11 octobre 2016

Europe du renseignement, gestion du risque ou des structures ?

Par Philippe Joutier

 

Chacun connaît l’histoire de cet homme cherchant ses clés sous un lampadaire ; il sait les avoir perdues ailleurs, mais scrute là parce que c’est le seul endroit éclairé.

Face au terrorisme, les services de renseignement devraient méditer cette histoire. Le renseignement est confronté à trois difficultés : la crainte de l’intox, qui le rend finalement inefficace, la crainte de la fuite, et… le bordel administratif. Le terrorisme est un défi pour l’Europe qui vient ajouter ses emboîtements supplémentaires aux usines à gaz nationales. Europol a pour objectif de soutenir l’action des autorités des États membres (polices, douanes, services de l’immigration) et leur coopération mutuelle contre la criminalité et le terrorisme.

Pensé dès 1990 avec le traité de Maastricht, l’accouchement est laborieux. D’abord convention puis décision, il forme ensuite un précipité administratif avec Eurojust en 2002 et le CEPOL (le Collège européen de police) en 2005 pour aboutir enfin à quelque chose d’opératoire (ou supposé tel !), le 6 avril 2009.

Les attentats de Madrid de 2004 et ceux de Londres de 2005 ne sont pas étrangers à l’accélération des choses ; ceux de Paris en 2015 ont confirmé la nécessité d’une collaboration autour de trois axes : le renseignement, la lutte contre les combattants étrangers, et celle contre la radicalisation.

Au service de ces objectifs, certes louables, l’imagination technocratique va alors débrider toute sa créativité. Le 25 janvier 2016, l’agence inaugure son Centre européen de lutte contre le terrorisme (ECTC). Il intègre en juillet 2015 l’IRU (European Union Internet Referral Unit) chargé de centraliser les signalements de sites internet incitant au terrorisme et d’en évaluer la propagande. S’y ajoutent le TFTP (Terrorist Finance Tracking Program) pour la surveillance des flux financiers, le FIU.NET, réseau des cellules de renseignement financier (CRF) dont fait partie TRACFIN et le réseau européen des Bureaux de recouvrement des avoirs.

Certes il existait déjà depuis 1989 le Gafi (Groupe d’action financière) contre le blanchiment, mais pourquoi se priver de réinventer ce qui existe déjà quand on peut dépenser sans compter ?

Autre axe : les combattants étrangers, ceux convertis qui veulent aller casser du koufir en Syrie, ceux qui en reviennent et ceux qui se glissent parmi les réfugiés (souvenons-nous du mépris du ministre pour ces prétendus fantasmes, lorsqu’il déclarait sans rire : « Quand on fait une demande d’asile, on laisse nécessairement ses empreintes, on se fait photographier. Si une personne est signalée pour radicalisme, c’est non : elle n’obtiendra pas le statut de réfugié et pourra même être expulsée »… Ah, mais !),

La première mesure prise en février 2015 consiste à contrôler systématiquement les ressortissants européens repérés au moyen d’indicateurs de risques. Reste à s’accorder sur ces indicateurs. Si le port ostensible d’une kalachnikov en est un critère assez partagé, on sait aussi que pour la France l’absence de nudité sur les plages en est un autre. Mais pour nos voisins ? Et pour les barbes ? La deuxième mesure qui date de décembre 2015, s’efforce d’effectuer un contrôle systématique des ressortissants européens.

Le moyen ? Un vieux truc de police : les fichiers. Et une énième structure : le Système d’information Schengen. Couplé à la base de données d’Interpol, le SLTD (Stolen and Lost Travel Documents Database), il doit repérer les documents de voyage volés ou contrefaits. En principe… En réalité une passoire !

Reste le dernier axe, la prévention et la guérison (!) de la radicalisation. Le droit qui prétend avoir réponse à tout, se heurte ici à la psychologie et à ses incertitudes confronté à une religion qui elle, n’en manque pas, mais reste assez déconcertante à la lumière de nos valeurs.

Pour le coup, les euro-juro-technocrates balbutient. Ils ont donc fait comme d’habitude en créant encore une structure : le RAN (Radicalisation Awereness Network), qui s’auto définit comme « centre of excellence », lui-même composé de sous-réseaux thématiques, le tout cogitant en matière de lutte contre la radicalisation. Dommage que la production de ces brillants experts reste confidentielle, sinon dans le rapport d’Éric Ciotti de 2015 dont les préconisations restent à mettre en œuvre.

Ne manque plus qu’un organisme coordonnant la coordination. Tiens par exemple, un guichet unique ! Face au terrorisme, on ne peut évidemment pas se passer d’une réponse qui soit aussi commune et européenne, mais les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles sont venus malheureusement nous rappeler que la multiplication des machins, ne les rend pas plus efficaces et que les failles en matière d’échange de renseignements sont encore à colmater.

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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

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