Donald Trump et État profond : un an à la Maison Blanche
(Propos recueillis par Guillaume Mansart)
Nicolas Gauthier, chroniqueur politique sur le site BVoltaire, est également sociétaire de l’émission « Bistrot Libertés » sur TVLibertés. Il intervient régulièrement sur RadioLibertés.
Donald Trump, malgré une première année difficile, est toujours en poste et ne semble pas avoir changé dans son comportement et ses déclarations… Ça vous étonne ? Ça vous inquiète ?
Tout d’abord, Donald Trump n’est pas le premier président fantaisiste et imprévisible à avoir occupé la Maison Blanche. Le dernier en date était Gerald Ford, qui a succédé à Richard Nixon après le scandale du Watergate. Il était connu pour ses sorties surréalistes et la propension qu’il avait de régulièrement se casser la figure devant les caméras, à tel point que les humoristes d’alors assuraient qu’il était incapable de faire deux choses en même temps : marcher et mâcher du chewing-gum.
Après, la moindre des choses est que Donald Trump soit encore en poste. Aux USA, il ne suffit pas d’être impopulaire pour être déposé. Bill Clinton a failli l’être, à la suite de cette fameuse procédure « d’impeachment », mais les griefs qui lui étaient faits étaient d’un tout autre ordre : à l’occasion de l’affaire Monica Lewinski, la stagiaire avec laquelle il a entretenu une liaison extraconjugale, il s’était parjuré après avoir prêté serment, ce qui ne pardonne pas dans ce pays protestant…
Après, il n’y a ni lieu d’être étonné ou inquiet. Avant même de se lancer dans l’élection présidentielle, il s’agissait déjà d’un personnage haut en couleur, d’une sorte de Bernard Tapie en moins distingué. Depuis, même si son entourage vit dans la hantise de sa prochaine gaffe et de ses six ou sept tweets quotidiens, il faut savoir qu’un président américain a bien moins de pouvoir que son homologue français, sans oublier qu’outre-Atlantique, c’est l’État profond (complexe militaro-industriel, Réserve fédérale et services secrets) qui détient le véritable pouvoir, que ce soit pour le meilleur ou pour le pire.
Le pire, c’est la lutte ancestrale et souterraine qu’il mène contre l’Europe et la manière qu’il a de constamment vouloir interférer dans les affaires du monde. Le meilleur, c’est qu’il est largement assez puissant pour contenir les initiatives intempestives de Donald Trump. Cet État profond, pour naturellement belliqueux qu’il soit, est, lui, un animal à sang froid ; même si son aventurisme au Vietnam, en Afghanistan ou en Irak a démontré que ses savants calculs n’étaient pas toujours marqués au sceau du pragmatisme…
Le duel verbal entre Donald Trump et Kim-Jong Un a baissé en intensité… Certains ont pourtant pu craindre une escalade vers un conflit armé… Info ou intox ?
Voilà qui illustre la prééminence de l’État profond sur l’État officiel. Si le premier laisse le second multiplier foucades et provocations, il est bien conscient que tout aventurisme militaire en Corée du Nord serait cette fois, pour les USA, le conflit de trop. Ce pour deux raisons. L’une, c’est qu’un tel conflit est ingagnable sur le terrain. L’autre, c’est que les réactions en chaîne, que ce soit en Russie ou en Chine, deviendraient vite incontrôlables. Même Donald Trump qui est tout, sauf fou, pas plus d’ailleurs que ne l’est Kim-Jong Un, l’a bien compris et qu’à défaut, on le lui a fait comprendre. Le programme nucléaire nord-coréen obéit plus à la logique de l’assurance vie qu’à celle de l’expansionnisme. De fait, quels pays Pyongyang veut-il envahir ? Aucun, sachant qu’il n’aurait même pas les moyens d’une telle politique, politique que Pékin, de toute manière, lui interdirait de mener.
Ainsi, faut-il savoir que la Corée du Nord ne survit que parce que la Chine le veut bien. Il lui suffit d’un claquement de doigts pour que cet allié turbulent se retrouve privé d’électricité, de vivres et de pétrole. S’il l’a laissé acquérir l’arme nucléaire, c’est qu’une Corée du Nord ainsi sanctuarisée va paradoxalement devenir un pôle de relative stabilité à ses frontières, puisque gelant toute velléité de conflit avec la Corée du Sud. Finalement, tout le monde trouve plus ou moins son compte dans ce statu quo et, malgré ses rodomontades, c’est ce même statu quo que Donald Trump est venu là-bas entériner. Vous noterez également que la rencontre au sommet des présidents russes et américains va également en ce sens. Dans la région, le seul véritable ennemi des USA, c’est cette Chine qui est en train d’étendre son influence dans tout l’Océan pacifique. Mais, comme Pékin est également le premier partenaire économique de Washington et que ce partenariat est en train de se déséquilibrer en faveur de la Chine, la partie est plus ouverte que jamais.
Pensez-vous imaginable que Donald Trump, qui a actuellement 71 ans et reste un personnage extrêmement clivant, puisse envisager une réélection pour un deuxième mandat dans trois ans ?
A priori non. Car même si Donald Trump s’est fait élire sous l’étiquette du Parti républicain, c’est sous sa propre bannière qu’il a écrasé tous ses rivaux lors de la primaire. C’était la première fois qu’un candidat indépendant parvenait à la fonction suprême. C’est grâce à l’effet de surprise qu’il a pris les Républicains et les Démocrates de court ; cela fonctionnera-t-il une seconde fois ? Rien n’est moins sûr.
Vous évoquez un président « clivant », c’est exactement de cela dont il s’agit. Après une seule année de mandat, il est aujourd’hui aussi impopulaire que l’étaient Richard Nixon et Georges W. Bush, lesquels avaient au moins l’excuse d’être empêtrés dans le Watergate et la Seconde guerre du Golfe. Mais si seulement 33 % des Américains le soutiennent encore, ces 33 % sont farouchement déterminés à le défendre. Jamais les opinions publiques américaines n’auront été aussi divisées. Cela ne plaide pas forcément en faveur d’une prochaine réélection dans un pays où l’élection présidentielle a toujours tendance à se faire dans une certaine forme de consensus.
En revanche, il faut noter qu’à l’heure où ses lignes sont écrites, il n’y a pas, pour le moment, de relève crédible, que ce soit chez les Républicains ou chez les Démocrates. Il faudrait donc qu’en moins de trois ans, une personnalité, homme ou femme, démocrate ou républicaine, sorte du lot. Cela n’est pas non plus joué d’avance et c’est peut-être le seul et dernier atout dont Donald Trump puisse aujourd’hui se prévaloir.
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Philippe Randa,
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