Cent ans de solitude
Avec les Capétiens sur le trône, on va voir ce qu’on va voir ! La France est enfin dotée de rois dignes de ce nom, après les Mérovingiens, ramassis de « rois fainéants », et les Carolingiens, que Lavisse traite de « faibles » et de « lâches ». En effet, au lieu de combattre les Normands, ils ont quelquefois préféré acheter leur départ : c’est ce que fit Charles le Chauve en 845, et Charles le Gros en 886. Enfin, en 911, Charles le Simple accorda la Normandie à Rollon par le traité de Saint-Clair.
Autant de crimes contre la France « une et indivisible ? » C’est oublier que les empereurs romains avaient fait la même chose, et que c’est ainsi que les Francs eux-mêmes, tout comme les Goths, les Burgondes et les autres, étaient devenus des dignitaires de l’empire ! Quant aux Capétiens, ils auront la partie belle contre les invasions normandes, puisqu’elles sont terminées depuis un siècle !
Mais la légende du « siècle de fer » perdure. Lavisse écrit : « Les fonctionnaires royaux, comtes et ducs, s’efforçaient d’échapper à l’autorité du roi, et de transformer les comtés et les duchés en de véritables petits royaumes. » Soit. Mais ce qu’on ne comprend pas, c’est qu’ils n’y soient pas parvenus, après cent cinquante ans de désordres et de faiblesse dynastique. On comprend encore moins que ces puissants seigneurs aient pris la peine de se réunir à Noyon pour élire un nouveau roi !
Ces grands seigneurs, qui viennent de commettre une pareille folie, vont-ils être pris à leur propre piège et se faire mettre au pas par l’illustre Hugues Capet ? Non. Que se passa-t-il donc de 987 à 1108, siècle au cours duquel régnèrent les quatre premiers rois capétiens ? Pas grand-chose. Voilà pourquoi les historiens passent directement d’Hugues Capet à Philippe Auguste. En fait, deux grands événements eurent lieu au XIe siècle : la bataille d’Hastings, en 1066 ; et la première croisade et la délivrance de Jérusalem, en 1099. Mais les Capétiens n’y jouèrent aucun rôle.
Que firent-ils donc ? D’abord, ils vécurent longtemps : Hugues (987-996) régna neuf ans seulement, mais Robert le Pieux (996-1031) trente-cinq ans, Henri Ier (1031-1060) vingt-neuf ans et Philippe Ier (1060-1108) trente-deux ans. Ils eurent aussi la bonne idée de ne laisser qu’un fils chacun : car ils étaient encore des Francs, et s’ils avaient eu plusieurs successeurs, la question du partage se serait posée. Pour assurer l’hérédité du trône, dit Lavisse, Hugues « eut l’idée de faire sacrer son fils de son vivant ». Mais déjà Pépin, sacré par le pape (qui s’inspirait du sacre du roi David) afin de contrecarrer le pouvoir de l’empereur, l’avait été en même temps que son fils.
Or, le sacre montre que le roi tient son autorité de l’Église, ce que l’excommunication de Robert le Pieux rappellera. Il la tient aussi de ses pairs, comme l’exprime la célèbre réplique du comte Adalbert de Périgord : « Qui t’a fait roi ? » On a l’impression que l’insolent est le comte. Mais c’est le roi. Car la monarchie reste élective en droit. La tâche principale des Capétiens sera de la rendre héréditaire non seulement en fait, mais en droit. Si le régime féodal a rendu les charges laïques héréditaires, c’est que l’hérédité n’était pas une cause de conflits : c’était un remède à ces conflits.
Les chroniques de Pierre de Laubier sur l’« Abominable histoire de France » sont diffusées chaque semaine dans l’émission « Synthèse » sur Radio Libertés.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.