par Francis Bergeron.
L’Union européenne (Britanniques compris, pour la dernière fois, sans doute) a publié mardi plusieurs listes de pays qui ne respectent pas complètement ses règles du jeu fiscales. Il y a une « liste grise » et une « liste noire », et même une liste de paradis fiscaux dévastés par l’ouragan de la fin de l’été, et qu’il paraît difficile de sanctionner. L’exercice était difficile, on le comprend bien.
Par ailleurs, les trois critères qui justifient, aux yeux de l’Union européenne, de mettre des pays sur une « liste noire » ne sont pas vraiment respectés par certains pays dont le poids politique est tel qu’ils ne peuvent y figurer. Par exemple les Etats-Unis, qui ne pratiquent pas l’échange automatique d’informations fiscales. Et d’autres pays, membres de l’Union européenne, ne sont pas non plus dans les clous, alors que leur appartenance à l’Union européenne est censée garantir qu’ils respectent déjà ces trois critères : Malte, l’Irlande, le Luxembourg.
C’est dire si l’établissement de ces listes noires et grise a obéi à des critères souvent plus politiques qu’objectifs. Et d’ailleurs les tractations pour y inclure ou en exclure tel ou tel pays ont été compliquées, ceci jusqu’à la dernière minute.
Les critères utilisés pour dresser la liste noire sont d’ailleurs sujets à caution, ou au moins à interprétations, ce qui n’a pas facilité les choses :
- L’échange automatique d’informations : mais ces échanges peuvent aller de la transparence absolue jusqu’à l’information limitée, voire biaisée ;
- L’équité fiscale face aux sociétés offshore (sociétés écrans) ; mais la notion de société offshore est-elle une notion objective ?
- La lutte contre l’optimisation fiscale agressive. Mais qu’est-ce qu’une optimisation fiscale agressive ? L’optimisation fiscale n’est pas une fraude fiscale et n’est pas illégale. On ne voit pas au nom de quoi l’interdire. Tout contribuable de base recherche des optimisations fiscales et y est éventuellement encouragé par la politique fiscale de son pays.
Sanction de portée symbolique
La liste noire des dix-sept paradis fiscaux a donc finalement été publiée. Elle comporte des micro-Etats, quelques monarchies pétrolières (Bahreïn, Emirats Arabes Unis), mais aussi la Mongolie, la Corée du Sud, la Namibie ou… la Tunisie.
Que va-t-il se passer pour ces pays ? Rien, sans doute. Les Etats européens ne sont pas d’accord entre eux sur l’importance, voire l’existence même de sanctions. La principale sanction sera symbolique : la stigmatisation de ces pays par leur présence sur cette liste.
Mais dix-sept pays dans le « camp du mal », c’est déjà beaucoup. Et cette liste pourrait s’allonger de pays actuellement sur la liste grise, comme le Maroc, le Cap Vert, etc. (une quarantaine de pays, en fait), et aussi des îles des Caraïbes, ruinées par l’ouragan de cet été, qui doivent se réformer d’ici février.
Jusqu’à présent l’Union européenne ne s’était attaquée qu’aux cas les plus simples comme la Suisse, avec à la clé beaucoup de redressements fiscaux dans les classes moyennes et supérieures. Mais en ce qui concerne les grandes fortunes mondiales, le capital anonyme et vagabond, dont parlait Henry Coston, il n’y a encore pas trop de soucis à se faire.
Article paru dans les colonnes du quotidien Présent.
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