Indépendance catalane : Puigdemont comme le général Boulanger !
(Propos recueillis par Guillaume Mansart)
Nicolas Gauthier, chroniqueur politique sur le site BVoltaire, est également sociétaire de l’émission « Bistrot Libertés » sur TVLibertés. Il intervient régulièrement sur RadioLibertés.
Le gouvernement catalan pour partie « en fuite », pour partie mis en examen et peut-être même emprisonné sous peu : l’indépendance de la Catalogne a-t-elle été étouffée dans l’œuf ?
C’est effectivement le moins qu’on puisse prétendre, tant l’équipée de Carles Puigdemont semble devoir autant aux généraux Alcazar et Boulanger. Lyrisme et improvisation pour le premier, la ganache golpiste de Tintin et Milou. Exil en Belgique – en attendant qu’il se suicide sur la tombe d’une maîtresse adorée – pour le second, autre putschiste éventuel au destin contrarié, connu pour être homme à fortes ambitions et faible caractère.
Mais la défaite de Carles Puigdemont ne signifie pas pour autant la victoire de Mariano Rajoy, le Premier ministre espagnol. Ce n’est pas la victoire de l’État-nation, héritier du jacobinisme franquiste contre la revendication indépendantiste d’une historique province, sachant qu’il n’y a pas eu de véritable débat de fond sur la question. D’ailleurs, aurait-il eu lieu qu’il n’aurait probablement pas été posé dans les bons termes : la rhétorique opposant colbertisme et régionalisme n’est plus véritablement de mise, tant les véritables pouvoirs se situent désormais ailleurs.
Compte tenu de cette redistribution des cartes, les deux véritables gagnants sont aujourd’hui les sphères européistes et économiques.
Certes, les uns appellent depuis longtemps de leurs vœux une Europe des régions, calquée sur le modèle des landers allemands. Pour autant, pousser plus loin cette logique équivaudrait à diriger une Europe à près de cent drapeaux, concept certes fort séduisant chez des poètes égarés en politique, tel le défunt et regretté historien Jean Mabire, mais dont l’application pratique demeure des plus aléatoires, pour ne pas dire parfaitement irréaliste dans le contexte actuel. Bruxelles peine à gouverner vingt-sept pays ; comment faire de même de quatre fois plus d’entités aux contours souvent des plus flous, oscillant entre revendications territoriales, linguistiques, ethniques et culturelles ?
Paradoxalement, c’est donc la technocratie européenne supranationale qui est venue au secours de ces États-nations qu’elle contribuait à détricoter depuis des décennies. Quelle ironie…
Quant aux autres, les milieux économiques et financiers mondialisés, ils ont eu tôt fait de siffler la fin de la récréation en délocalisant plus d’un millier de sièges sociaux de Barcelone à Madrid. Pareille mésaventure est arrivée au Québec, lors de ses velléités d’indépendance : les mêmes sociétés ont illico rapatrié leurs pénates de Montréal à Ottawa et Toronto. Lorsque de telles forces se mêlent de la partie, celle-là est déjà jouée d’avance. Et Carles Puigdemont l’a tout simplement perdue parce qu’il ne pouvait la gagner.
De Bruxelles, les déclarations de Carles Puigdemont, président déchu de la Généralité de Catalogne, peuvent-elles encore retourner l’opinion publique – catalane, mais aussi européenne – en faveur des revendications indépendantistes… ou tout au moins « plomber » le gouvernement de Mariano Rajoy ?
Ce n’est pas à nos lecteurs que l’on apprendra que les « opinions publiques » ne changent le cours de l’histoire qu’à la marge, ou alors en cas de crise grave, ce qui n’est pas là le cas, quand l’État ne « peut » plus et que le peuple ne « veut » plus… C’est encore plus vrai pour le dossier de la Catalogne, et ce pour au moins trois raisons.
La première : malgré les maladresses des gouvernants madrilènes et catalans, leurs respectives manifestations de rue, cette même « opinion publique » se divise en deux camps de taille à peu près égale.
La deuxième : aucun mouvement de ce type ne peut espérer l’emporter sans de puissants appuis extérieurs. Dans la foulée des instances européennes, toutes les capitales de l’UE ont immédiatement signifié leur soutien au gouvernement légal de l’Espagne. Certes, « légal » ne signifie pas forcément « légitime », la nuance peut être de taille, puisque recouvrant deux notions bien distinctes. De plus, si les partis indépendantistes estimaient avoir encore une chance de faire valoir leurs vues, ils ne se seraient pas éparpillés de crainte de devoir rendre des comptes à la justice de ce qui demeure leurs pays. En quelque sorte, ils ont tranché la question avec leurs pieds. Durant la Guerre d’Espagne, alors qu’ils s’opposaient aux troupes du général Franco, c’est au coutelas que les Catalans la tranchaient, cette même question.
La troisième est d’ordre plus trivial : tout le monde ou presque, dans ces mêmes « opinions publiques », se moque peu ou prou de l’indépendance de la Catalogne. C’est sûrement triste et regrettable, mais c’est ainsi.
Et si les nouvelles élections prévues en décembre en Catalogne redonnaient la majorité aux indépendantistes ? Serait-il encore possible de ne pas tenir compte du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou du droit à l’autodétermination ?
Que les indépendantistes catalans reviennent en force dans les urnes à la faveur d’une prochaine et éventuelle consultation n’a bien sûr rien d’impossible. Mais qui consulter ? Uniquement les Catalans ? Les autres Espagnols vivant en Catalogne ? Les Catalans résidant ailleurs qu’en Catalogne ? L’ensemble des Espagnols ? Si d’aventure cela survenait, la revendication serait évidemment « légitime ». En serait-elle ensuite tenue pour « légale » ? C’est une autre histoire. À ce sujet, il serait intéressant de poser la question aux Palestiniens. Leurs réponses seraient des plus instructives, eux qui connaissent le dossier mieux que quiconque et savent que « légitimité » n’équivaut pas à « légalité »…
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