16 janvier 2021

Quand Béraud rendait visite aux dictateurs

Par article conseillé par EuroLibertés

Par Francis Bergeron.

En 1933, les éditions Flammarion avaient publié un petit ouvrage du grand reporter Henri Béraud sur « les dictateurs d’aujourd’hui », c’est-à-dire… ceux d’hier, pour nous, bien entendu. Cet ouvrage était épuisé depuis près d’un siècle, et d’ailleurs ces reportages pouvaient sembler quelque peu périmés. A l’heure des Xi Jinping, des Kim Jong-un ou des Maduro, et à l’heure des GAFAM, de l’islamisme ou des lois mémorielles, la plupart des dictateurs d’hier, de Primo de Rivera (le père de José Antonio) jusqu’à Mgr Seipel, en passant par Benito Mussolini – le Mussolini d’avant le pacte d’acier du 22 mai 1939 –, tous ces conducteurs de peuples que rencontre Béraud, qu’il va interviewer, nous paraissent bien débonnaires. A Rome, Madrid, Vienne, Berlin, Prague, Karlsbad, Varsovie, Belgrade, et même Constantinople, la Constantinople de Mustapha Kemal – qui n’était pourtant pas un tendre –, nous avons certes des régimes autoritaires, parfois des dictatures, voire des systèmes à parti unique, mais pas des totalitarismes ou des tyrannies.

Il faut dire que, au moment où Béraud écrit son livre, Hitler n’a pas encore conquis le pouvoir en Allemagne (par les urnes !). Et l’URSS de Staline n’entre pas dans le champ d’étude de notre grand reporter. Béraud s’était rendu en URSS huit ans auparavant. Son très long reportage, publié en feuilleton puis, ensuite, sous la forme d’un livre à succès, n’était pas flatteur pour le régime stalinien, et notre reporter ne se serait pas risqué à tenter d’interviewer « le petit père des peuples », au risque de disparaître à jamais comme certains de ses confrères. Les dictateurs de l’entre-deux-guerres racontés par Béraud sont donc globalement sympathiques, puisque ces deux-là n’y figurent pas. Ce qui rend le livre plaisant à lire.

Anecdotes et images frappantes

Aujourd’hui les grands (gros) éditeurs ne se disputent plus guère la publication des œuvres de Béraud. Seuls ses romans à succès – notamment les deux ouvrages qui obtinrent en même temps le prix Goncourt, à savoir Le Martyre de l’obèse et Le Vitriol de lune, sont régulièrement réédités. Si les éditions Déterna se lancent dans la republication de ses pamphlets et de ses reportages – et pourquoi pas ensuite de ses critiques littéraires, théâtrales ou autres ? –, on ne peut donc que s’en féliciter.

Car Béraud, « flâneur salarié », comme il se désignait lui-même, pratique à la perfection l’art de nous raconter des histoires, de transformer un exposé géopolitique subtil en récit à la portée de tous, anecdotes et images frappantes à la clé. Ce livre nous fait visiter toute l’Europe des années 1920, l’Europe d’avant les grandes menaces de nouvelle guerre mondiale. Ce n’est pas un essai, ni une série de portraits, de biographies. Si tel était le cas, ces pages, relues cent ans plus tard, n’offriraient guère d’attrait pour le lecteur.

Une frivolité bien présente

Mais Henri Béraud, lui, nous emmène littéralement en promenade. Il nous fait visiter Rome et l’Italie, à l’occasion de ses cinq visites à Mussolini, il nous conduit en Autriche, en Hongrie avec le régent Horthy, trop peu connu aujourd’hui, dans la Tchécoslovaquie de Benes et Masaryk, dans la Pologne de Pilsudski. Toute l’Europe centrale et méridionale s’est dotée de régimes forts, et Béraud la parcourt, beaucoup plus amusé que navré. Il constate en effet que la frivolité reste bien plus présente qu’on ne l’imagine, dans ces dictatures, et que les mœurs des peuples, leurs traditions, leurs préjugés, « bravent en silence les régimes et laissent s’user les réformateurs ».

C’est au fond une Europe de la dictature légère, primesautière, que nous présente encore Béraud. Il y a certes, là-bas, aux frontières de l’Est, le pire des régimes jamais engendrés par l’homme, il y a certes, dans l’Allemagne de la république de Weimar, des forces nouvelles qui se font jour et qui pourraient bousculer les équilibres régionaux. Mais Béraud, dans sa promenade à la rencontre de dictateurs somme toute affables, préoccupés d’abord du bonheur de leur peuple, presque tous chrétiens, n’identifie pas encore les prémices de la catastrophe à venir. L’Europe de 1930 reste un jardin où il fait toujours bon se promener. Et s’y promener par le regard et la plume de Béraud, c’est un surcroît de plaisir.

Certes, Béraud a écrit que « le journalisme est un métier où l’on passe une moitié de sa vie à parler de ce qu’on ne connaît pas et l’autre moitié à taire ce que l’on sait ». Mais comme ces pages ont été écrites alors que Béraud (1885-1958) se situe au milieu de sa vie et au faîte de sa carrière, on peut supposer qu’il parlait de ce qu’il connaissait, et ne taisait pas encore ce qu’il savait. A supposer qu’il en ait même été capable. C’est d’ailleurs ce qui lui fut reproché en 1944.

Dictateurs de l’entre-deux guerres, Henri Béraud, préface de Francis Bergeron, Éditions Déterna, 176 p., 25 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.

Article paru dans les colonnes du quotidien Présent.

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