Ankara, capitale de l’Europe
Recep Tayyip Erdoğan, qui a remporté haut la main les élections législatives anticipées, se pose dorénavant comme l’homme fort aux ukases non négociables. Son écrasante victoire souligne, en contrepoint, l’atonie diaphane du sommet Europe-Afrique qui s’est déroulé à Malte, où il est grandement débattu de l’hémorragie de milliers d’immigrants se déversant à flux continus sur nos côtes.
La Sublime Porte tient L’Union européenne. Elle peut tranquillement attenter à la liberté de la presse et d’expression – comme elle s’y employa récemment en envoyant la police dans les locaux d’un hebdomadaire d’opposition –, Bruxelles demeurera coi. Les criminels inconséquents que sont Juncker, Merkel, sans oublier notre ectoplasmique gouverneur de la province France, en sont pathétiquement réduits à mendier le soutien d’Ankara face à un tsunami migratoire exponentiel.
Quel candide peut croire que la Turquie de M. Erdoğan se contentera d’une aumône de 3 milliards d’euros « sur deux ans » pour maintenir sur son propre sol ces immigrants irrésistiblement aimantés par l’eldorado européen ? C’est faire fi, d’une part, du tropisme islamo-conservateur du gouvernement d’Ankara, d’autre part de sa détermination, toujours vivace, d’entrer dans l’Union européenne.
En incontrôlable folle du logis, la chancelière allemande, dont la générosité pyromane a littéralement pulvérisé ce qui restait d’un système Schengen quasi moribond, entraîne ses partenaires dans un Armageddon collectif en les poussant à s’adosser à cet encombrant voisin asiatique aux portes de l’Europe. N’est-ce pas cette mégère puritaine qui est allée jusqu’à « promettre à M. Erdoğan toutes sortes de choses : reprise des négociations pour l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, libre circulation des Turcs dans l’espace Schengen, aide financière renforcée », ainsi que le rappelle pertinemment Roland Hureaux (Atlantico, 13 novembre 2015) ?
Ce dernier s’étrangle encore – et nous avec lui – de l’imprudence foncière de cet appui, « quand on sait le rôle pernicieux joué par la Turquie dans les conflits du Proche-Orient : en bref, le sud de la Turquie voit passer deux flux contraires, mais également dangereux. De l’ouest vers l’est passent les milliers de djihadistes qui viennent du monde entier et qui s’en vont renforcer Daech. De l’est vers l’ouest vont des milliers de réfugiés syriens ou irakiens qui rejoignent la côte d’Asie Mineure pour tenter de passer en bateau en Grèce. »
Coupable initiative qui confirme l’influence centripète de l’Allemagne au sein de l’Union européenne. Corrélativement, elle souligne la nullité abyssale de la diplomatie française qui ne voit pas – ou feint de ne pas voir, ce qui serait pire – que la stratégie américaine du cheval de Troie turc en Europe s’en trouve renforcée et légitimée.
Et l’on n’oubliera pas les propos d’un Erdoğan qui, en 1998, citait, prophétique, le nationaliste turc Ziya Gökalp : « Les minarets seront nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées seront nos casernes et les croyants nos soldats. »
L’Europe islamique est en marche…
(Source : Boulevard Voltaire, 12 novembre 2015)