Retour sur Manouchian, les communistes et la censure
Avec un peu de recul, on peut maintenant revenir sur cette affaire de Panthéonisation d’un immigré arménien, qui en 1943 fut arrêté par les Brigades spéciales de la Police parisienne qui étaient sur sa trace depuis de nombreuses semaines. Manouchian, puisque c’est de lui dont il s’agit, fera l’objet d’un traitement médiatique exceptionnel dès son arrestation et celle de ses hommes, grâce ou à cause des nazis, qui monteront cette affaire en épingle au travers de la fameuse « affiche rouge », placardée sur tous les murs de Paris en février 1944. Bien d’autres courageux résistants ne connaîtront pas cette notoriété !
Manouchian, comme l’a souligné à plusieurs reprises Stéphane Courtois, était membre de l’Internationale communiste depuis le milieu des années 1920, et suivait à la lettre les ordres qui lui étaient donnés par ses chefs, c’est-à-dire la direction clandestine du Parti communiste « français », dirigée alors par Jacques Duclos, en lien direct avec Moscou, où vivait Thorez, qui avait déserté et trahi la France.
La MOI était contrainte de multiplier les attentats contre les troupes d’occupation, pour que la résistance communiste puisse apparaître à la libération du territoire, comme la seule qui vaille, afin de tenter de parvenir au pouvoir dans un plus vaste élan populaire, et faire ainsi oublier les deux années de trahison du Parti entre 1939 et 1941. Et ce, quitte à faire prendre tous les risques à ces hommes, très peu nombreux en réalité, guère plus d’une soixantaine au maximum, comme le prouveront des historiens, comme Franck Liaigre, Les FTP : nouvelle histoire d’une résistance, qui iront fouiller dans les archives, et qui ne se contenteront pas d’un travail superficiel, comme certains de leurs confrères.
Boris Holban, le chef des MOI va refuser les ordres du Centre, et sera démis de ses fonctions. En juillet 1943, il ne restait plus que peu ou prou 35 combattants. Ils seront quasiment tous arrêtés le 15 novembre 1943, à la suite d’un fiasco opérationnel en date du 12 novembre. À ce moment-là, des voix vont se faire entendre pour accuser la direction du PC de les avoir laissés tomber. C’est tout le sujet du film de Mosco, Des terroristes à la retraite, réalisé au début des années 1980, qui fait parler des anciens des MOI revenant sur les lieux mêmes des faits. Le documentaire, primé dans plusieurs festivals, sera vendu à Antenne 2, qui le remisera aussitôt dans un placard, tant le directeur de l’époque, Jean Claude Héberlé craignait que les syndicats CGT ne s’offusquent de sa diffusion et qu’ils multiplient les grèves. Le parti communiste fera des pressions considérables pour que le film ne passe pas à l’antenne, faisant monter au créneau le ban et l’arrière-ban de tous ses soutiens staliniens, comme l’inépuisable Robert Chambeiron, homme lige des soviets.
Devant la levée de boucliers lancée d’ailleurs par feu le journal socialiste, Le Matin de Paris, le courageux Héberlé finira par saisir la Haute autorité de l’audiovisuel, présidée par la non moins courageuse Michèle Cotta, qui en désespoir de cause constituera, pour savoir si le film pouvait être vu par les Français, un « jury d’honneur » composé au petit poil de tous les cryptocommunistes de l’époque, les éternels époux Aubrac, communistes jusqu’au bout des ongles, elle encartée, lui pas ; Claude Bourdet, soviétophile avéré ; Henri Noguères qui avait toujours ménagé « la résistance communiste », et Pierre Sudreau, plus ou moins compagnon de route, qui avait comme très grand ami Guy Ducoloné, alors inamovible député communiste. Cet aréopage, taillé sur mesure, viendra soutenir mordicus la non-diffusion du film.
Mais à la suite de manifestations d’intellectuels, d’Annie Kriegel notamment, ancienne de la MOI à Grenoble, qui soutiendra le film « le beau film de Mosco qui rend compte honnêtement de toutes ces interrogations et hypothèses… qui sont parfaitement légitimes », Georges Filloud, le ministre socialiste de l’information, sur ordre de Mitterrand sans doute, imposera à Antenne 2 la diffusion du film. Nouveaux cris d’orfraie de l’Humanité et de tous les communistes, qui réussiront à imposer, avant la diffusion, dans le cadre des Dossiers de l’écran, la lecture par le très stalinien Charles Lederman, sénateur communiste, d’un avertissement, suivi d’un débat entre « historiens ».
