Faisons un rêve avec Sacha Guitry
À lire la presse nationale, il semble bien que les débuts diarrhéiques des députés-éprouvettes du Palais Bourbon aient quelque peu troublé la quiétude jupitérienne du Maître de l’Élysée. Il a donc été décidé de leur faire subir une cure d’ovopoliticomaltine pour pallier les effets d’une venue au monde de la politique aussi prématurée qu’inattendue et normaliser leur transit « exécutif-législatif » déficient.
Devant cette décision, on ne peut plus opportune, une question est venue immédiatement tarauder l’esprit du citoyen exemplaire que je suis… jusqu’à l’empêcher de trouver le sommeil. À quel praticien pourrait-on confier ces insouciants nourrissons pour traiter leurs carences digestives postnatales, avant de pouvoir leur appliquer le régime parlementaire qu’impose une constitution plus robuste ?
Alors que je comptais les moutons de Panurge de la République en marche pour chasser mon insomnie, j’ai cru entendre les accents nasillards de la voix de Guitry : « Faisons un rêve… » Provocation ? Invitation ? Pourquoi pas ? La Fontaine avait souligné naguère les handicaps alimentaires respectifs du renard et de la cigogne, pourquoi Sacha serait-il incapable de faciliter la cohabitation nourricière d’oisons cacardant et de dindons glougloutant dans la basse-cour bourbonienne ? C’est ainsi que je me laissai emporter par les risées combien virevoltantes du Maître et leurs rafales de bons mots.
J’en vois déjà que pareil recours indispose au motif que ses convictions politiques auraient été incompatibles avec celles d’un honnête représentant du peuple. « En voilà une idée ! Alors qu’il est déjà si difficile de croire aux opinions politiques des hommes politiques. »
D’ailleurs n’est-ce pas l’un d’entre eux qui abondait dans ce sens : « J’ai des principes. Mais si mes vues ne conviennent pas, j’en ai d’autres. »
Quel élu n’a-t-il pas pratiqué ce type de pirouette ? La scène parlementaire n’a rien à envier à celles du « Chatelet » ou de « Mogador » rendues célèbres par les changements de décor à vue de leurs opérettes à grand spectacle. Cela vous choque ? Il n’y a vraiment pas de quoi quand on sait que « la raison et la logique ne peuvent rien contre l’entêtement et la sottise. »
Certes, « qui aime la vérité a le courage de la regarder en face ». Mais dans les lacets vertigineux de la ligne politique gouvernementale et compte tenu des dérapages plus ou moins bien contrôlés du char de l’État en marche, rien ne vous y oblige (l’incontournable discipline de groupe s’en portera d’autant mieux).
Il est aujourd’hui de bon ton de stigmatiser le manque de culture de nos élus. Sacha qui prétendait avoir redoublé dix fois sa sixième, saura leur souffler quelques judicieuses réponses pour éluder les pièges de l’interview : « Pourquoi apprendre ce qui est dans les livres puisque ça y est » (Les atlas peuvent tout aussi être utiles à l’égaré qui cherche l’île de la Guyane).
Il ne manquera pas non plus de leur confier que « le secret d’une culture intelligente est de savoir sur quel rayon se tient le Larousse » (avantageusement remplacé aujourd’hui par l’encyclopédie en ligne Wikipédia).
Le député peut être appelé à prendre la parole. Exercice périlleux pour un élu dont le vocabulaire est aussi étique que celui d’un élève de 3e. « Quand une phrase ténébreuse, alambiquée vous donne le vertige, souvenez-vous que ce qui donne le vertige c’est le vide. »
À la Chambre, qui n’est pourtant pas une chambre à coucher, la monotonie des débats peut être non seulement abrutissante, mais aussi anesthésiante. Cela peut conduire à ce curieux constat : « Je suis si fatigué que je baille en dormant. »
Sur ce point précis un éléphant de feu le PS, saura partager sa grande expérience en la matière. Ne pouvait-on pas dire de lui que « son sommeil était de beaucoup ce qu’il avait de plus profond. »
La vie parlementaire est faite de rencontres et d’échanges. Il convient d’être à l’écoute, du moins de le feindre. De ce fait n’engagez jamais franchement votre parole mais en revanche n’oubliez jamais qu’« il faut se faire aussi des serments à soi-même et ceux-là les tenir » si l’on veut durer dans ce monde impitoyable. L’élu est très vite submergé par les conseils prodigués par son entourage : « Faites semblant de demander aux autres leur avis parce que la politesse est une chose exquise. Faut-il faire des concessions ? « Oui, c’est un point de vue, mais seulement sur un cimetière. »
Pour autant ne jamais oublier que « c’est très reposant d’être sourd. On ne vous dit que l’essentiel. »
D’ailleurs, en politique encore plus qu’ailleurs, s’« il y a des gens sur qui on peut compter, ce sont généralement des gens dont on n’a pas besoin. »
La Buvette du Palais peut fort vite devenir un lieu de perdition. Elle est souvent la source de bien des désagréments quand vient l’heure des confidences « entre amis ». Un remède à ces débordements fielleux existe pour peu qu’il soit utilisé avec une désinvolture qui ne manquera pas d’impressionner : « Ne dîtes pas du mal de mes amis, je suis capable de le faire aussi bien que vous. »
C’est une erreur de croire que les députés peuvent garder un secret. « Ils le peuvent seulement s’ils s’y mettent à plusieurs ». Les rencontres inattendues peuvent avoir des effets redoutables. Exemple de précaution à prendre : « Il faut de temps à autre me faire souvenir des gens avec qui je suis brouillé, sans quoi je ferais des gaffes et je les saluerais. »
Cultivant le paradoxe avec sa malice légendaire Guitry vous offrira à méditer une remarque on ne peut plus roborative : « Ne cherchez pas des gens qui vous donneront des conseils mais regardez plutôt ceux qui vous donnent des exemples » avant de rajouter : « ça ne se donne pas, les leçons ça se prend. »
N’est-ce pas là le meilleur conseil à souffler à un Rastignac de la toute dernière génération pour le dégriser, au lendemain de son improbable succès ?
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Philippe Randa,
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