Alésia, connais pas
Après Gergovie, voilà donc César repoussé vers le nord, quelque part entre la Seine et le Rhin. Par où regagner la Province ? Il le dit lui-même : « In Sequanos iter fecit », ce qui veut dire qu’il se dirige vers les pays des Séquanes. Pas qu’il le traverse, sans quoi il aurait dit : « in Sequanorum », à l’ablatif et non à l’accusatif. Il ne peut pas passer par le pays des Héduens (la Bourgogne), rallié à la révolte après Gergovie, et où des troupes venues du pays des Arvernes se sont déversées. De l’autre côté, les Helvètes, dont César a constaté qu’ils étaient fort coriaces. Il va donc tenter de passer entre les deux, chez les Séquanes (la Franche-Comté) : c’est d’ailleurs le chemin le plus court.
Quand on va vers le pays des Séquanes, on n’arrive pas à Alise-Sainte-Reine. Et si César y était arrivé, il n’en aurait pas fait le siège. Il l’aurait contournée ! Et Vercingétorix ne s’y serait pas retranché, puisque son but explicite est d’empêcher César de quitter la Gaule. Le site d’Alésia est une nasse, non seulement inexpugnable, mais incontournable. Alise n’est ni l’un ni l’autre. Son oppidum n’est pas sur une « très haute colline » (in colle altissime) entourée de collines « de hauteur égale » (colles pari altitudinis). Rien de ce qu’on y trouve ne répond aux dires de César : l’intervalle entre les tours n’est pas le bon, le camp nord n’est pas au nord, l’oppidum est trop petit (dix fois plus petit que celui de Gergovie).
On s’en tire en disant que César a menti ou qu’il s’est trompé. Mais il n’est ni un poète ni un plaisantin. En quoi tricher sur l’écartement entre les tours de siège ajoute-t-il à sa gloire ? De plus, pendant la guerre civile qui a succédé à la guerre des Gaules, certains de ses lieutenants ont pris parti pour Pompée. S’il avait fait erreur, fût-ce sur un point de détail, ils se seraient fait un plaisir de le signaler !
Enfin, tout lieu portant un nom rappelant de près ou de loin celui d’Alésia doit être écarté par principe, car, une fois prise, la ville fut rasée et condamnée à perdre son nom. Or, parmi les rares sites ayant un nom d’origine celte, on trouverait justement celui-là, encore habité un siècle après ?
Il est vrai qu’on trouve à Alise des vestiges romains… du Ier siècle de notre ère. C’est ainsi qu’en vertu d’une logique à rebours, on a daté de l’époque de César d’innombrables objets qui sont à l’évidence d’époque impériale, sous prétexte qu’on les trouvait sur le site prétendu d’Alésia. Ils ont été étiquetés ainsi au musée de Saint-Germain-en-Laye. Et voilà comment les légionnaires d’Astérix le Gaulois se trouvent affublés de casques et de cuirasses d’époque impériale et non républicaine.
Les preuves qu’Alise n’est pas Alésia abondent. Mais une suffit : « In Sequanos iter fecit », accusatif qui prouve que César se dirigeait bien vers le pays des Séquanes, qu’il aurait fallu traverser de part en part pour arriver chez les Héduens, ce qui l’aurait détourné de son but. Les tenants du site d’Alise ne s’en embarrassent pas : inventant une exception grammaticale, ils traduisent le texte autrement qu’on ne l’avait fait depuis toujours. Quand on se met à malmener la grammaire, il n’en sort rien de bon.
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Philippe Randa,
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