L’Union Européenne à la recherche de l’inflation perdue
Depuis quelques jours, Mario Draghi a fait passer le taux directeur de refinancement de la BCE de 0,05 à 0 %.
Tous les plus de trente ans se souviennent que l’inflation, jusqu’en 1985, était présentée comme le fléau économique par excellence. La politique monétaire de l’UE fut bâtie sur l’idée qu’il fallait à tout prix éviter les facilités monétaires et qu’il ne fut plus possible, en bref, de permettre aux français d’emprunter aux Français.
Mieux encore, la BCE fut construite sur le modèle de la BUBA (Bundesbank) allemande, indépendante des pouvoirs publics ; ce, afin de se soustraire à la tentation des facilités monétaires génératrice d’inflation. Et patatras ! Voila que cette politique de désinflation porta à ce point ses fruits que le mauvais génie inflationniste des États fut anéanti, le règne de l’euro pouvait commencer. Sauf que, sous la protection de celui-ci, les mêmes États s’endettèrent ; son prestige aidant, il provoqua du déficit public. Ainsi les deux piliers de la théorie dominante, le keynésianisme, se trouvent infirmés, la politique budgétaire crée des déficits et la politique monétaire (QE) crée des bulles spéculatives qui, toutes deux ne font pas repartir la croissance, le tout aggravé par la mondialisation.
Insurmontables contradictions de la politique économique européenne.
Donc l’inflation c’est bon, nous dit-on. Mais nous avons des institutions créés contre un mal qui a disparu… et violées pour lutter contre son contraire. Nous sommes dans la logique du pharmacos grec. Remède et poison, la désinflation fut un remède à l’inflation et l’inflation est un remède à la déflation, le moins que l’on puise dire est que le médecin européen ressemble fortement à ceux de Molière et que la crédibilité de la BCE est compromise. L’UE est en faillite économique, mais aussi intellectuelle dans ce qui constituait le champ privilégié de ses compétences, la monnaie !
Les délices perdus de l’inflation
En réalité, l’inflation n’est pas seulement la croissance de la masse monétaire, comme le prouve d’ailleurs la situation d’aujourd’hui ou le QE n’en produit pas. L’inflation est un phénomène de course prix/salaires typique des années 60-70. Mais dès lors que les dirigeants politiques ont accepté la mondialisation, ils ont accepté l’hyper concurrence et l’ouverture inconsidérée des frontières, facteur de la chute des prix et de la stagnation des salaires. Et voila pourquoi M. Draghi a peu de chances de voir revenir l’inflation : on ne peut vouloir le beurre de l’inflation et l’argent du beurre de la mondialisation.
L’Europe est donc gagnée par un reflexe déflationniste à savoir que les prix baissent parce que les agents économiques attendent qu’ils baissent encore. Pendant ce temps, on n’achète pas et l’on n’embauche pas.
Quid du déposant lambda en situation de taux négatifs ?
En bonne logique, tous les épargnants sont pénalisés par l’inflation qui ronge les rentes, c’est la fameuse euthanasie des rentiers (Keynes). Avec l’ampleur des dettes publiques, l’inflation aurait le grand avantage de les faire fondre et c’est la vraie raison de l’appétence de l’oligarchie européenne pour la hausse des prix. Mais les taux négatifs sont une punition pour les épargnants. La banque commerciale où vous avez votre compte devra-t-elle vous rendre moins que le dépôt initial avec le taux négatif ? L’épargne en France est d’environ 2 500 milliards d’euros totalement dépendants des taux directeurs fixés par la BCE, une spoliation tranquille !
Bref, voilà qui laisse mal augurer de l’UE qui a déjà démontré qu’elle était une chimère institutionnelle et économique. Maintenant qu’elle touche au portefeuille, cela peut constituer une claire raison d’en finir avec l’oligarchie eurocratique.