Influences européennes chez Donald Trump
Trump publie des livres décalés où il fait la part de ses expériences, de ses réflexions, de ses lectures. J’avais lu il y a un quart de siècle son Art of the deal qui, dans un anglais très simple, révélait quelques-uns de ses secrets ; récemment j’ai lu et relu son livre bizarrement intitulé How to get rich (Comment devenir riche), qui m’est apparu surtout comme un art de devenir riche… en informations.
Trump cite sans hésiter Francis Scott Fitzgerald, Carl-Gustav Jung, Socrate ; il fait l’éloge du silence, de la lecture, du momentum, de la grâce dans la vie. Puis il se fend d’un paragraphe sur la symbolique du labyrinthe, citant le labyrinthe de notre cathédrale de Chartres. Demandez à Tapie et à BHL d’en faire autant !
Trump explique même comment deviner qu’un échange en ping-pong va être gagné en écoutant les balles, sans voir le jeu se dérouler. Il montre que c’est comme cela aussi que l’on peut réussir en affaires.
Mais est-ce vraiment en affaires seulement ? Trump est aussi l’homme qui aime la beauté, une plastique grecque, et qui a sorti par son goût pour le luxe, le calme et la volupté, New York du marasme dans lequel la métropole chère à Morand et Céline (« la ville debout ») croupissait depuis les années 60. Cet homme ne s’est pas imposé par hasard et ce n’est pas par hasard non plus si le peuple américain a voulu être son apprenti, dans l’émission de télé qui porte ce nom. Comme a dit une professionnelle gréco-américaine de l’immobilier, sa « chutzpah du marketing a changé notre perception de la vie à New York. »
Il faut sortir du préjugé habituel : l’homme d’affaires n’est pas un imbécile. Ce serait même plutôt le contraire. C’est souvent un individu très doué en sport (le golf qui, pour Trump, revêt une dimension initiatique), en arts, en relations humaines, en abstractions. Oliver Stone, qui créa un excellent personnage de businessman avec Gekko dans Wall Street, n’a pas cessé de le dire : « On a aimé représenter les hommes d’affaires comme des idiots et on a eu tort ». C’est lié à un héritage chrétien qui a diabolisé l’homme riche, qui était pourtant célébré dans l’antiquité – pensez à Mécène – ou à la Renaissance néo-païenne qui, elle aussi, célébra cette figure du riche humaniste ami des arts.
Trump aujourd’hui fait peur parce qu’il est sorti des règles définies par Fukuyama dans son livre sur La Fin de l’Histoire (voyez le chapitre 29). Mégalothymie, grandeur, ambition, invention sont aujourd’hui tolérées dans le sport, les arts (quoique…) ou dans les Affaires, mais pas dans la politique. Dans la politique, il faut être un médiocre.
Et cela donne l’Europe de Bruxelles, imaginée par Kojève d’ailleurs, qui se laisse submerger, insulter et ruiner à coups de barbituriques.
L’Amérique de l’État profond ne vaut pas mieux et, comme un héros du cinéaste Raoul Walsh (voyez ses films avec James Cagney ou Errol Flynn), Donald Trump va redonner ses lettres de noblesse flamboyante à la politique.