Alerte rouge sur la banque verte
Le récit d’Ida de Chavagnac, Alerte rouge sur la banque verte (Éditions L’Æncre) est intéressant à plus d’un titre. C’est l’illustration d’un monde où la dimension humaine a progressivement disparu.
Ce livre ne raconte pas le combat personnel d’une personne licenciée, il décrit les « joies » d’un monde financier au sein duquel le mot régulation a perdu tout sens et toute valeur. La liste des dysfonctionnements dressée dans cet ouvrage a véritablement de quoi faire peur.
Le récit témoigne également d’une grande moralité. Si Ida de Chavagnac se bat, ce n’est pas pour empocher un chèque qu’elle aurait pu obtenir très facilement, c’est pour voir la vérité triompher. Vouloir être lanceur d’alerte au sein du milieu bancaire est un chemin semé de multiples embûches. Ida de Chavagnac vous raconte ce chemin et les modifications qu’elle a observé dans un métier qui pourtant l’a passionné.
Être contrôleur de risque dans un établissement financier, c’est s’assurer de la longévité de son entreprise. On saisit à vous lire que, dorénavant, c’est surtout être un trouble fête. Pourriez vous expliquer à nos lecteurs ce métier qui était le votre et ce qu’il est devenu ?
L’ensemble de la réglementation bancaire a deux objectifs :
- éviter que la banque prenne des risques inconsidérés et mette en danger la pérennité de la banque et les économies déposées par les millions d’épargnants,
- imposer une exigence des banques vis-à-vis des sociétés avec lesquelles elles travaillent afin de lutter contre les flux illicites.
Appliquer consciencieusement la réglementation bancaire consiste donc à maintenir une certaine morale dans une banque en défendant les intérêts des épargnants, et en luttant contre le blanchiment. Mais cette politique prudente force la banque à refuser des opérations financières trop risquées qui auraient pu s’avérer très lucratives. Donc le respect de la réglementation bancaire conduit inéluctablement vers des profits moins importants.
Donc, en 20 ans, la course à l’argent a renversé le rapport de forces. Alors qu’il y a 20 ans, les contrôleurs des risques étaient respectés parce qu’ils incarnaient la morale de la banque, aujourd’hui les seniors bankers croulant sous des bonus exorbitants, et les traders sans foi ni loi capable de tout pour augmenter leur rémunération variable sont devenus les princes de nos banques.
Et les services de risques sont devenus des chambres d’enregistrement incapables d’oser s’opposer à certaines opérations trop risquées.
Les pratiques illégales et immorales sont légions dans votre livre. Votre supérieur hiérarchique vous reproche d’être d’un ancien monde. Quelle est la réalité de ce nouveau monde bancaire ?
Ce nouveau monde bancaire est celui de l’argent facile et de l’argent roi. Tous les dérapages et toutes les infractions peuvent se justifier au nom du « développement du business ». Ce nouveau monde laisse la porte ouverte à des méthodes de corruption. Le salarié de base comprend très vite aux quelles règles il va devoir se plier. Il est alors face à ce que l’on appelle un conflit éthique, qui peut être plus ou moins conscient.
Celui qui ose résister et qui veut rester fidèle à sa conscience, sait qu’il est l’empêcheur de tourner en rond. Il est sous l’emprise de la peur car il sait qu’on se débrouillera toujours pour s’en débarrasser. Donc il cède aux pressions. Mais on ne peut pas infiniment tordre la conscience des gens.
Vous lancez dans votre livre un appel à la résistance. Une résistance du quotidien et de combat pour des salariés qui constatent des anomalies légales notamment. Quel message ou conseil auriez-vous pour un salarié qui constate des opérations frauduleuses de la part de ses collègues ou responsables ?
J’appelle à la résistance car je pense que si tout le monde utilisait sa petite marge de manœuvre pour résister à des injonctions qui lui semble contraire à son étique, le monde professionnel serait considérablement meilleur. Les avancées de la corruption en France sont dues à ces miliers de laisser faire de ceux qui pensent qu’ils n’ont pas les moyens de résister.
Si un salarié constate de véritables opérations frauduleuses, je lui conseille d’alerter sa hiérarchie comme je l’ai fait, c.a.d. de façon progressive, transparente, respectueuse, désintéressée et déterminée. Moi je me suis fait licenciée pour cela. Mais ce licenciement était totalement illégal. Toutes les sociétés et toutes les hiérarchies n’oseront pas toujours procédé d’une telle manière. Je donne dans mon livre Alerte rouge sur la banque verte tous les conseils pour ne pas tomber dans les pièges qu’on vous tend quand on alerte. Un des objectifs de mon témoignage est d’aider ceux qui sont prêts à alerter mais se sentent bien démunis face à la puissance de leurs adversaires. Moi, je crois à la victoire de David contre Goliath.
Comment nos lecteurs peuvent vous aider dans ce combat contre le Crédit Agricole et pour la moralisation de la finance en général ?
Vos lecteurs, s’ils sont clients du Crédit Agricole, peuvent m’aider pour lutter contre ces faits de corruption constatés chez Crédit Agricole CIB en demandant tout simplement à leur directeur d’agence des explications sur les faits que je dénonce. Le Crédit Agricole n’a jamais nié aucun de ces faits. C’est donc qu’ils sont vrais. Alors pourquoi ne change-t-il rien ?
En général, vos lecteurs peuvent m’aider à moraliser la finance et à lutter contre ces nouvelles formes de corruption, en donnant mon livre à leurs proches. Tous les français sont soit client du Crédit Agricole, soit ont un proche qui travaille dans une banque. Nous sommes donc tous concernés. Le monde bancaire est un univers opaque auquel les français ne peuvent rien comprendre. On sait juste que la finance a la main dans le porte monnaie, et que c’est elle qui nous dirige. Il est temps d’avoir un œil dessus ! ! !
Article paru sur le site ParisVox.
Alerte rouge sur la banque verte, Ida de Chavagnac, Éditions de L’Æncre, collection « Patrimoine des religions », dirigée par Philippe Randa, 204 pages, 21 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.