Sacré Charlemagne !
À la mort de Pépin le Bref, en 768, le royaume fut partagé entre ses deux fils, Carloman et Charles. Mais la mort de Carloman, en 771, laissa Charles seul maître. Il avait alors vingt-neuf ans et devait vivre quarante-trois ans de plus. Et pour un roi, la longévité est le commencement du génie. Alors, va-t-il enfin la fonder, cette dynastie héréditaire que la providence a promise à la France ? Non. Devenu roi des Francs et sacré par le pape, Charles n’a qu’une idée en tête : restaurer l’Empire romain. Il parle aussi bien le latin que la langue franque, et d’ailleurs la France n’existe toujours pas.
Loin de se cantonner aux limites des anciennes Gaules, Charlemagne étendit son pouvoir en Italie et ceignit la couronne de roi des Lombards. Il constitua une marche en Espagne, ancienne province romaine. Et au nord, il fit avec les peuples germaniques ce que Rome avait fait en Gaule : il soumit presque tous ceux qui étaient restés indépendants. Pour y parvenir, il mena dix-huit expéditions, déporta les peuples indociles et établit un réseau de routes stratégiques et de camps retranchés, tel un nouveau César. Si bien qu’à l’approche de l’an 800, il avait réuni sous son autorité la plupart des pays d’Europe occidentale qui avaient fait partie de l’Empire romain.
Et ce qui devait arriver arriva : dans la nuit de Noël de l’an 800, le pape Léon III déposa sur sa tête une couronne d’or, et l’assistance l’acclama comme empereur. La chrétienté a désormais trois têtes : l’empereur d’Orient, le pape et le roi des Francs. Après bien des hésitations, il s’intitula : « Charles Auguste, couronné par Dieu, grand et pacifique empereur, gouvernant l’Empire romain et, par la grâce de Dieu, roi des Francs et des Lombards ». Or, il a été couronné non par Dieu, comme il le prétend, mais par le pape. C’est bien ce qui le chiffonne.
Toute sa vie, Charlemagne cherchera à ravir au pape sa prééminence dans la chrétienté. À côté du palais impérial d’Aix-la-Chapelle, il fit édifier un nouveau Latran (Saint-Jean-de-Latran est l’église cathédrale de l’évêque de Rome), et il réunit un synode à Francfort. Le pape comprit bien la manœuvre : pour qu’un pape consente à se rendre à ce « nouveau Latran », il fallut qu’il devînt une simple annexe de l’église de Rome. De même, le pape ignora le synode de Francfort, qui ne fut donc pas un concile et dont les décisions n’entrèrent pas dans le droit canon.
Les rois d’Espagne et de Grande-Bretagne rendirent hommage au nouvel empereur, et le calife de Bagdad, Haroun al-Rachid, le reconnut comme protecteur des lieux saints de Jérusalem (et lui fit cadeau d’un éléphant par la même occasion). Mais ce n’était pas tout. Il y avait déjà un empereur, qui régnait à Constantinople. Pour compenser tout ce qu’il devait au pape, il était capital pour Charlemagne de se faire reconnaître par ce successeur de Constantin.
Après avoir longuement rechigné, l’empereur (le vrai) finit par reconnaître l’empereur d’Occident comme son « frère » : mais Charlemagne était déjà mort et ce fut son fils Louis qui reçut les ambassadeurs chargés de lui faire part de cette bonne nouvelle. Encore avait-il fallu qu’il renonçât au titre d’empereur romain, et se contentât de celui d’auguste. De fait, toutefois, il y eut désormais un empire d’Orient et un empire d’Occident. L’Europe va commencer à exister. Pour la France, on attendra.
Les chroniques de Pierre de Laubier sur l’« Abominable histoire de France » sont diffusées chaque semaine dans l’émission « Synthèse » sur Radio Libertés.
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