Penser une autre Europe
(Propos recueillis par Thierry Durolle)
Georges Feltin-Tracol vient de paraître un nouvel ouvrage, véritable plaidoyer en faveur d’une autre organisation géopolitique européenne, L’Europe, pas le monde. Un appel à la lucidité (Éditions du Lore, 2017, 224 p., 25 euros). Rencontre avec un iconoclaste qui rejette aussi bien le nationalisme que le mondialisme.
L’Europe représente-t-elle vraiment une réponse au mondialisme ?
Ses nombreux détracteurs considèrent le projet européen comme l’avant-dernière étape avant l’établissement final d’un État mondial post-historique et franchement utopique. Ils n’ont pas tort. Ils oublient cependant que les origines intellectuelles de ce projet plongent autant dans les cénacles mondialistes que dans des mouvances plus politiquement incorrectes. L’historien Antonin Cohen le démontre fort bien dans son essai De Vichy à la Communauté européenne (PUF, 2012) où on y croise dans le sillage de Jean Monnet l’atlantiste-mondialiste d’anciens partisans de la Révolution nationale…
Quels sont d’après vous les avantages d’un fédéralisme européen ?
Le fédéralisme européen n’est viable que s’il respecte le principe fondamental de la subsidiarité, c’est-à-dire une fédéralisation continentale (Europe) mais aussi une fédéralisation conjointe des régions, des provinces, des professions, des métiers, de la vie quotidienne, etc. Il s’agit de susciter l’émergence d’États à différentes échelles (États régionaux, voire États communaux, États nationaux, État européen supranational).
Attention ! Je ne conçois pas le fédéralisme comme un « édredon » politique. Le fédéralisme n’exclut pas le conflit, mais l’intègre plutôt dans une démarche agonale. Permanents entre l’État fédéral et les États fédérés, les contentieux sont tranchés par le droit et les instances judiciaires. Le fédéralisme accepte au nom de son unité politique intrinsèque la plus large diversité des langues, des cultures, des peuples, des mémoires, des histoires.
Que pensez-vous du cas catalan et des séparatismes intra-européens ?
Le fédéralisme pourrait régler le cas catalan en soutenant en même temps et dans une logique non-aristotélicienne propre au « tiers inclus » une Espagne fédéralisée associée à une Catalogne elle-même fédéralisée, car le Val d’Aran est de langue occitane, le tout lui-même intégré dans un ensemble politique européen.
Les protagonistes de la crise actuelle tant catalans qu’espagnols auraient tout intérêt à se pencher sur les exemples d’autonomie interne peu connus du Tyrol du Sud – Trentin – Haut-Adige (Italie du Nord) ou de l’archipel finlandais des Aaland en mer Baltique.
Qu’il soit national ou « régional », le séparatisme empêche toute avancée réelle vers une Europe de la puissance et des identités plus que jamais indispensable.
Qu’est-ce pour vous être européen ?
Je réponds dans L’Europe, pas le monde à cette question. Pour faire simple, être européen, c’est appartenir à un ensemble ethnique et génétique spécifique. C’est aussi se revendiquer héritier du Parthénon, du Colisée, des sagas vikings, des légendes germaniques, des mythes celtiques, des récits slaves, des églises romanes, gothiques, baroques, classiques, de l’invention du cinématographe au programme spatial Ariane. Être européen, c’est le goût inextinguible d’aller toujours de l’avant sans se cantonner dans une pesanteur atavique muséale.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.