« Le pire est à venir »… dixit Macron
par Jean-Michel Vernochet.
L’avenir sera ce que nous le ferons être. Craignons à ce titre les prophéties auto-réalisables des prêcheurs de croisade. Ceux qui veulent en découdre évidemment avec le sang et la misère d’autrui. Façon Bernard-Henri Lévi toujours prompt à l’invective, mais qui oubli de suivre les têtes brûlées en partance pour rejoindre les nouvelles Brigades internationales ukrainiennes. Au demeurant ce grand responsable du chaos libyen, ce boutefeu systémique, nous est une boussole très fiable : il nous indique avec un sureté absolue la direction opposée à nos intérêts vitaux. Sachons en tenir compte.
Retour sur les propos lapidaires mais subliminalement fort inquiétants de M. Macron, le samedi 26 février 2022 au salon international de l’Agriculture, déclarations relatives à la crise russo-ukrainienne, ceci parce qu’ils dénonçaient le jusqu’auboutisme latent du président du Conseil des ministres de l’Union européenne. En filigrane et sous couvert de rassurer le monde agricole quant aux conséquences d’une guerre qui « va durer, il faut nous y préparer », le président Macron ayant endossé son habit tout neuf de chef de guerre, nous prédisait tranquillement des « jours difficiles ». Paroles évoquant les hypothèques pesant sur les approvisionnements en intrants (engrais/pesticides) mais aussi et surtout en « énergie ». À quelles pénuries faisait-il donc allusion ? Le spectre d’un cyber-conflit de haute intensité se profile-t-il dans l’ombre en réponse aux rodomontades de nos chefs de guerre auto-proclamés contre le Covid et la Russie ?
Ne parlons pas de Bruno Lemaire qui, dans la foulée, y est allé de son couplet relatif à une « guerre économique et financière totale » destinée à provoquer l’effondrement de la Russie ! Paroles irresponsables qui en disent long, très long, sur les intentions de dirigeants qui jouent avec le feu, en l’occurrence le feu nucléaire. De bonne source, réponse du berger à la bergère en quelque sorte, signalons que plusieurs sous-marins d’attaques russes auraient quitté leur base circumpolaire afin de se prépositionner pour le cas où… ! Quant aux dures sanctions économiques et financières, leurs conséquences seront à terme, évidemment, d’un côté comme de l’autre, éminemment dommageables. Reste que les décideurs ne sont pas les payeurs : les guerres se faisant de préférence avec le sang, la sueur et les larmes des autres. Telle est la philosophie de la Grande Amérique qui n’a cessé, au cours de ce trois dernières décennies (le mur de Berlin tombe en novembre 1991), de pousser ses pions, d’implanter ses bases et son bouclier anti-missiles à vocation plus offensive que défensive, sur le pourtour de la Russie. Le Kremlin évoque à ce sujet « l’invasion progressive de Ukraine par Otan » avec l’envoi d’armes plus offensives que défensives ainsi que de conseillers et d’instructeurs. En un mot l’otanisation de l’Ukraine au momentt de l’intervention russe est/était déjà largement entamée.
Par ailleurs évitons de nous laisser tout à fait entraîner par l’emballement médiatique et la grossière propagande de guerre… On nous prédit ainsi, pour demain et à chaque minute, l’apocalypse : pour le Covid il fallait s’attendre à 400.000 morts, maintenant on nous annonce 7 millions de réfugiés ! Idem, parce qu’il faut raison garder, relativisons certaines décisions du président russe qui, au quatrième jour (27 février) de l’invasion de l’Ukraine, donnait l’ordre « de mettre les forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat ». Mise en garde qui n’implique en aucun cas, contrairement à ce qu’en disent les bavards médiatiques, la menace d’un recours au feu nucléaire. Mais M. Poutine étant un fou paranoïaque à l’instar de son ex-homologue américain, le président Trump, il est, par définition, imprévisible… Qui conduit néanmoins une guerre qui, elle, depuis longtemps, était éminemment prévisible… eu égard, entre autres, au mépris ayant entouré ces dernières années la question des russophones du Donbass !
