10 juillet 2025

La bombe atomique ? Et après ?

Par Philippe Joutier

Comme les autres, la guerre « des douze jours » a été propice à Dieu. Tout le monde l’a prié. Israël pour le remercier de lui avoir donné la Palestine il y a 4000 ans, Trump pour  le remercier d’avoir rendu la technologie USA  aussi efficace, l’Ayatollah pour le remercier de cette mise à l’épreuve  dont les Iraniens ressortiront sûrement un peu cabossés, mais assurément plus unis. Remarquons au passage qu’il s’agit du même Dieu toujours qualifié d’infiniment bon ou de « Misericordieux »  On frémit d’imaginer ce qu’il adviendrait ’il ne l’était pas…  Au moins tous les gens qui  meurent sont tués en son  nom . C’est déjà ça. A propos, depuis 2020 le patriarcat de Moscou ne bénit plus les bombes au nom de Dieu infiniment bon. Cela les rend évidemment moins efficaces.

Mais je digresse. Avec ou sans Dieu, tentons quelques supputations géopolitiques. l’Iran c’est d’abord une double allégeance : celle du pétrole et celle de la religion. On ne peut tenter de le comprendre qu’avec ces clés.  C’est aussi un grand peuple fondé en 539 av.JC  par Cyrus le Grand, qui s’étendra jusqu’au Danube et à l’Indus. En 650 après la mort de Mahomet, la Perse est conquise par les arabes, l’islam remplace progressivement les autres religions. Vers 660 et toujours au nom de Dieu le miséricordieux, les croyants vont s’ente égorger pour des questions compliquées de succession après l’assassinat d’Ali, cousin, fils adoptif et gendre de Mahomet. Les perses vont se réclamer d’Ali, ce sera le schisme et la division de l’Islam entre sunnisme et chiisme, très minoritaire, entretenue dans une haine réciproque et toujours d’actualité. Une fatwa moyenâgeuse  considérait même  comme un devoir pour tout sunnite de tuer les chiites.

Au 19eme siècle après deux guerres entre perses, russes et arméniens, le Caucase du sud se réajuste  et les temps s’apaisent. Pas longtemps. En 1908 les Anglais découvrent un énorme gisement de pétrole à Masjed-Soleyman sur lequel  le gouvernement britannique va mettre la main  en empêchant toute concurrence et en  accordant à l’Iran que des miettes. Ce sera  l’Anglo-Persian Oil Company (APOC) future British Petroleum. Pour être tranquille,  les Britanniques fomentent un coup d’Etat et mettent au pouvoir un affidé, le colonel Reza Khan acheté par les Anglais qui se fait proclamer Chah de Perse en 1926 sous le nom de Reza Chah Pahlavi. Mais une opposition  dénonce sa complicité avec les Britanniques et en 1933 le contrat est un peu customisé, mais  l’opposition n’est pas dupe. Alors les Anglais qui sont attachés à leur pétrole décident un coup d’état en obligeant en 1941 Reza Chah à abdiquer  en faveur de son fils aîné Mohammad-Reza. Entre ses frasques dans la jet society  Il va tout de même trouver un peu de temps pour agir dans trois directions : séduire le peuple par les bienfaits de l’occidentalisation, magnifier la civilisation Perse et traquer l’opposition avec une police politique implacable, la SAVAK.

Le double jeu occidental

De leurs côtés, l’Union soviétique et les États-Unis, salivent sur le pétrole iranien.  L’Angleterre les voit venir et entend bien les en empêcher. D’où l’idée tordue et typiquement américaine : soutenir l’opposition iranienne pour lutter contre l’influence de la Grande Bretagne, mettre le chaos et tirer les marrons du feu. Mais va apparaitre un imprévu :  Mossadegh. Nommé premier ministre en mars 1951, il est bien accepté par Reza Chah trop accaparé par ses mondanités  et tente d’instaurer une démocratie laïque. Hélas, il va prendre une décision cataclysmique :  la nationalisation de l’industrie pétrolière iranienne ! Coup de tonnerre dans les chancelleries. C’est l’union sacrée : Etats-Unis, Angleterre, factions religieuses, armée, Savak tous s’unissent pour le virer ipso facto avec le savoir-faire de la CIA, celle du SIS anglais et la neutralité complice de Reza Chah qui laisse faire soucieux de garer ses fesses. Mossadegh est remplacé par le général Fazlollah Zahedi, puis placé en résidence forcée.

