En 1986, le parti libéral autrichien FPÖ, héritier de la tradition nationale-libérale issue des révolutions de 1848, est en voie de disparition électorale alors qu’il participe au gouvernement national aux côtés des socialistes du SPÖ et que son président Norbert Steger est vice-chancelier d’Autriche. Le FPÖ est crédité de 3,4 à 4 % des voix dans les sondages d’opinion. En conséquence, lors des scrutins au niveau municipal ainsi que pour les parlements des différents États, les sections locales font campagne de manière indépendante en évitant de demander le soutien de la direction nationale du parti.
Carinthie
Parmi ces sections, celle de Carinthie est la plus performante en matière de résultats électoraux. Le jeune Jörg Haider, né en 1950, y exerce, suite au départ pour Vienne de Mario Ferrari-Brunnenfeld nommé secrétaire d’État FPÖ au sein du gouvernement national, la fonction de ministre. En plus de cette position au sein du gouvernement de Carinthie, Jörg Haider dispose également du poste de président du FPÖ de Carinthie.
Lors des élections de 1984 pour le Parlement de cet État dont Jörg Haider est à l’époque un performant ministre du tourisme et du commerce, le FPÖ de Carinthie, se profilant en tant que force indépendante, a obtenu 16 % des voix. Les socialistes du SPÖ ont ensuite imposé un changement d’attributions à Jörg Haider dans le gouvernement de Carinthie (au sein duquel les postes de ministre sont attribués proportionnellement aux résultats obtenus par les partis lors du scrutin pour le Parlement et pas en fonction de l’appartenance de ceux-ci à une majorité parlementaire) : il gère désormais les travaux routiers et assume brillamment ce poste.
Congrès d’Innsbruck
Les tensions au sein du FPÖ entre le président national Norbert Steger et certaines sections, tout particulièrement celle de Carinthie, grandissent. Le 13 septembre 1986, un congrès du parti a lieu à Innsbruck au Tyrol. Norbert Steger se présente à sa propre succession au poste de président du FPÖ sous le slogan : « Garant d’une poursuite de la collaboration gouvernementale fructueuse avec le SPÖ. »
Face à lui se trouve Jörg Haider. Le choc frontal a lieu entre les deux hommes, le premier représentant l’aile libérale du parti et le second l’aile nationaliste allemande. Jörg Haider, s’appuyant sur la base du parti, est élu président du FPÖ avec 57,7 % des voix des délégués. Il est porté en triomphe à travers la salle sur les épaules de Reinhart Gaugg et Siegfried Kampl.
La marche sur Vienne a débuté
Les partis du système et les médias se lancent alors dans une campagne d’attaques et de diffamation à l’encontre du FPÖ et de Jörg Haider, ce qui rend ce dernier célèbre à travers le pays. Le chancelier socialiste Franz Vranitzky rompt le lundi 15 septembre 1986 la coalition gouvernementale, car son parti ne peut accepter d’être en coalition avec un FPÖ dirigé par un représentant de l’aile nationaliste. Lors des élections législatives du 23 novembre 1986, le FPÖ – Jörg Haider ayant fait campagne contre les privilèges, la politisation et la lotisation [partage des postes entre les partis du système] – obtient près de 9,73 % et 18 députés. Jörg Haider quitte ses fonctions au sein du gouvernement de Carinthie et devient le président du groupe des députés FPÖ au sein du Parlement national. La marche sur Vienne a débuté. Le FPÖ, volant au fil du temps de victoire en victoire, obtient lors des législatives de 1999 près de 27 % des voix et entre au début de l’année 2000 dans un gouvernement avec les sociaux-chrétiens de l’ÖVP.
Sources
Österreich Zuerst. 60 Jahre FPÖ. 1956-2016, FPÖ-Bildungsinstitut, Vienne, 2016.
Baland Lionel, Jörg Haider, le phénix. Histoire de la famille politique libérale et nationale en Autriche, Éditions des Cimes, Paris, 2012.
Vous avez aimé cet article ?
EuroLibertés n’est pas qu’un simple blog qui pourra se contenter ad vitam aeternam de bonnes volontés aussi dévouées soient elles… Sa promotion, son développement, sa gestion, les contacts avec les auteurs nécessitent une équipe de collaborateurs compétents et disponibles et donc des ressources financières, même si EuroLibertés n’a pas de vocation commerciale… C’est pourquoi, je lance un appel à nos lecteurs : NOUS AVONS BESOIN DE VOUS DÈS MAINTENANT car je doute que George Soros, David Rockefeller, la Carnegie Corporation, la Fondation Ford et autres Goldman-Sachs ne soient prêts à nous aider ; il faut dire qu’ils sont très sollicités par les medias institutionnels… et, comment dire, j’ai comme l’impression qu’EuroLibertés et eux, c’est assez incompatible !… En revanche, avec vous, chers lecteurs, je prends le pari contraire ! Trois solutions pour nous soutenir : cliquez ici.
Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.
Navigation de l’article
Écrivain et journaliste belge francophone (http://lionelbaland.hautetfort.com). Il parle le néerlandais (flamand), l’allemand et l’anglais. Il a travaillé dans les parties francophone, néerlandophone et germanophone de la Belgique, ainsi qu’aux Pays-Bas, et a vécu en Allemagne. Il est l’auteur de cinq livres : Léon Degrelle et la presse rexiste, Déterna, Paris, 2009 ; Jörg Haider, le phénix. Histoire de la famille politique libérale et nationale en Autriche, Éditions des Cimes, Paris, 2012 ; Xavier de Grunne. De Rex à la Résistance, Godefroy de Bouillon, Paris, 2017 ; Pierre Nothomb, collection Qui suis-je ?, Pardès, Paris, 2019 ; La Légion nationale belge. De l’Ordre nouveau à la Résistance, collection Le devoir de mémoire, Ars Magna, Nantes, 2022.