Cela fait en effet sept ans précisément que les accords de Minsk II ont été signés au “format Normandie”, le 11 février 2015, et non jamais faits l’ombre d’un début d’application ! Pendant ce temps, les obus et les tirs n’ont jamais cessé de pleuvoir sur les républiques populaires de Donetsk et Lougansk causant la mort de quelque 13000 civils et soldats. La patience de la Fédération de Russie a été sans aucun doute exemplaire… Ceci alors que le président russe était quotidiennement vilipendé voire même couvert de boue dans notre bonne presse. De guerre lasse, insultes pour insultes, le Kremlin a décidé de vider l’abcès une fois pour toutes. Demeure une question : où les forces russes s’arrêteront-elles ?
Sachons également raison garder et ne pas succomber à la propagande de guerre qui fait par exemple tourner en boucle l’image d’une façade ravagée non par un tir de missile qui l’aurait visé mais par la chute d’un appareil abattu. Les forces russes ne font d’ailleurs pas l’erreur coûteuse en vies humaines, de vouloir prendre les villes – erreur fatale commise naguère à Stalingrad par l’armée allemande – se contentant de les encercler puis de les contourner afin de poursuivre leur avance. Certes il ne s’agit pas d’une guerre à zéro mort, mais de toute évidence, il existe une volonté de limiter la casse…
L’Ukraine, la Petite Russie, berceau historique de la Grande n’est pas la Tchétchénie et il ne s’agit pas d’aller « butter jusque dans les chiottes » les takfiristes d’Al-Qaïda ainsi que l’avait naguère annoncé élégamment Vladimir Poutine. Même si des djihadistes, qui veulent venger leur défaite en Syrie, s’organisent actuellement pour affluer en Ukraine. Ce qui peut alors effectivement faire craindre, avec une internationalisation de la résistance ukrainienne, à une prolongation indéfinie de l’opération russe sur le modèle de la guerre civile espagnole en1936. Le recours à la force brutale est bien entendu en soi éminemment condamnable. Mais que dire de ceux qui ici soufflent sur les braises, s’ameutent pour envoyer des armes. Mme Parly, ministre français de la défense, nous apprend que des envois seraient déjà parvenus à destination [BFM3mars22]… Ce qui de facto fait de nous de quasi cobelligérant. Pour ce qui est des responsabilités, la France de M. Hollande et l’Allemagne de la chancelière Merkel ont parrainé les accords de Minsk II. Or quels efforts ont consenti ces deux puissances pour faire aboutir ce processus de normalisation et de retour à la paix civile ? Rien. Les accords sont restés lettre morte. Aussi avec Montesquieu peut-être serait-il loisible de dire aujourd’hui que « les vrais responsables des guerres ne sont pas ceux qui les déclenchent, mais ceux qui les ont rendues inévitables… »
Et puis sommes-nous en guerre contre la Fédération de Russie ? Non bien sûr. M. Macron a tenu le 2mars – après avoir asséné quelques mensonges bien sentis – à le rappeler. Il était temps. Sommes-nous en effet tenus par des traités qui, comme en 1914 (Paris entre en guerre lorsque de l’empire tsariste mobilise) ou comme en 1939, quand nous déclarons la guerre au Reich à la suite de Londres après l’invasion germano-russe de la Pologne ? Pologne que nous laisserons au bout du compte tomber en 1945 dans le carnier de l’ogre soviétique ? Toutefois les sanctions sont belles et bien des actes de guerre (même si économique), c’est-à-dire des actes foncièrement hostiles.
Une question finale se pose ici… De quel droit – car nos dirigeants parlent essentiellement de valeurs, c’est-à-dire de morale, un domaine plutôt éloigné de la realpolitik qui devrait être ici de rigueur – nous ingérons-nous dans un conflit (aussi condamnable soit-il), mais qui ne nous concerne, ni ne nous implique au premier chef… Sauf à ce qu’embringués dans l’irrésistible expansion de l’Otan vers l’Est nous ne soyons plus dans de telles circonstances, en mesure de nous déterminer (positionner) rationnellement.