12 octobre 2017

L’Opinion publique, si vous saviez ce que j’en pense…

Par Euro Libertes

En parcourant tout à fait incidemment Le Figaro, je découvre que, selon un sondage, 64 % des Français se disent favorables à la procréation médicalement assistée. Je n’irai pas jusqu’à dire que cela me fait un bel utérus, mais une belle jambe certainement (encore que, de mon passé cycliste, il me reste des mollets présentables, j’ose l’avouer sans fausse modestie). Il ne s’agit pourtant pas pour moi de mettre en cause les méthodes des instituts spécialisés dans ce type d’opération, mais l’inconstance, la volatilité (et je suis aimable) de cette opinion publique qu’ils prétendent cerner.

C’est en fait ce vieil Édouard (Daladier) qui m’a mis la puce à l’oreille. Alors qu’il rentre de Munich et qu’une foule bruyante fait le pied de grue près de la piste d’atterrissage du Bourget, il s’attend à être hué pour avoir lâché l’essentiel à l’oncle Adolf et ainsi grandement contribué à la mise en perce sinon en bière de l’Europe (l’Oktoberfest bavaroise remonte à des temps quasi immémoriaux). Or il se voit acclamé au titre de sauveur de la Paix. C’est ce qui le conduit à proférer cette exclamation devenue historique : « Ah ! les cons ! S’ils savaient ! »

Quelques accointances et deux caveaux de famille à Nancy m’ont aidé à mesurer les limites de la confiance à accorder aux élans populaires. Le 26 mai 1944 le maréchal Pétain est accueilli à l’hôtel de ville par une foule enthousiaste qui déborde largement la vaste place Stanislas. On parlera même d’une réception « maréchalissime ». Le 29 septembre 1944, le général de Gaulle est accueilli à l’hôtel de ville par une foule enthousiaste qui déborde largement une place Stanislas toujours aussi vaste. On aurait même pu parler de réception « généralissime », mais c’eut été inconvenant.

1944, 26 mai, visite de Pétain. La place Stanislas est toujours occupée par un vaste public. Pétain parle en tribune, du balcon. (http://www.jourdan.ens.fr/).

1944, 26 mai, visite de Pétain. La place Stanislas est toujours occupée par un vaste public. Pétain parle en tribune, du balcon. (http://www.jourdan.ens.fr/).

1944, 25 septembre, visite du général de Gaulle. Idem : il parle en tribune, du balcon. (http://www.jourdan.ens.fr/)

1944, 25 septembre, visite du général de Gaulle. Idem : il parle en tribune, du balcon. (http://www.jourdan.ens.fr/).

C’est ce même mouvement de population qui avait permis au cardinal Suhard, archevêque de Paris, d’affirmer que sa bonne ville comptait quatre millions d’habitants et non deux comme le prétendait le dernier recensement.

En effet, le 28 avril 1944, deux millions de Parisiens s’étaient pressés dans les rues de la capitale pour acclamer Pétain et le 26 août suivant deux millions de parisiens faisaient de même pour acclamer de Gaulle. CQFD, comme l’aurait souligné d’un trait de craie rageur, le professeur Cosinus.

Qui peut dès lors s’étonner que des esprits malveillants puissent traiter l’opinion publique de femelle au motif qu’elle est prête à se donner à n’importe qui, pour peu qu’elle se sente caressée dans le bon sens du poil. Pourquoi, pendant qu’ils y sont, ne pas la traiter de nymphomane ?

Le général de Gaulle, un précurseur en matière de communication et surtout un habile praticien des médias, avouait : « Pour presque tous les journalistes, l’opinion publique est sacro-sainte. Il faut caresser ses instincts les moins nobles, parfois les plus bas et surtout, ne pas les heurter pour ne pas l’avoir contre soi. En cela la majorité des journalistes ressemblent à la majorité des hommes politiques. »

Et de compléter le tableau par un aveu soulignant toute l’importance du savoir-faire dans l’art de la façonner, mais surtout celle des moyens mis à disposition pour l’appliquer : « Il est vrai qu’en 1946 j’avais beau avoir sauvé la France, je n’avais pas la télévision. »

Perdu dans de profondes réflexions sur les grandeurs et les servitudes de sa mission, lui qui se devait de veiller sans relâche sur cet immense troupeau de veaux aux comportements tellement folâtres, il se laissait aller à un rêve combien inaccessible : « Ah que la France serait belle sans les Français ! »

Opinion toute personnelle qui n’a rien de publique et qui n’engage que sa Grandeur.

Laissons donc aux instituts spécialisés le soin de sonder cette masse aussi mouvante que primesautière qu’est l’opinion.

Pour ma part, je replonge dans les pages de L’Équipe et me glisse dans les abysses, précisément insondables, dans lesquelles s’enfoncent le « sport-business » et son jumeau le « sport spectacle ». Vous ne voyez évidemment pas le rapport et pourtant… On sonde n’importe quoi et seulement ce que l’on peut !

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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

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