À Rome, l’hirondelle populiste fera-t-elle le printemps ?
C’est donc une jeune femme de 37 ans, avocate de son état, qui a été démocratiquement propulsée à la mairie de la capitale italienne avec 67 % des voix, ce malgré une forte abstention (un électeur sur deux), récurrence qui tendrait à confirmer, là-bas comme ailleurs en Europe, la relative lassitude des électeurs, comme, vraisemblablement, l’épuisement du système démocratique.
La presse « mainstream » s’est contentée du service minimum pour annoncer l’élection de cette dernière. Excepté, peut-être, Libération, nonobstant son dégoût atavique et proverbial pour tout ce qui a trait à la constellation populiste et extrême-droitière, qui n’a pas hésité à claironner dans son édition du 20 juin : « La populiste Virginia Raggi triomphalement élue maire de Rome ». Bien sûr, entre les deux tours, le même canard subventionné n’avait pu s’empêcher la stupide comparaison de l’ascension politique de Virginia Raggi avec la fort ancienne « Marche sur Rome » de Mussolini de 1922, tout en glaviotant son venin sur l’humoriste Beppe Grillo « barbu et vulgaire, blagueur et menaçant » (15 juin).
En revanche, on attendra longtemps que le Maire de Paris, Anne Hidalgo, se confonde en congratulations débordantes à l’égard de son homologue, tandis qu’elle s’empressa, en dhimmi enamourée, d’aller se prosterner devant le maire de Londres, Sadik Khan, alors fraîchement élu.
Le salut de Rome viendra-t-il d’une femme – bien que l’on se gardera d’amplifier, sinon d’embellir la légende qui veut que la Ville éternelle ait pour origine une louve ayant recueilli deux nouveau-nés, Romulus et Remus abandonnés sur les rives du Tibre ? De même que, sans ignorer la double acception du mot latin lupa (louve et prostituée), l’on prendra garde, également, de tirer d’hasardeuses spéculations.
Soutenue par le M5S ou Mouvement cinq étoiles (Movimento CinqueStelle), Virginia Raggi semble incarner, plus que jamais, le renouveau politique. Femme, jeune, mère de famille revendiquant sa catholicité, notre nouvel édile en jupon paraît avoir tout pour plaire, à tout le moins à une certaine frange du peuple romain. Quant à l’étiquette « populiste », jugée d’emblée infâmante par les sectateurs de l’oligarchie, le politologue Christophe Bouillaud de l’Institut d’Études politiques de Grenoble, estime qu’elle « fait partie du fonctionnement normal des démocraties de renouveler les élites de temps en temps, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des partis », ajoutant que nous sommes entrés « dans une phase de renouvellement des élites de plus en plus rapide » (Le Figaro, 20 juin).
La belle a du pain sur la planche. Elle devra redorer le blason d’une cité flétrie par les turpitudes mafieuses et prévaricatrices (connues sous le nom de « Mafia Capitale ») de l’ancienne municipalité, tout en faisant supporter de nécessaires et coûteux travaux de voiries (qui connait Rome aux heures de pointe saura ce que cela veut dire) à des finances lourdement plombées par les déficits.
Une tâche herculéenne, voire prométhéenne, pour cette néophyte à qui l’on prédirait déjà une prometteuse carrière, jusqu’au palais Chigi, résidence officielle du président du Conseil italien.
Il n’en demeure pas moins que sous l’écume de l’agitation politicienne, cette élection municipale (appelée élection administrative sur les rives du Pô) met à jour une constante, celle de l’antique opposition entre patriciens et plébéiens. Ces derniers ont le vent en poupe, même si une hirondelle populiste ne fait pas forcément le printemps du peuple.
Aussi, une question reste-t-elle en suspens : quid du projet politique du M5S ? Indexé à la seule morale, le bon sens dont il se prévaut, urbi et orbi, risque, néanmoins, de se fracasser sur les falaises abruptes de la réalité du pouvoir, fut-il local.
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Philippe Randa,
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