territoriale, au sein d’un gouvernement propagateur de ce cinquième évangile, jusqu’à entrer en conflit avec les intérêts mutuels locaux et trop souvent particuliers ?
J’entends alors une petite voix me susurrer : « Dans le doute, abstiens-toi. »
Je vous prie de m’excuser. Vous n’auriez pas une boîte de boules Quies ?… Merci.
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Philippe Randa,
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