Espagne : le combat pour la vérité historique, le dernier livre de Miguel Platón
Les lecteurs qui me font l’honneur de lire mes articles, savent combien je suis attaché au combat des idées, notamment dans le cadre de la défense de la vérité historique, contre les pièges totalitaires des mémoires falsifiées, venant essentiellement des gauches. Dans le dernier ouvrage de l’universitaire argentin Marcelo Gullo, contre la légende noire espagnole et l’hégémonie anglo-saxonne (Ceux qui devraient demander pardon, Editions l’Artilleur, 2024), il se trouve une définition parfaite de cette dichotomie essentielle entre l’histoire et la mémoire : « la mémoire en effet, se moque éperdument de la vérité historique et fait de l’histoire une espèce de tribunal du passé, en fonction des idéaux que l’on souhaité défendre… et auprès duquel on cite les hommes ou les nations, afin qu’ils rendent compte de leurs actions, certains se voyant décerner une récompense, tandis que d’autres sont condamnés. ». C’est le totalitarisme intellectuel, si bien dénoncé par Jean Sévillia.
Et bien, le dernier livre de l’historien et homme de médias espagnol, Miguel Platón, –La répression dans l’Espagne de Franco 1939-1975, De la propagande mémorielle à la réalité historique (Editions l’Artilleur 2024) -, s’inscrit totalement dans le combat contre les falsifications historiques. Depuis la fin du Franquisme (1975), et même bien avant, les chiffres les plus farfelus et les plus invraisemblables circulaient sur le nombre de personnes exécutées, dans le cadre des jugements après les exactions de la guerre civile espagnole (1936-1939). Chiffres bien sûr, diffusés par les médias de gauches, dont l’inévitable El Pais.
Certains historiens peu scrupuleux et surtout très idéologisés, avaient évoqué le chiffre de 200 000 exécutions après la victoire des nationaux espagnols le 1er avril 1939. Ce chiffre, voire parfois encore plus conséquent, avait été recopié de livres en livres, d’articles en articles, d’émissions en émissions, sans que personne n’ose venir soutenir son aberration, sauf quelques historiens combatifs mais vilipendés, comme Luis Pio Moa (Los mitos de la guerra civil) ou Ramon Salas Larrazàbal (Perdidas de la guerra).
Cela nous rappelle à nous français, les chiffres frauduleux inventés par le PC « F », sur le nombre de ses fusillés, 75000, alors que désormais, les historiens s’accordent sur un chiffre d’environ 4500 fusillés, toutes tendances confondues, communistes et non communistes. Cf, Les fusillés, dictionnaire biographique publié par les éditions de l’Atelier, sous la direction de Claude Pennetier et de Jean-Pierre Besse en 2015.
Miguel Platón, journaliste et historien espagnol chevronné, ayant occupé de très hauts postes comme notamment la direction de l’agence de presse EFE, ayant publié de très nombreux ouvrages, a repris toute l’affaire, de A à Z, et a pu consulter pendant plus de 5 ans les archives du Corps de Justice militaire des condamnés entre 1939 et 1975. Ce labeur considérable, le décorticage de plus de 22000 dossiers, nous donne ce livre-enquête « résultat d’un travail patient, rigoureux et inédit », comme le souligne l’historien Arnaud Imatz, dans son introduction, membre correspondant de l’Académie royale d’histoire d’Espagne, qui a assuré la traduction du livre et a permis cette édition en France.
Après avoir rappelé pour le lecteur bien souvent ignorant de ces réalités historiques, compte tenu des propagandes auxquelles il est soumis, comment, la IIème république espagnole (1931-1936) avait fait sombrer le pays dans une période de violences, d’anarchies et de révolutions armées, l’auteur, après avoir clairement exposé sa méthodologie, nous énonce, qu’en réalité, ce furent 15 000 soutiens aux révolutionnaires espagnols qui furent exécutés, après jugement par des cours militaires de justice, et l’ensemble de tous les recours juridictionnels qui furent exercés. 90% de ces personnes avaient du sang sur les mains, de manière irréfutable, les autres étaient des chefs marxistes ou anarchistes qui avaient donné les ordres d’exécution, ou qui avaient laissé faire
Mais ce qui est passionnant dans la lecture de cet ouvrage évènement, c’est la description minutieuse de tous les recours administratifs, qui s’appliquaient automatiquement, dès la sanction prononcée par la Cour de justice, et ce sans que le condamné n’ait nul besoin de faire la moindre démarche positive. C’est l’apport le plus important du livre, outre la vérité sur les chiffres. En effet, le cas du condamné était tout d’abord examiné par un ou des auditeurs de justice relevant de la juridiction, et qui donnaient leurs avis sur la commutation ou non de la peine prononcée. Ensuite, le dossier était transmis obligatoirement au Capitaine Général de la région militaire concernée pour nouvel avis. Puis, enfin, le dossier arrivait au ministère de la justice, pour une autre consultation, puis pour avis du conseiller juridique de Francisco Franco, et au final, le Chef de l’État prenait sa décision de grâce ou pas pour les condamnés à mort, ou de remises de peine pour les autres.
Autre point capital à souligner, les avis étaient souvent contraires, d’une strate juridique militaire à l’autre, et la condamnation à mort n’était effective, que si les preuves nécessaires étaient rapportées, que l’auteur des faits avait bien participé, effectivement, aux exactions criminelles qui lui étaient reprochées et ce directement. Franco a gracié énormément, et surtout les remises de peines étaient très importantes, puisque Miguel Platón démontre que pour une commutation de la peine de mort, la sanction passait automatiquement à 30 ans de prison, mais qu’en réalité, le condamné n’effectuait qu’une peine de 6 ans d’incarcération maximale, comme le décrivent les très nombreux exemples qui émaillent le livre. Pour les sanctions inférieures, les remises de peine étaient encore plus conséquentes.
Miguel Platon illustre son ouvrage par des lettres poignantes, d’épouses, d’enfants, de voisins du condamné, pour implorer la clémence du Chef de l’État, et l’on sait que ces lettres étaient lues et étudiées, parfois même les victimes, ou des adversaires politiques ont écrit pour demander la grâce. Derrière la sécheresse des chiffres, l’auteur met en exergue l’immense tragédie qu’a représenté cette guerre fratricide. Comme pour le livre de Marcelo Gullo précité, cette contribution historique rigoureuse, représente dans l’historiographie de la guerre civile, un apport essentiel, il y aura désormais, un avant et un après.
Aucun chercheur n’avait pris le soin d’effectuer ce travail de prospection, alors que les Archives générales du corps juridique militaire d’Avila étaient ouvertes depuis 2010, on comprend pourquoi. On doit la traduction et cette publication en France à Arnaud Imatz, grand spécialiste de la guerre civile. Dans sa préface, le plus grand historien américain de cette période, Stanley Payne, qualifie ce livre « de contribution à l’historiographie contemporaine de la plus haute importance ». J’en recommande ardemment la lecture.
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