Toute la Gaule… Toute ? Toute !
Après la chute d’Alésia, toute la Gaule est conquise. Toute ? Pas encore tout à fait. Car il reste un petit village qui résiste, encore et toujours, à l’envahisseur. Il s’appelle Uxellodunum.
Tout comme Alésia, Bibracte et Gergovie, il a été difficile de le situer, si tant est qu’on ait réussi à le faire avec certitude. Contentons-nous de dire qu’il se trouve dans le Quercy. C’est seulement en 51 avant notre ère que César obtient la reddition de cette place. Le récit de ce siège, raconté au livre VIII des Commentaires, est tout aussi passionnant que celui d’Alésia, par l’ingéniosité dont firent preuve assiégeants et assiégés.
Après cette ultime bataille, la Gaule entière devint province romaine, et la colonisation, déjà faite depuis un siècle dans la Narbonnaise, se poursuivit sans violence. Pour conquérir la Gaule, César avait profité de la supériorité des légions romaines, mais il avait aussi su jouer des rivalités entre les tribus. Rivalités qui, une fois la Gaule conquise, disparurent comme par enchantement.
Pourtant, les territoires gaulois conservèrent en général leurs limites et leur gouvernement local, les chefs Gaulois se voyant attribuer des titres et des fonctions officiels : ils fournirent bientôt bon nombre des meilleurs officiers et administrateurs de l’empire, ou firent carrière dans l’armée. Chaque territoire gaulois devint une cité (civitas), les plus vastes divisées en pays (pagi). Toutefois, tandis que la civilisation gréco-romaine s’était constituée à partir des villes, la Gaule fut organisée pour ainsi dire en sens inverse, à partir du territoire de chaque peuple, les villes apparaissant plus tard là où elles n’existaient pas encore.
La Gaule romaine recouvrait la France tout entière, et même un peu plus. Elle se divisait en quatre grandes parties dont il faut rappeler les limites : la Narbonnaise s’étendait du lac Léman jusqu’à Toulouse ; l’Aquitaine, de Bourges aux Pyrénées ; la Lyonnaise, de Lyon à la Normandie et la Bretagne ; enfin la Belgique comprenait toute la rive gauche du Rhin, du lac Léman jusqu’à l’embouchure du fleuve, englobant donc la Champagne, la Lorraine, la Suisse, la Belgique, les Pays-Bas, la Rhénanie, la Hesse, le Palatinat et le Luxembourg actuels. Autrement dit : la future Lotharingie. Ne nous hâtons donc pas de confondre la Gaule et la France.
C’est à cette époque que les traits essentiels de la future civilisation française apparaissent… en même temps que les caractères essentiels de la Gaule celtique disparaissent ! D’abord, partout (et sans contrainte), les langues locales laissèrent la place au latin : seule la Bretagne conserva une langue celtique. Le fait que les Gaulois n’avaient pas l’usage de l’écriture favorisa bien entendu cette disparition. Les élites adoptèrent le latin en entrant dans l’administration, et les soldats, les marchands et les colons le répandirent partout. Au bas de l’échelle, il s’agissait d’un latin corrompu – à partir duquel se formera la langue française.
De tout ce que les Romains apportèrent, un élément important fut la culture de la vigne, qui s’étendit y compris là où le raisin pouvait à peine mûrir – parce que l’Église avait besoin de vin pour la messe. Car la romanisation allait vite entraîner la christianisation.
Cette chronique de l’abominable histoire de France a été diffusée sur Radio Libertés dans l’émission « Synthèse ».
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Philippe Randa,
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