La défaite en chantant
La tentative de François Ier de se faire couronner empereur avait quelque peu irrité Charles Quint, qui avait résolu de récupérer la Bourgogne. Le conflit s’éternisait depuis 1521, la France conquit une nouvelle fois le Milanais et le perdit de nouveau en 1522. En 1523, s’estimant mal traité par la reine mère (qui s’employait à lui chiper le Bourbonnais), le connétable de Bourbon passa au service de l’empereur. Toutefois, il fut repoussé devant Marseille. Le conflit aurait pu s’arrêter là : la France n’était plus menacée et l’Europe presque entière était hostile au roi de France.
Mais le duc de Bourbon s’était replié en Italie. Il n’en fallait pas plus pour attirer les yeux pleins d’amour (et de convoitise) de François Ier vers le riche Milanais. Il repassa donc les Alpes et mit le siège devant Pavie, où il fut attaqué par le connétable de Bourbon et le comte de Lannoy.
C’est en 1524 que Bayard fut tué d’un coup d’arquebuse. Symbole de la fin du temps des chevaliers. Mais notre don Quichotte couronné ne semble pas s’en être aperçu. L’excellente artillerie française était sur le point d’assurer la victoire, quand il s’avisa que la plaine qui s’étendait devant lui était le terrain idéal d’une belle charge de cavalerie. Il fit taire les bouches à feu et s’élança la plume au vent, avant de s’embourber dans le terrain détrempé, sous le tir nourri des arquebusiers espagnols. La bataille ne dura qu’une heure. Huit mille chevaliers périrent (sur une armée de moins de 20 000 hommes) et le roi fut fait prisonnier. Mécontent de son sort, mais content de lui, il écrivit à sa mère : « De toutes choses ne m’est demeuré que l’honneur et ma vie qui est sauve. »
François Ier resta deux ans prisonnier, et finit par signer le traité de Madrid, par lequel il renonçait à toute prétention en Italie et restituait le duché de Bourgogne et ses dépendances. Rentré en France en 1527, il refusa d’exécuter le traité et la guerre reprit.
Deux nouvelles armées françaises furent anéanties en Italie, mais la révolte des princes allemands et l’arrivée des Turcs aux portes de Vienne contraignirent l’empereur à signer la paix de Cambrai (1529). Cette fois, il renonçait sagement à la Bourgogne (dont les états avaient déclaré vouloir rester français) et le roi de France renouvelait son renoncement à l’Italie. Engagement qu’il ne respecta pas plus cette fois-ci que la précédente.
Pour préparer sa revanche, il chercha l’alliance des princes protestants de l’empire (1531), qui lui fournirent des reîtres et des lansquenets, mais aussi celle du sultan de Constantinople (1528), qui disposa même quelque temps d’une base à Toulon. Mais l’empire et le royaume de France avaient une frontière commune. Par conséquent, Vienne prise, la prochaine étape de Soliman aurait pu être Paris. D’autre part, comme l’alliance ottomane scandalisait la chrétienté, il fit épouser à son fils Catherine de Médicis, nièce du pape Clément VII. Il fit même entrer l’Angleterre dans la ligue de Cognac.
Et en 1536, il partit à la conquête de la Savoie et du Piémont. Cette fois, la guerre se termina par l’épuisement des belligérants et la paix blanche de Crépy (1544).
Les chroniques de Pierre de Laubier sur l’« Abominable histoire de France » sont diffusées chaque semaine dans l’émission « Synthèse » sur Radio Libertés.