22 mars 2016

Arrestation de Salah Abdeslam : quel profit réel ?

Par Philippe Randa

 

Que penser de la déclaration de l’Élysée, indiquant que « l’objectif, à la suite de l’arrestation d’Abdeslam et de plusieurs de ses complices, est de faire le point sur les opérations menées et sur la lutte contre les filières terroristes en France et en Europe… »

« Faire le point », c’est-à-dire ? Probablement pas grand chose, voire rien du tout… Si Salah Abdeslam a réussi à « tenir » quatre mois de cavale, c’est probablement parce qu’il est soit un électron libre du djihad, simple survivant du groupe auteur des massacres du 13 novembre… soit parce qu’il n’est aujourd’hui « plus rien » au sein de la mouvance djihadiste qui ne l’a ni extradé… ni éliminé !

Alors, que peut-on espérer de l’arrestation à Molenbeek des cinq terroristes « présumés » (peu de commentateurs le précisent, alors que la loi, n’est-ce pas…).

Les empêcher de commettre de nouveaux attentats ? C’est probable et déjà beaucoup, mais avaient-ils encore les moyens d’en commettre encore, tout au moins de l’ampleur de ceux de Paris ? On l’apprendra peut-être… ou peut-être pas !

Obtenir d’eux les noms de complices éventuels encore en liberté et permettre leurs arrestations ? Ou même leur simple mise sous surveillance ? Peu probable, sinon concernant du menu fretin…

Si Salah Abdeslam était en effet en mesure de révéler quelques secrets d’importances, nul doute qu’il n’aurait pas survécu à la nuit sanglante de l’hiver dernier : l’État islamique, s’il est bien l’instigateur des tueries de novembre, a prouvé qu’il n’était pas un simple regroupement d’amateurs fanatiques auquel aurait bénéficié une chance insolente… Si l’arrestation d’un Salah Abdeslam devait représenter un quelconque danger pour l’EI, il aurait été éliminé dès le 14 novembre dernier au petit matin…

Il est tout de même assez généralement entendu que pour les commanditaires d’attentats, un carnage n’est réellement réussi que si on ne peut prouver leur responsabilité ou que l’arrestation éventuelle de protagonistes n’est pas dangereuse pour eux.

Les précédentes arrestations de terroristes – assez rare, comparées à leurs éliminations au cours des fusillades – ont rarement rapportées quelques révélations fracassantes que ce soit…

Les associations des familles de victimes des attentats de Paris semblent attendre beaucoup d’un futur procès… S’il peut leur apporter du réconfort dans leur malheur, pourquoi pas ! Mais c’est au risque que ces familles éprouvées se désillusionnent rapidement et ne gardent un goût amer d’une Justice qui ne pourra en l’occurrence que très probablement les décevoir…

Seul le gouvernement français – et accessoirement celui de la Belgique dont les forces de police ont évidemment réussi un indéniable beau coup de filet – peut et va en tirer un intérêt certain, même si très ponctuel.

Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, dès la sortie du Conseil de défense à l’Élysée, ne s’est pas privé de claironner qu’« il s’agit d’un coup important porté à Daech en Europe » (sic !), que « le gouvernement est déterminé à ce que la lumière soit faite » (la moindre des choses, même si cela devait rester symbolique !) et surtout à s’auto-satisfaire que « ces résultats sont significatifs (et) constituent un encouragement à continuer nos efforts… » : propos qui n’ont d’autres buts subliminaux que de convaincre les Français que le gouvernement est à la pointe de la lutte contre le terrorisme… à défaut d’autres prouesses dans les autres domaines de la vie quotidienne.

 

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