L’ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard se voulait chantre du « parler vrai ». Au cours de la présidentielle de 2012, Jean-Luc Mélenchon se réclamait volontiers du « parler dru », mais aucun n’égale le nouveau président des Philippines, adepte du « parler cru. »
Rodrigo Duterte a successivement qualifié d’« enfants de prostituées » le pape conciliaire François, l’ambassadeur US à Manille ainsi que Barack Obama lui-même. Il a en outre adressé un magnifique doigt d’honneur au Parlement de Strasbourg et accusé la République de François Hollande d’avoir exterminé des milliers d’Arabes au cours de la conquête de l’Algérie. Hormis le souverain pontife, tous ont osé critiquer sa politique intérieure musclée.
Entré en fonction le 30 juin dernier, ce président de 71 ans prône la tolérance zéro à l’encontre des trafiquants de drogue et des toxicomanes. Principal fléau de l’archipel, le narcotrafic toucherait entre 1,8 et 3,4 millions de consommateurs, réguliers ou non. Se surnommant « Duterte Harry » en référence à l’Inspecteur Harry joué au cinéma par Clint Eastwood, l’ancien maire plusieurs fois plébiscité de Davao, sur l’île méridionale de Mindanao en proie à une vieille guérilla communiste et à une lancinante rébellion indépendantiste musulmane, applique à l’échelle des Philippines ses méthodes radicales : l’exécution sommaire de trafiquants et d’usagers par des escadrons de la mort. Depuis cet été, on comptabilise une moyenne de 36 morts violentes par jour. « Digong », de son surnom, montre ainsi à ses électeurs qu’il applique ses promesses électorales, à savoir saturer toutes les morgues du pays et engraisser les poissons de la baie de Manille en y jetant les cadavres…
Rodrigo Duterte a par ailleurs exigé et obtenu le départ immédiat des forces spéciales étatsuniennes en lutte contre les islamistes du Groupe Abu Sayaf. Il pourrait enfin réclamer la fermeture de la base étatsunienne de Subic Bay. Rappelons qu’ancienne colonie espagnole, les Philippines devinrent entre 1899 et 1945 une colonie, puis un protectorat de Washington. Au début du XXe siècle, une révolte générale conduisit en représailles les Yankees à parquer la population civile dans de terribles camps de concentration. Les Philippins n’oublient pas !
Méfiant à l’égard des États-Unis, Rodrigo Duterte souhaiterait en revanche se rapprocher de Pékin malgré des contentieux maritimes en Mer de Chine. Honni des politiciens locaux, le président philippin voit sa popularité s’accroître auprès des petites gens. Mais tiendra-t-il son mandat de six ans ? Il pourrait en effet finir comme son lointain prédécesseur populiste, l’acteur Joseph Estrada qui, élu en 1998, dut démissionner en janvier 2001 sur la pression conjointe de l’armée et de l’ambassade US. En attendant, les nuits philippines ne sont plus guère câlines…
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- « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », diffusée sur Radio-Libertés, le 23 octobre 2016 vers 8 h 20.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.
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Georges Feltin-Tracol, écrivain et collaborateur de nombreuses revues (notamment "Réfléchir & Agir") et site internet ; chroniqueur sur "Radio Libertés". Il se désigne aussi parfois comme un traditionaliste post-moderne ou un archéo-futuriste. Dernier livre paru : "Pour la troisième voie solidariste. Une autre approche de la question sociale" (Éd. Synthèse)