« L’affaire » Fillon au crible de l’analyse systémique
La rumeur parisiano-médiatique de la réinfosphère – augmentée des soupçons distillés par l’état-major filloniste – bruisse depuis quelques temps de ce que le candidat Fillon serait la victime directe du « Système » qui s’activerait à sa perte, fortement mécontent de ce que son champion, Alain Juppé, a été disqualifié par un « peuple de droite » décidément bien trop primaire. Certains – à l’instar de Christophe Servan sur Boulevard Voltaire, 8 février – avancent l’hypothèse d’un complot quand d’autres – tel le vice-président du Siel, Frédéric Pichon – conjecturent « que cette opération a été préparée bien avant la sortie de l’article du Canard enchaîné » (Boulevard Voltaire, 30 janvier).
Évoquer une question qui relève, prima facie, de la politique nationale, sur un site ayant pour impératif éditorial de traiter exclusivement de l’actualité européenne et internationale, pourrait apparaître comme incongru, sinon hors sujet. Il n’en est pourtant rien, en dépit des apparences – très souvent trompeuses, par définition – si l’on adopte, a priori, le postulat de la mondialisation. Celle-ci, par la célérité des échanges et des flux divers, a fini, rapidement, par renforcer un état d’interdépendance qui la caractérise en propre. Ici, le battement d’ailes d’un papillon en Chine est susceptible d’avoir des répercussions quasi instantanées à l’autre bout de la planète, conformément à la théorie dégagée par le météorologue Edward Lorenz, en 1962, dite de « la dépendance sensible aux conditions initiales », plus connue sous le nom de « théorie du chaos ».
Mais, en l’occurrence, s’agissant de sciences sociales, il convient d’admettre un postulat méthodologique permettant, précisément, d’appréhender un phénomène de nature proprement politique. La systémique y aide incontestablement. Là où le discours aristotélico-cartésien présente des insuffisances dues à sa méthode analytique par paliers de difficultés, la systémique permet de saisir un objet dans sa globalité, attendu que, selon Pascal l’on doit tenir « pour impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties ». Le tout doit donc être compris comme un et non réductible à ses composantes.
De ce fait, il est aisé de comprendre que les éléments ou acteurs d’un système, constituant l’essence même dudit système, doivent se trouver en situation d’interrelation permanente, indépendamment de leur intentionnalité plus ou moins consciente, à l’exemple de boules de billards qui rétroagissent l’une sur l’autre, le résultat de ce « feedback » déterminant leur vitesse et leur direction.
In fine, tout dépend de la transformation des informations circulant et transitant dans les réservoirs du système.
Appliquée au « cas » Fillon ou à ce que les medias « mainstream » ont appelé le « Penelopegate », l’analyse systémique autorise, en effet, à créditer la thèse du complot, laquelle n’a évidemment rien à voir avec celle des « complotistes » ou des « conspirationnistes » en chambre.
Ce complot n’est rien moins que la manifestation au grand jour d’évènements, hier discrètement anecdotiques (et, nonobstant, relevant du secret de Polichinelle, si l’on considère que les « pratiques » imputées à François Fillon, de même que les turpitudes sexuelles de Dominique Strauss-Kahn, étaient depuis longtemps connues et acceptées par le microcosme), dont la congruence (se dit de certaines relations d’équivalence, ndl’e) leur confère une singularité et un caractère inédit.
Il s’agit bien moins de savoir « à qui profiterait le crime », que de poser comme évidence que les fameuses « pratiques » de François Fillon recelaient potentiellement une charge politiquement explosive dont la mèche ne pouvait être allumée que par un évènement d’une exceptionnelle portée.
Qui plus est, en regard d’un Emmanuel Macron, pas mieux loti que lui dans l’affairisme et les petites combines, mais au profil plus moderne, Fillon fait, par principe, figure de repoussoir, son catholicisme prophylactique – comme sa vision multipolaire du monde – s’accommodant assez mal avec l’esprit mondialiste – même s’il aurait été un factotum accompli en la matière.
À cette enseigne, François Fillon a été d’une particulière naïveté dans la gestion médiatique et politique de ce « scandale », dépassé qu’il fut, sans doute, par les retombées atomiques de ce qu’il ne vit pas venir et qui, rétrospectivement, semblait pourtant « gros comme une maison ». Son ingénuité confondante s’en est trouvée aggravée par les maladresses et empêtrements qu’il mit à se défendre, démontrant, par-là, une réelle incapacité stratégique et d’anticipation.
« En politique, tout est permis, sauf de se laisser surprendre », observait Charles Maurras. À cette aune, doit-on sérieusement douter, au-delà de la probité plus ou moins sincère de l’ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy, de ses qualités de futur homme d’État.
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Philippe Randa,
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