Néanmoins l’audience sera au rendez-vous, en ce mois de juillet 1985, 13 millions de téléspectateurs et 30 % de part de marché, record battu pour cette émission très populaire alors. Les sondages confirmeront qu’une majorité de Français pensaient que le PC avait lâché le groupe Manouchian, ce que les historiens ont démontré.
C’est donc avec une stupeur totale que l’on a appris qu’Emmanuel Macron accordait au journal L’Humanité un entretien au sujet de la Panthéonisation du couple Manouchian, alors que ce journal communiste avait été en pointe pour que le film de Mosco, ne soit pas diffusé et soit censuré. Le président de la République s’est une fois de plus totalement discrédité dans cette affaire, demandant en quelque sorte au criminel de défendre son crime. Dans le film, Philippe Garnier-Raymond, auteur d’un livre, L’affiche rouge, déclarait : « À mon avis avec un grand cynisme, la direction des FTP a choisi leur sacrifice, de les abandonner. Je n’irai pas jusqu’à dire, faute de preuves, que le PCF les a cyniquement livrés à la Gestapo. »
Et dans sa dernière lettre, Manouchian prophétise : « Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal, sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. »
S’il y avait bien un parti et un journal qui auraient dû faire profil bas et être écartés en ces journées commémoratives, c’est bien le PC « F » et le journal L’Humanité. Son directeur de l’époque, le très stalinien Roland Leroy, piquera une colère mémorable en traitant tous ceux qui militaient pour la diffusion du film d’être « d’extrême-droite », c’étaient alors essentiellement des socialistes, trop contents de faire la nique aux communistes qui avaient quitté le gouvernement, et qui en juin 1984, aux européennes avaient été rattrapés par un Front national en expansion. Mais par la grâce d’un Président indigne et ignare, ou vice et versa, on eut droit à une commémoration communiste, dans la pire des traditions des pays soviétiques. Même Charles Tillon, et tous les exclus communistes d’alors, firent des déclarations pour que le film de Mosco soit diffusé. Annette Wievorka, qui étudia de près toute cette histoire put affirmer : « Les FTP-MOI sont dans une situation d’extrême précarité ? Qu’importe, pour les communistes l’homme ne fut jamais le capital le plus précieux… il n’y a pas de quoi fouetter une conscience de responsable communiste. »
C’est le remarquable historien Franck Liaigre qui aura le fin mot de cette tragédie : « La faiblesse des coups portés aux Allemands peut surprendre ; mais l’indigence des effectifs, le manque d’armes et la tactique employée l’expliquent. La volonté du comité, soucieux de châtier les traîtres et de remplir les caisses, joue un rôle primordial. De sorte que les FTP ont au total tué plus de Français que d’Allemands. »
Tout est dit.
EuroLibertés : toujours mieux vous ré-informer … GRÂCE À VOUS !
Ne financez pas le système ! Financez EuroLibertés !
EuroLibertés ré-informe parce qu’EuroLibertés est un média qui ne dépend ni du Système, ni des banques, ni des lobbies et qui est dégagé de tout politiquement correct.
Fort d’une audience grandissante avec 60 000 visiteurs uniques par mois, EuroLibertés est un acteur incontournable de dissection des politiques européennes menées dans les États européens membres ou non de l’Union européenne.
Ne bénéficiant d’aucune subvention, à la différence des médias du système, et intégralement animé par des bénévoles, EuroLibertés a néanmoins un coût qui englobe les frais de création et d’administration du site, les mailings de promotion et enfin les déplacements indispensables pour la réalisation d’interviews.
EuroLibertés est un organe de presse d’intérêt général. Chaque don ouvre droit à une déduction fiscale à hauteur de 66 %. À titre d’exemple, un don de 100 euros offre une déduction fiscale de 66 euros. Ainsi, votre don ne vous coûte en réalité que 34 euros.
Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.
Quatre solutions pour nous soutenir :
1 : Faire un don par virement bancaire
Titulaire du compte (Account Owner) : EURO LIBERTES
Domiciliation : CIC FOUESNANT
IBAN (International Bank Account Number) :
FR76 3004 7140 6700 0202 0390 185
BIC (Bank Identifier Code) : CMCIFRPP
2 : Faire un don par paypal (paiement sécurisé SSL)
Sur le site EuroLibertés (www.eurolibertes.com), en cliquant, vous serez alors redirigé vers le site de paiement en ligne PayPal. Transaction 100 % sécurisée.
3 : Faire un don par chèque bancaire à l’ordre d’EuroLibertés
à retourner à : EuroLibertés
BP 400 35 – 94271 Le Kremlin-Bicêtre cedex – France
4 : Faire un don par carte bancaire
Pour cela, téléphonez au 06 77 60 24 99