Les mystères de l’Eurasie

Quiconque s’intéresse à la géopolitique ne peut ignorer la pensée d’Alexandre Douguine, le chef de file de l’eurasisme. Son œuvre s’est répandue en Occident et a même traversé l’Atlantique, notamment grâce aux Éditions Arktos qui ont publié plusieurs de ses œuvres dans la langue de Shakespeare.

Ses ouvrages sur la géopolitique et sur la Russie actuelle sont bien connus, mais son titre Les mystères de l’Eurasie l’est beaucoup moins. S’il a circulé sur la toile en version anglaise, il était inconnu du public francophone qui peut enfin le découvrir grâce aux Éditions Ars Magna et sa collection géopolitique « Heartland ».

Écrit à la chute de l’Union soviétique, ce recueil d’articles donne une base mystique au combat eurasiste. L’Amérique se fonde sur la « Destinée manifeste » pour étendre son emprise sur le monde ; la Russie a sa propre base métaphysique pour s’y opposer.

Dans une analyse guénonienne, à laquelle on peut adhérer ou non, Douguine nous plonge dans les racines de la Russie, souvent assimilée à la mythique Hyperborée, pour nous faire découvrir un monde ancré dans les croyances spirituelles, comme en témoigne l’attachement à la religion orthodoxe, que 70 ans de communisme ne sont pas parvenus à détruire. Si l’on veut comprendre pourquoi ce peuple reste imperméable aux idées des Lumières et à la vision pseudo-démocratique promue par un Occident décadent et athée, il faut s’intéresser à l’âme de ce peuple des steppes façonné par ces durs paysages.

Le penseur russe se lance donc dans une analyse de la géographie sacrée, mise en parallèle avec la géopolitique, qui n’est pas qu’une affaire de puissance et d’intérêts économiques. On comprend que ce pays, à cheval entre l’Occident et l’Orient, une dualité exprimée par l’aigle bicéphale regardant à l’Ouest et à l’Est, est bien loin des stéréotypes souvent véhiculés par les médias de masse qui offrent une vision manichéenne du pays des tsars.

Pour Douguine, et il faut se rappeler que cet ouvrage fut écrit dans la période où l’Union soviétique sombrait, les pays anciennement sous la tutelle soviétique sont à la croisée des chemins. Ils font face au camp atlantiste, synonyme pour lui de mondialiste, qui est certes riche, mais qui a abandonné ses racines spirituelles pour un matérialisme crasse. D’un autre côté, les pays ne faisant pas partie de ce bloc, le « Sud pauvre », ont quant à eux gardé une certaine profondeur, mais se retrouvent asservis au « Nord riche ». Face à un tel dilemme, il propose une voie tierce, un « Nord pauvre », qui refuserait de se laisser asservir ou de se fondre dans le camp mondialiste, athée et guidé par l’argent, et offrirait une alternative spirituelle, tout en aidant les pays dominés à s’émanciper, dans le respect de leurs cultures et traditions. On se rapproche ici évidemment d’Alain de Benoist et de son Europe et Tiers Monde, même combat.

On se perd parfois dans les explications ayant trait à la symbolique de certaines runes ou mythes, mais dans l’ensemble, ce livre permet de voir l’eurasisme sous un autre jour et de mieux comprendre le peuple russe et son président, qui incarne à sa façon la lignée des tsars. La critique que Douguine formule à l’égard de l’Occident et de l’idéologie mondialiste vaut également la peine d’être lue et, après mûre réflexion, est d’une pertinence indéniable.

Alexandre Douguine, Les mystères de l’Eurasie, Éditions Ars Magna, coll. « Heartland », 2018, 414 p. Pour commander ce livre, cliquez ici.

Alexandre Douguine, Les mystères de l’Eurasie (Éditions Ars Magna).

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