Certes, la grandissime Simone ne sera nullement la première femme à être panthéonisée, mais elle sera la première à y entrer avec la dépouille de son mari, pour complaire aux exigences familiales et personnelles (on est modeste ou on ne l’est pas).
Une panthéonisation n’est toutefois pas un gage de reconnaissance durable de la Nation. Le premier quidam défunt à avoir été admis, le 4 avril 1791, en l’église Sainte Geneviève, non encore achevée à l’époque, le sieur Honoré Riquetti, ci-devant comte de Mirabeau (et superbe canaille incestueuse, en plus d’avoir été escroc, plagiaire, flambeur, écrivain pornographique, coureur de dot et pilier de bourdeaux – comme l’on disait à l’époque), en fut chassé ignominieusement le 21 septembre 1794… le jour même où l’on y amenait, en grande pompe patriotique, la dépouille de Jean-Paul Marat, que l’on chassera le 26 février 1796.
Sur les sept premières panthéonisations de la période révolutionnaire, soit de 1791 à 1799, seule la dépouille de René Descartes (n° 4) ne fut pas sortie ignominieusement, à la différence, outre les sieurs Mirabeau et Marat déjà envisagés, de Messieurs Arouet- « Voltaire », Le Peletier de Saint-Fargeau, Jean-Jacques Rousseau et du général comte de Dampierre tué à l’ennemi… et les quatre autres admissions votées par les pitres sanguinaires de la Convention Nationale (variante, au choix : les héros des années 1792-95) ne furent jamais réalisées (il s’agissait de deux adolescents et deux hommes tués à l’ennemi : Nicolas Beaurepaire, Joseph Viala et Joseph Bara, enfin le député Claude Fabre, représentant de l’Hérault).
Très intelligemment, en effet, après les bacchanales et les turlupinades de l’An II, les conventionnels de bon sens avaient fait voter, le 8 février 1795, un décret exigeant un délai de dix années après la mort d’un citoyen réputé « grand homme » avant d’admettre sa dépouille à l’honneur patriotique par excellence.
Nul ne peut en effet prévoir l’évolution, si changeante, des us et coutumes politiques, ni celle des critères d’admission et d’exclusion. Napoléon Ier, toujours pressé, annula l’un des rares décrets sensés des conventionnels et fit entrer 43 hommes (dont 18 militaires) durant son règne.
Notre nouveau Président, fortement sollicité par une communauté toujours avide de distinctions, n’a pas eu la sagesse d’attendre avant de panthéoniser le couple Veil. Qui sait si, dans dix ou quinze ans, un gouvernement populiste ne chassera pas la dépouille de « Simone du déclin nataliste », la grande pourvoyeuse des morts fœtales par convenance maternelle ?
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.
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Ancien chef de service hospitalier, spécialisé en Médecine interne.Il est auteur de nombreux livres historiques (L’énigme Roosevelt, faux naïf et vrai machiavel ; La ténébreuse affaire Dreyfus ; Hitler, une biographie médicale et politique ; Dictionnaire de la Révolution française,…) et d'essais (Réflexions sur le Pouvoir. De Nietzsche à la Mondialisation ; Le XXIe siècle ou la tentation cosmopolite ; Le devoir d’insurrection,…). Il a été élu membre de l’Académie des Sciences de New York en mai 1980.