19 février 2022

Ukraine : à qui profite la crise ?

Par article conseillé par EuroLibertés

Par Olivier Bault

Les Etats-Unis avaient annoncé le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie pour mercredi matin, et, sans surprise, il ne s’est rien passé. Si Washington avait fait savoir lundi que son ambassade de Kiev était transférée à Lviv, les autres capitales n’ont pas suivi ce mouvement. De même, seuls quelques pays occidentaux (USA, Royaume-Uni, Australie…) ont à ce jour ordonné l’évacuation de leurs citoyens présents en Ukraine. Même la Pologne, voisine de l’Ukraine et alliée quasi-inconditionnelle des Etats-Unis, a simplement recommandé à ses citoyens d’éviter de se rendre en Ukraine en ce moment.

Pour la Russie, il ne s’agit pas d’envahir l’Ukraine au-delà des régions russophones du Donbass, déjà sous contrôle, et de la Crimée annexée en 2014. Ce que veut la Russie, c’est, d’une part, l’application des accords de Minsk selon leur interprétation russe, avec reconnaissance des Républiques populaires de Lougansk et de Donetsk, et la fédéralisation de l’Ukraine pour assurer leur pleine autonomie (sous influence russe, cela va sans dire). A ce sujet, mardi la Douma russe votait une résolution en faveur de la reconnaissance par la Russie de l’indépendance de ces deux républiques.

D’autre part, il s’agit pour Moscou d’obtenir la garantie que l’Ukraine, à défaut de rester partie du monde russe, ait un statut d’Etat neutre, à l’image de la Finlande à l’époque de l’URSS, et en particulier que l’Ukraine ne rejoigne jamais l’Otan. Accessoirement, il s’agit d’exercer des pressions pour obtenir la mise en route du gazoduc Nord Stream 2, la crise ukrainienne et la flambée des prix des hydrocarbures qui l’accompagne servant à démontrer l’utilité de cette route alternative pour le gaz russe vers l’Europe. Les menaces américaines et allemandes sur ce gazoduc sont déjà une victoire pour Vladimir Poutine. En effet, si le Nord Stream 2 ne sera pas mis en route en cas d’invasion de l’Ukraine par la Russie, ainsi que l’assurent Joe Biden et Olaf Scholz, on peut logiquement supposer que l’absence d’invasion signifie qu’il sera bien mis en route. Quant au statut de l’Ukraine, le retrait précipité des conseillers et formateurs militaires américains et britanniques de l’Ukraine est aussi déjà un début de victoire pour la Russie.

Le président américain, de son côté, va pouvoir se présenter auprès de ses électeurs comme celui qui, par sa fermeté, aura prévenu une invasion russe de l’Ukraine. De toute évidence, l’objectif de Joe Biden et de son entourage est de faire oublier la retraite honteuse d’Afghanistan à l’approche des élections législatives de mi-mandat pour lesquelles les Démocrates sont en assez mauvaise posture. Quant à Boris Johnson, cette crise arrive à point pour faire passer au second plan le « partygate », c’est-à-dire le scandale des fêtes organisées à Downing Street par les Britanniques du haut pendant les périodes de confinement strict imposées aux Britanniques du bas.

Quant aux Polonais et aux Baltes, cet épisode d’hystérie collective est une bonne occasion pour eux de renforcer la présence militaire otanesque, et en particulier américaine, sur leur territoire. Les Ukrainiens obtiennent enfin de leur côté des livraisons d’armes létales de la part des pays occidentaux, ce qui leur permettra d’améliorer leurs capacités de défense face à la Russie. En revanche, la crise actuelle pèse sur une économie déjà en très mauvais état, ce qui explique les appels du président Zelensky lancés aux Occidentaux les plus hystériques – Biden et Johnson – pour qu’ils modèrent un peu leurs déclarations.

Finalement, les victimes de la crise, ce sont avant tout les Européens du bas qui voient leurs factures énergétiques atteindre des sommets encore plus élevés, avec aussi l’impact que l’on sait sur une inflation déjà hors de contrôle en conséquence de la gestion désastreuse de la pandémie de coronavirus.

Article paru dans les colonnes du quotidien Présent.

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