On connait la suite. On peut donc comprendre la détestation des Iraniens contre  le conspirationnisme des puissances occidentales qui les ont manipulés pendant soixante-dix ans pour s’approprier leur pétrole ainsi que le désir largement partagé par la population d’accéder à l’arme nucléaire pour qu’on leur foute enfin la paix . Et lorsque on s’étonne d’avoir vu disparaitre aussi vite les jupes et les cigarettes  à Téhéran, pour se soumettre à la férule religieuse, il faut comprendre que  la religion était la principale opposition constituée et le lien le plus unificateur. Avec notre mépris caractéristique  pour les pays qui n’ont pas les  mêmes valeurs  que les nôtres  nous nous sommes gaussés de l’ayatollah persuadés que cette théocratie allait voler en éclats. Erreur  Le chiisme échappe à nos critères occidentaux  . C’est une religion rigoriste, persécutée et minoritaire donc toujours sur la défensive. Autant de raisons qui font  du chiisme  depuis 14 siècles la composante unificatrice de l’identité nationale pour un peuple très pieux.

On évalue l’Iran à partir de Téhéran, mais Téhéran  n’est pas la campagne. Théocratie, certes, mais qui procède à des élections et où malgré leur difficultés, les femmes font des études et votent depuis 1963.

Quant à l’adhésion à la politique nucléaire  l’ONG canadienne « échec à la guerre » (cliquez ici) a réussi à enquêter en  2024  en Iran  sur 2280 Iraniens Plus de 69 % appuyaient le développement d’armes nucléaires par l’Iran. Ce résultat se démarque  de la position de l’élite Iranienne, ainsi que de la politique nucléaire officielle de l’Iran qui rejette le développement et l’utilisation d’armes de destruction massive. Khamenei, le leader suprême de l’Iran affirmait que les armes nucléaires ne faisaient pas partie de la stratégie de défense iranienne.  D’aucuns diront que c’est la Taqïya et qu’il ne faut pas être dupe mais il y a trente ans que l’on annonce chaque mois  l’arrivée de la bombe iranienne.

Toutes ces constatations rendent fort improbable la révolte tant espérée des Iraniens contre leurs dirigeants. Au contraire on peut  conjecturer qu’il vont faire corps et se resserrer autour du régime. Et comme il sera impossible d’occuper le pays militairement, toute la stratégie politique se résume à un pari sur un changement de régime. N’imaginons même pas  la crédibilité d’un fantoche à la solde de ses agresseurs pour diriger le pays. Soyons sérieux. Bush junior qui était un imbécile avec les deux pieds dans l’eau bénite, s’imaginait que les Irakiens n’attendaient que les soldats US pour se jeter dans leur bras en  les remerciant de les avoir délivrés de la tyrannie et de leur apporter  la démocratie . On a vu la suite. Ces pays ne fonctionnent pas comme nous, comment arriverons-nous enfin à le comprendre ? Quand la Russie attaque l’Ukraine, c’est une agression injustifiée.

Mais quand les Etats-Unis attaquent l’Iran, là  c’est une agression justifiée pour le bien des Iraniens.  Trump poussé dans ce conflit est cynique, assurément plus intelligent et n’a sans doute guère d’illusions sur le supposé changement de régime à attendre, d’autant que ce qu’il faut tout de même bien appeler une agression permet de substituer au discours jusque-là offensif de  ce régime théocratique un discours désormais victimaire et défensif donc beaucoup plus légitime. Rien ne l’arrêtera. Donc bombardements ou pas,  l’Iran aura la bombe, c’est une certitude. Bon, Et alors ? La balancer sur Israël serait aussi une  certitude, celle d’être vitrifié en retour. Ça s’appelle la dissuasion. Et ça fonctionne : Staline qui était beaucoup plus tordu que Khamenei s’est bien gardé de l’utiliser. Même entre les mains d’une dictature comme la Corée du Nord, la bombe n’est pas une arme facilement employable, mais permet surtout d’être garanti . Et de pouvoir protéger  ses ressources. Espérons que ce succès militaire que tout les belligérants revendiquent ouvrira sinon sur un changement de régime, du moins  sur des conversations. Wait and see..

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