« Être et durer »
Certains, en se rasant, croient voir dans le miroir grossissant de leur salle de bains, le reflet d’un président de la République en devenir. Pour ma part, mon naturel exagérément optimiste me pousse simplement à fredonner tout et n’importe quoi pour oublier qu’on ne peut pas être et avoir été… car, à compter mes rides, je ne puis contester qu’invariablement, au printemps, à l’été et à l’automne succède l’hiver.
Ce matin pourquoi me suis-je surpris à chanter un chant « para » ressurgi des combles encombrés de ma mémoire. « Si tu crois en ton destin, si tu crois aux lendemains, l’ami faut pas hésiter, prends ton sac et viens sauter. Avec nous tu pourras marcher. Tu pourras être et durer ».
« Être et durer » ! Curieuse réminiscence ! Mais ce n’est pas tout… La face éberluée de Bayrou a surgi dans l’instant. Certes il est le maire de Pau qui abrite la couveuse des troupes aéroportées, mais tout de même… Bizarre !
Être et durer ? Mais oui, mais c’est bien sûr ! C’est ce à quoi s’emploie depuis maintenant des lustres, comme bon nombre de ses collègues d’ailleurs, ce bon François aussi opiniâtre, sinon têtu, que son voisin le mulet tarbais ou la melloise royale qui firent naguère les beaux jours de notre artillerie de montagne.
Cette brave bête, malgré les vicissitudes de campagnes, toutes plus aléatoires sinon catastrophiques les unes que les autres, ne rechigne jamais à offrir ses services à tout muletier qui voudra bien d’elle. Il faut bien gagner son avoine et son picotin quotidiens pour subsister, pour durer. Comment lui reprocher d’ailleurs de tirer à hue et à dia. N’est-ce pas le lot des animaux bâtés qui n’ont malheureusement pas tous cette sagesse de feindre d’ignorer leur droite de leur gauche pour mieux satisfaire les caprices de leur maître ?
Association d’idées, sans doute, mais voilà Aznavour qui déboule soudainement pour m’imposer son répertoire. N’aurait-il pas le culot de me fourrer dans la tête Les comédiens au prétexte que les tréteaux de la politique en sont envahis ?
Non ! Persifleur comme pas deux, il me glisse un impertinent « Je m’voyais déjà ». Le fait est que ce tube va comme un gant au malheureux béarnais qui pourra toujours se lamenter sur son triste sort. C’est vrai qu’on ne lui a jamais accordé sa chance. Il est tout aussi avéré que d’autres ont réussi avec peu de voix (ce qui est pourtant rédhibitoire en démocratie) et beaucoup d’argent (d’où l’intérêt d’avoir derrière soi quelques grosses banques internationales). Était-il trop pur comme l’eau de l’un de ses gaves paternels, ou trop avancé comme une tomme pyrénéenne oubliée dans un courtaou (bergerie de montagne) ? Pourquoi pas… Mais en fait, et bien évidemment, c’est la faute du public qui n’a rien compris. Ah ! Ces veaux français élevés sous la mère patrie ! Leur ignorance crasse de la chose publique est à meugler.
« Être et durer ! » Ce n’est donc pas seulement la devise du 3e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine, c’est aussi le vade-mecum, le manuel de survie de l’édile de base et du parlementaire, engagés sur les pistes fangeuses de la vie politique desquelles le moindre dérapage politiquement incorrect vous éjecte.
« On ne peut pas être et avoir été ! » Est-ce bien sûr ? En dressant l’inventaire de tout ce que j’ai pu avaler comme professions de foi depuis les années soixante, je dois reconnaître honnêtement que j’ai été un parfait imbécile mais, bien pis, tout me porte à croire que je le suis encore.
Gardons le moral. Il faut bien que vieillesse se passe !
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Philippe Randa,
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