7 octobre 2013

Rock, anges musiciens et nasheeds

Par Thierry Bouzard

Le rock est critiqué dès ses débuts pour son influence délétère sur la jeunesse, il faut attendre le livre du Père Regimbal pour en démontrer les effets. Il met en évidence des messages subliminaux dans les enregistrements comme dans les paroles des chansons ainsi que des références satanistes. Il dénonce aussi des rythmes, un beat, calculés pour produire un effet sur l’organisme. Conjugué avec des lumières stroboscopiques, il y voit un moyen d’affaisser les barrières du jugement moral et parle alors de « viol de la conscience ». Mais il précise « qu’il n’existe pas de musique intrinsèquement mauvaise. Ce n’est donc pas la musique rythmée et syncopée qui est ici en cause, mais bien l’utilisation qui en est faite par les promoteurs de cette révolution socio-culturelle. »[1] Sans parler de musique infernale, l’abbé Labouche a dénoncé plus récemment le rock en le mettant en parallèle avec la « musique dite classique ». Il lui donne une définition très extensive : « Nous désignons par “musique rock” celle qu’écoutent les jeunes en général depuis environ 1950 à nos jours. »[2]

Si nous regardons les textes décrivant l’enfer, il n’est pas mentionné de musique dans les visions de sainte Thérèse d’Avila ni chez le Padre Pio ni dans la description de sœur Lucie de Fatima qui parle seulement dans ses Mémoires « des cris et des gémissements de douleur et de désespoir ». Le cinquième exercice des Exercices spirituels de saint Ignace est consacré à la méditation de l’enfer et commence par son évocation à travers les cinq sens : « Dans le deuxième point, j’entendrai, à l’aide de l’imagination, les gémissements, les cris, les clameurs, les blasphèmes contre Jésus-Christ Notre Seigneur et contre tous les saints. »[3] Ainsi contrairement aux anges qui sont parfois représentés avec des instruments de musique, il n’y a jamais de démons musiciens.

À Guantanamo, les prisonniers de l’armée américaine ont été torturés avec de la chanson pour enfants, du Britney Spears, et surtout du hard rock et du heavy metal. Plus que le style musical, c’est la puissance (120 décibels) et la durée (16 à 20 h sans interruption) qui permet de briser psychologiquement les détenus. La musique est utilisée ici comme un outil de destruction, mais ces chansons n’ont pas été conçues pour ça. Dans leurs camps de concentration, les Allemands faisaient entendre Wagner et Strauss pour distraire les prisonniers. Dernièrement, les islamistes de Daech se sont mis à détruire les instruments de musique, semblant même vouloir s’en prendre aux musiques traditionnelles arabes. Pourtant ils diffusent des nasheeds, chansons de propagandes aux harmonisations envoûtantes accompagnées de musique électronique et non instrumentale, contournant ainsi l’interdit qu’ils veulent imposer. Conçues avec des logiciels musicaux, de type Autotune, elles reprennent les mêmes techniques de conception que les grands titres de la chanson anglo-saxonne mondialisée : voix tellement retravaillées qu’elles ne doivent plus rien à l’interprète, accompagnement avec des instruments numériques et diffusion par internet. L’objectif est similaire : séduire le plus grand nombre par la musique.

Les musiques sacrées utilisées pour le culte sont destinées à élever l’esprit. Les cantiques dans les processions ont plutôt un rôle d’apostolat. Les chansons traditionnelles se classent en de multiples genres (berceuses, chansons de métier, à boire, noëls, …) aux influences croisées. Au Moyen Âge, les goliards créent des chansons satiriques en détournant des cantiques latins et sont plusieurs fois condamnés par l’Eglise. Saint Louis-Marie Grignion de Montfort écrivait ses cantiques sur des airs populaires et la chanson traditionnelle a souvent emprunté des airs grégoriens. Ainsi la musique la plus populaire peut faire bon ménage avec la musique sacrée, tout dépend des conditions d’emploi. (à suivre)

Pour en savoir plus : Des Chansons contre la pensée unique,Thierry Bouzard, édition des cimes, 2014, 332 pages.

Notes

[1] Père Jean-Paul Regimbal, Le Rock’n’roll, viol de la conscience par les messages subliminaux, édition Croisade, Genève, 1983, p. 5.

[2] Abbé Bertrand Labouche, Bach ou Pink Floyd ? Editions du Sel, 2009, p. 3.

[3] Livre de prières, de cantiques et d’exercices spirituels, éditions Fideliter, 1992, p. 329.

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