La justice politique de l’Union européenne
En 2015 l’Union européenne menace de déclencher la procédure de l’article 7 du Traité de l’UE contre la Hongrie pour « violation grave et persistante » des valeurs de l’UE, y compris celle de l’État de droit, avec suspension des droits de vote au Conseil de l’UE, l’instance où les 28 élaborent les législations européennes. En décembre 2017 la même procédure était cette fois effectivement activée contre la Pologne.
Le 12 septembre 2018, la Hongrie, à son tour – c’était prévisible – subit la même ouverture de l’article 7 qui dispose que : « Sur proposition motivée d’un tiers des États membres, du Parlement européen ou de la Commission, le Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après approbation du Parlement européen, peut constater qu’il existe un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l’article 2. Avant de procéder à cette constatation, le Conseil entend l’État membre en question et peut lui adresser des recommandations, en statuant selon la même procédure. Le Conseil vérifie régulièrement si les motifs qui ont conduit à une telle constatation restent valables. »
Article 2 du Traité sur l’Union européenne : « L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes ». La messe est dite !
La Hongrie est donc le 2e exemple d’application de l’article 7 en Europe. À qui le tour ? L’Italie, la République tchèque ? Tous ceux qui sont les gardiens de leur identité et de leur souveraineté ? Tous les pays qui ont élu démocratiquement des dirigeants politiquement incorrects aux yeux de l’UE ?
La résolution est passée avec 448 votes pour et 197 contre, soit la majorité qualifiée requise des 2/3, en ne tenant pas compte des abstentions.
« La décision d’aujourd’hui n’est rien de moins qu’une petite vengeance des politiciens pro-immigration contre la Hongrie », a réagi le ministre hongrois des Affaires étrangères Peter Szijjarto.
Sur le fond trois remarques se dégagent :
- Après hésitations, le PPE (« droite » européenne), dont est membre le parti de Viktor Orban (!), s’est rallié majoritairement à la décision contre la Hongrie, sous les incantations, notamment de l’allemand Manfred Weber, président du groupe PPE. Toutefois la dispersion des votes du PPE montre ses ambiguïtés et le désarroi gêné d’une partie de la droite traditionnelle face à ses positions vis-à-vis des « Populistes ». Il lui faudra faire un choix décisif un jour ou l’autre… si elle veut survivre.
- La perspective des élections européennes renforce les lignes de fracture qui opposent les pro-immigrationnistes et européistes, fidèles aux « valeurs de l’article 2 », et anti-immigrationnistes, défenseurs des identités européennes et de leur souveraineté. Viktor Orban a d’ailleurs estimé que le vote des eurodéputés est «l’ultime preuve claire que le Parlement européen compte une très grande majorité de politiciens pro-immigration » et qu’elle a « révélé l’intention de former une coalition après les élections de mai prochain entre les libéraux, la gauche et le PPE ». Emmanuel Macron, lui, s’est félicité bien sûr de ce « large » vote « historique », radieux de se voir confirmer dans sa ligne politique qui le place en champion de l’européisme contre les « Populistes ». Et le PPE s’est enfermé dans son piège. Macron contre Orban, Salvini et tous les autres, telle est la ligne directrice des futures élections européennes.
- Le Parlement européen et le Conseil s’érigent ouvertement en juges politiques des États européens dont la « souveraineté limitée », selon la savoureuse expression de Leonid Brejnev à propos des pays de l’Est du glacis soviétique, est désormais bien actée par les décisions des organes de l’UE. À quand les chars à Budapest comme en 1956 ? L’esprit y est, la violence physique, pour le moment, en moins. La Hongrie est décidément au cœur de la résistance, pour la deuxième fois, contre l’envahisseur.
Mais finalement, la condamnation n’est-elle pas plus symbolique et électoraliste que de nature à gêner vraiment la Hongrie ? La Pologne ne s’en porte pas plus mal depuis 2017 et les Polonais plutôt renforcés dans leur identité. Une telle condamnation est en effet à double tranchant car au-delà des rodomontades droits-de-l’hommistes, ses effets risques de conforter les peuples européens souverains dans leur volonté de résistance à des principes abstraits, idéologiques et dépassés face aux réalités inquiétantes vécues en l’Europe.
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