Les deux faces de Podemos
par Javier Portella, correspondant d’EuroLibertés en Espagne.
Connaît-on un seul maire d’une grande ville qui aurait pris des mesures pour tarir les flots du tourisme de masse qui envahit sa ville… mais qui constitue une si grande source de revenus et d’emplois ? Connaît-on des autorités qui auraient empêché que des fonds vautours internationaux achètent et spéculent avec des immeubles destinés à la promotion municipale de l’habitat ? Différents groupes ont dénoncé partout le TTIP, le traité de commerce avec les États-Unis qui rendra la vie encore plus belle aux multinationales états-uniennes. Certes, mais connaît-on beaucoup de partis qui, étant à la veille d’accéder au Pouvoir, auraient eu le courage d’entreprendre la même dénonciation ?
Si, on connaît un tel parti et de telles autorités. C’est le cas de Podemos en Espagne, le tout jeune parti qui, n’étant rien du tout il y a encore deux ans, est déjà devenu, à l’étonnement général, la troisième force politique du pays : un parti qui ne s’est pas borné à faire des déclarations tonitruantes contre l’ordre capitaliste du monde, mais qui a pris, par l’entremise surtout des mairies conquises à Madrid et à Barcelone, des mesures concrètes à son encontre.
Et pourtant !
Et pourtant, tout s’arrête là. Car ce n’est là qu’une face, la face aimable de Podemos, sa face attrayante (« Il nous faudrait un Podemos de droite », disait Robert Ménard, lors des assises qu’il avait convoquées en tant que maire de Béziers). Comment ne pas être attiré par un parti qui s’attaque avec entrain à l’assise économique du Système ? Il s’y attaque, certes, mais encore faudrait-il savoir comment il s’en tirerait le jour où il parviendrait au pouvoir. Que ferait-il, par exemple, pour que le pays ne sombre pas dans la misère ? Une misère, par exemple, comme celle du riche Venezuela pétrolier, ce pays dont le régime de Chavez et Maduro a largement subventionné Podemos (subvention millionnaire qui aura finalement été pour lui un véritable cadeau empoisonné : on peut déceler, dans les liens qui unissent Podemos au régime autoritaire vénézuélien, l’une des raisons de son récent échec électoral).
Mais il y a plus. La mise en question du capitalisme est, bien entendu, aussi légitime que nécessaire, mais encore faudrait-il qu’elle ne se borne pas, comme le fait Podemos, à la dimension exclusivement matérielle de l’économie (à ses injustices, à ses absurdités…) ; encore faudrait-il, autrement dit, que cette dénonciation porte également, et tout d’abord, sur la conception de l’économie en tant que clé de voûte du monde et de la vie. Sinon… à quoi bon ? À quoi bon un monde qui serait un peu moins injuste – supposons-le –, mais tout aussi matérialiste, tout aussi insensé, tout aussi nihiliste que le nôtre ?
Oublions, toutefois, les réserves précédentes. Acceptons ou supposons qu’il n’y ait rien à reprocher à la dénonciation économique du capitalisme faite par Podemos. Il resterait alors… tout le reste – tout le reste de son programme, de son esprit, de sa vision du monde.
Quelle vision ? Une vision outrancièrement individualiste, matérialiste, libérale ou, plus exactement, libertarienne ; une vision qui non seulement partage, mais porte au sommet les principes sociaux ou sociétaux du Système que le parti créé par ces jeunes universitaires prétend combattre sans faille. Il va sans dire que le combat devient alors (c’est le lot, d’ailleurs, de tous les populismes dits de gauche) aussi inutile que dangereux – si ce dont il s’agit c’est de changer l’état d’esprit du monde et non seulement d’améliorer le sort des déshérités.
Tout y passe chez les gens de Podemos. Le tableau de la décadence contemporaine y est au complet : depuis le soutien aux anciens terroristes de l’ETA basque, aujourd’hui reconvertis aux prébendes du pouvoir, jusqu’au féminisme le plus écervelé, en passant par la théorie du genre et par toutes les dissolutions du nihilisme contemporain : individualisme, matérialisme, déracinement historique et communautaire… Même l’animalisme anti-corrida s’y trouve à l’honneur, certains élus de Podemos s’étant joints ces jours-ci au cœur de la plèbe qui se réjouit de la mort d’un torero. Inutile de dire que tout cela fait que les militants et militantes, les sympathisants et sympathisantes d’un tel parti (n’oubliez jamais le féminin !) sont tout à fait prêts (et prêtes) à ouvrir grand les portes à l’immigration de peuplement. S’ils en avaient les moyens, ces gens-là n’hésiteraient pas une seconde à mettre sur pied toute une flotte de bateaux et d’avions pour aller les chercher, non pas en mer, comme aujourd’hui, mais directement chez eux.
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Philippe Randa,
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