Le krach est en marche
La politique financière imposée par la FED, la BCE, la BoE et la BoJ, qui est caractérisée par des injections massives de capitaux à taux nuls ou négatifs, est une mauvaise option. Les taux zéro encouragent les entrepreneurs à racheter leurs actions et à faire de la croissance externe en s’endettant, mais ils ne les incitent pas à investir, à augmenter leur capacité de production ou leur productivité. Ces taux permettent la survie artificielle de sociétés qui auraient disparu avec des taux « normaux » et empêchent de surcroît l’éclosion de leurs remplaçantes naturelles.
La morosité économique persistante depuis le milieu de 2015, année de la plus mauvaise croissance depuis 2009, qui semblait ne toucher qu’une partie du monde, s’étend maintenant à la totalité des pays tant développés qu’émergents, comme le Brésil, la Russie ou la Chine. L’économie américaine reconnue pour le dynamisme de sa main-d’œuvre, sa capacité d’innover et sa mentalité entrepreneuriale s’essouffle à redémarrer à cause de la faiblesse des investissements industriels et commerciaux, de la vigueur du dollar et de l’incapacité de la FED à soutenir une économie par une politique monétaire laxiste. La dette publique des USA s’élève à 19 530 milliards de dollars actuellement et personne ne semble s’alarmer de cette bombe à retardement.
Les yeux rivés sur une croissance plus faible qu’espérée, qui devrait tourner autour des 3 % (avec 2 % pour les économies occidentales et près de 5 % pour les pays émergents), les grands argentiers de ce monde sont incapables d’insuffler de la vigueur à l’économie. Les politiques de baisse des taux s’avèrent inefficaces, voire dangereuses. En effet, les acteurs économiques comme les ménages et les entreprises n’augmentent ni leur consommation, ni leurs investissements. Les liquidités monétaires inondent les marchés et provoquent des distorsions et des bulles spéculatives : une hausse des actifs boursiers sans rapport avec la réalité économique et des taux d’intérêt négatifs jusqu’à 15 ans pour de nombreux emprunts d’États (allemands, hollandais, belges, français…). Les investisseurs institutionnels, que ce soit les assureurs ou les fonds de pension, se trouvent pris entre le marteau et l’enclume. La réglementation les oblige à acheter des obligations d’État, pour lesquelles ils paient un intérêt, avec le risque substantiel de voir leurs actifs se déprécier fortement dans le cas d’une hausse des taux longs. Il s’agit clairement d’une bulle spéculative qui en cas d’explosion mettrait les compagnies d’assurances en grande difficulté et certaines même en faillite.
Les Banksters se font du mouron
Les banques n’existent plus que par leur nom et l’on peut se demander quel est actuellement leur rôle dans l’économie. D’un point de vue conjoncturel, depuis près de 10 ans, la baisse graduelle et constante des taux ne leur permet plus de dégager une marge d’intermédiation suffisante pour être rentable. Leur métier de base a été saboté par les banques centrales, sans susciter une trop grande véhémence de la part des institutions bancaires, car elles tiraient une grosse partie de leurs revenus des marchés financiers. La réglementation a pratiquement réduit à zéro cette source de revenus, les poussant à prendre plus de risques. Le cas de la Deutsche Bank en est le parfait exemple. Cette banque « universelle » offre des services financiers à toutes les entités tant physiques que morales à travers le monde. C’est la plus importante banque dans l’économie la plus puissante d’Europe et une institution appelée « systémique » par les autorités de contrôle, c’est-à-dire que sa faillite entraînerait l’écroulement du système financier mondial. En janvier 2016, la Deutsche Bank avait annoncé une perte de 6,8 milliards d’euros pour l’année 2015. L’exposition de la Deutsche Bank sur les produits dérivés est estimée à 50 000 milliards d’euros. Cette exposition de la DB sur les produits dérivés est 16 fois plus importante que le PIB de l’Allemagne… il va sans dire que la déconfiture d’un tel établissement aura des répercussions dans votre assiette. Mais que font les responsables politiques ? Et pourquoi ne prennent-ils aucune mesure envers le « shadow banking », cette Finance de l’ombre, véritable système spéculatif qui repose sur la base de prêts extrêmement risqués aux entreprises ? Le Conseil de Stabilité Financière, organe du G20, a calculé que cette Finance de l’ombre pèse 75 000 milliards de dollars…
Pour sa part la banque italienne Monte dei Paschi di Siena s’enfonce dans le gouffre et son action le 20 septembre 2016 se trouve à un plus bas historique à 0,19 €, ayant perdu 84 % de sa valeur depuis le 1er janvier 2016.
Il est de notoriété publique que beaucoup trop de fonds de pensions européens et mondiaux sont incapables de faire face à leurs obligations par rapport à leurs bénéficiaires. La responsabilité des autorités de surveillance et de contrôle est d’ores et déjà clairement engagée avec le soutien des gouvernements. Il ne faudra pas dire « on ne savait pas » ! Il existe des mesures à prendre qui nécessitent du courage, valeur rare parmi les décideurs. Les gestionnaires de fonds, encore appelés « asset managers », sont également dans une position délicate, coincés entre leurs obligations fiduciaires, les contraintes réglementaires et leurs objectifs commerciaux. Les signaux clairs envoyés par les gestionnaires de fonds concernant la liquidité des marchés obligataires, tant vers leurs clients que vers les autorités de contrôle, semblent ignorés. En tout cas tout le monde reste campé sur ses positions : velléité et pusillanimité sont des caractéristiques communes à la grande majorité des intervenants financiers.
BYE-BYE Britannia!
Heureusement, les marchés obligataires poursuivent leur montée inouïe sous l’impulsion du Brexit, favorisant les détenteurs d’obligations d’États souverains. Les mouvements brutaux des marchés financiers ne sont que la traduction des évènements et traduisent la surprise. Cependant, bien que l’économie britannique soit solidement imbriquée dans celle de l’Union Européenne, puisque plus de 40 % des exportations britanniques sont achetées par l’Union Européenne, rien de significatif ne devrait perturber ces échanges.
La livre sterling venant de chuter de 10 % par rapport à l’euro, cela devrait même permettre à la Grande-Bretagne d’accroître ses exportations. Par ailleurs, les biens exportés par l’Europe vers la Grande-Bretagne ne seront pénalisés que partiellement ; ceux à forte valeur ajoutée ne pâtiront pas de la faiblesse du sterling, à l’instar des biens exportés par l’Allemagne ; il faut se souvenir que malgré un plus haut historique de l’euro en 2007 à 1,63 dollar, l’Allemagne présentait une balance commerciale excédentaire de 250 milliards, devant celle de la Chine !
Le climat se détériore dans l’Empire du Milieu
La menace du protectionnisme commercial n’est pas non plus à prendre à la légère. Le républicain Trump souhaite un retour à l’hégémonie américaine et accuse la Chine de manipuler sa monnaie. Le yuan a baissé par rapport au dollar, mais il s’est considérablement apprécié par rapport à la monnaie des autres partenaires commerciaux de la Chine. La balance commerciale de la Chine ne continue d’augmenter que parce que les importations diminuent encore plus vite en raison de la faiblesse de la demande intérieure. La croissance chinoise n’est plus que de 4.5 % en chiffre annualisé, soit au plus bas depuis des années. Mais c’est plus le manque de confiance dans les perspectives de la Chine qui frappe les esprits. Les investisseurs étrangers ont réduit leurs investissements ce qui s‘est traduit par des sorties massives de capitaux en 2015 et au début de cette année. En outre, les ménages chinois et les entreprises ont beaucoup investi en Bourse dont les performances restent très médiocres ces deux dernières années. La demande intérieure reste forte mais sans une augmentation substantielle du pouvoir d’achat. La richesse se concentre dans les mains de 50 millions de chinois laissant un grand nombre sur le pavé.
Malgré des hausses de salaires substantielles ces 3 dernières années, les conditions sociales des travailleurs chinois elles, n’ont guère évolué : la protection du salarié est quasi inexistante, les conditions de travail sont effroyables, les camps de rééducation/concentration –les laogaïs– tournent à plein régime en fournissant une main-d’œuvre très bon marché. L’hypocrisie de nos dirigeants, avec l’assentiment des gens, laisse une dictature chinoise écraser son peuple d’esclaves au nom du libre-échange, tout en bombardant par ailleurs les populations civiles du Proche-Orient au prétexte de leur apporter une démocratie dont elles se moquent éperdument.
Dans la même veine, la volonté d’une clique d’eurocrates de soumettre les peuples européens à leurs diktats se trouve battue en brèche par la souveraineté du peuple britannique qui a pu, à tort ou à raison, s’exprimer. Quand la démocratie arrange les autocrates européens ils l’utilisent pour servir leurs intérêts partisans, mais quand la volonté du peuple heurte la leur, alors rien ne va plus… à l’exemple de cette déclaration de Bernard Henri Lévy sur Twitter : « Défaite probable du Brexit donc, des souverainistes, des xénophobes, des racistes. Reste maintenant à refonder l’Europe. »
Attendons de voir également les résultats de l’élection présidentielle aux Etats-Unis en novembre et aussi ceux de l’Autriche, le 4 décembre prochain, qui pourraient réserver des surprises et entraîner des répercussions dans la sphère bancaire et financière.
PS : ces derniers jours, les taux d’intérêt négatif concernant plus de 1 000 milliards de dollars en obligations à long terme sont passés à des taux positifs, telles les obligations allemandes à 10 ans et les obligations japonaises à 30 ans. C’est un changement colossal et, s’il se poursuit, les conséquences pour les États qui se sont fortement endettés seront financièrement catastrophiques.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.