Double danger pour L’Europe
Bien que l’incertitude ronge l’Europe et que deux dangers la guettent, ils n’éveillent pas, pour autant, un sursaut salvateur. De types différents, sournois pour l’un, équivoque pour l’autre, ils n’en sont pas moins réels. L’OTAN, par sa seule existence est une menace, car antinomique à l’émergence d’une défense européenne indépendante. Aujourd’hui, ironie du sort, l’inquiétude surgit du possible lâchage des États-Unis. La Russie, par son attitude, fait naître une suspicion recevable.
Armement toujours plus intensif, survols problématiques des frontières de l’Union, propos énigmatiques sur les contours frontaliers de la Russie. Si la Crimée ne souffre pas d’ambiguïté sur son appartenance à la Russie, d’autres perspectives caressées ne sont pas acceptables. Malheureusement, le dialogue, les échanges, semblent actuellement céder la place aux rapports de forces, dans les relations entre les États.
À l’entrave que constitue l’OTAN, pour édifier une défense européenne qui lui soit propre, s’ajoutent les déclarations alarmantes du nouveau Président des États-Unis, dont dépend l’efficacité du traité. S’interroger sur l’avenir de l’OTAN n’est plus incongru.
Nombreux sont les Européens que le doute envahit, quant à la crédibilité des instances de défense censées assurer la sécurité de l’Europe. Il n’est plus possible d’ignorer la vulnérabilité qu’érige une telle situation. Ce ne sont pas les propos peu rassurants, de proches du Président Trump, qui peuvent rasséréner l’Union européenne.
Quand Newton Leroy, dit Newt Gingrich, déclare « Je ne suis pas sûr que je risquerais une guerre nucléaire, pour un coin qui est une banlieue de Saint-Pétersbourg », il rejoint Henry Kissinger, qui en son temps assurait « Les grandes puissances ne se suicident pas pour leurs alliés. »
L’état d’esprit est invariable, ce qui relativise l’alliance otanienne. La défense européenne doit reposer sur les États de l’Union, dans le cadre d’une armée intégrée. Surtout pas à travers une alliance européenne de défense qui existe déjà, mais qui ne remplit pas son rôle, empêtrée qu’elle est dans d’innombrables centres de décisions, ce qui la paralyse.
Pour qu’elle soit, efficace, opérationnelle, la défense européenne doit dépendre d’un seul commandement, qui rejette naturellement la juxtaposition des forces armées des différents pays.
L’armée européenne n’est pas complémentaire de l’OTAN, elle en est son substitut. La sécurité de l’Europe, n’émanera que de sa capacité à discuter d’égal à égal avec les États-Unis et la Russie, dans le cadre d’une commune conférence. Les soupçons sur la crédibilité de l’OTAN développent, notamment, dans les pays Baltes, un réflexe d’autodéfense, qui donne naissance à des organisations privées paramilitaires, ce qui n’est pas sans danger.
La liberté, la démocratie et les droits de l’homme sont cités comme valeurs fondamentales, de l’OTAN. Doutons que depuis l’élection de Donald Trump on puisse parler de valeurs communes, mais n’était-ce pas déjà le cas avec George W. Bush.
Le danger russe, c’est l’ambiguïté de sa position. Moscou déclare vouloir de bonnes relations avec l’Europe, mais simultanément, elle prend des dispositions et mène des actions qui lui sont hostiles, ou soulèvent, pour le moins, des inquiétudes. Ces deux dernières années, le scepticisme s’est installé. Les simulations d’interventions se sont accrues.
Au sol, engagement d’importantes troupes, dans les airs, vols démonstratifs de puissants bombardiers, en mer, déplacements suspects de sous-marins nucléaires. Les survols limites des frontières de l’Union européenne, contribuent à ce climat délétère, comme l’ingérence, dans sa vie démocratique, des cyber-opérations.
L’objectivité doit toutefois supplanter l’outrance. La désinformation russe, ne justifie pas celle de l’occident, qui n’hésite pas à nier l’importance primordiale du rôle de la Russie dans la Seconde Guerre mondiale. L’Europe n’attire plus la Russie, qui s’en éloigne et joue contre son unité. Ce changement de fond constitue une erreur.
Seule une Europe, forte, soudée, indépendante, sera rassurante et sécurisante pour Moscou. Rendre à la Russie sa grandeur est pour le peuple de ce pays, une aspiration normale et compréhensible. Pour être positive, il convient qu’elle s’exprime autrement que par la seule démonstration de sa puissance militaire, fréquemment au détriment de l’Europe. La dérive russe oblige l’Union européenne à se soucier de sa sécurité.
Sur cette question elle doit montrer sa détermination à réagir, tout en faisant preuve de bonne volonté, en levant les sanctions. Demeurer vigilant, réactif, constitue la sagesse, l’affolement serait une attitude démesurée. Rien d’absolu ne permet de penser que la Russie se prépare à une offensive, même limitée, contre des membres de l’Union européenne. Aucun intérêt vital ne l’y pousse et son armée, dont la puissance plus modeste qu’on ne le pense est plus défensive qu’offensive.
L’imprévisibilité qu’incarne Donald Trump est devenue, pour les Européens, un risque majeur. N’est-il pas capable de refuser d’appliquer l’article 5 de l’OTAN. Le seul fait de ses incohérences, de ses constantes contradictions, le rend particulièrement nocif. Il exerce directement son pouvoir de nocuité en intervenant sans retenue sur des questions relevant exclusivement de l’Europe.
Comment ose-t-il reconnaître à la Russie des zones d’influence en Europe. Ce qui vaut pour la Crimée, ne vaut pas pour les pays Baltes.
Le Président François Hollande a eu raison de réagir, face aux interférences de Donald Trump sur la politique de l’Europe « Trump n’a pas à se mêler de la vie de l’Union européenne. C’est à elle de décider comment elle doit être. »
La nuisance de Donald Trump sera toujours la même pour l’Union européenne, qu’il la délaisse ou qu’il s’y intéresse. Dévastatrice, elle s’étend au-delà de l’Europe, au monde entier. Impossible d’écarter les risques de conflits, qu’elle peut engendrer. Surtout, ne nous laissons pas abuser par les propos des secrétaires d’État américains, James Mattis et Rex Tillerson. Le seul patron, c’est Donald Trump.
Au-delà de l’indispensable défense, strictement européenne, il est nécessaire de réhabiliter et de renforcer rapidement les forces armées des pays européens, totalement défaillantes.
Le Chef d’état-major des armées françaises a récemment déclaré que le temps presse. Il a appelé à accroître substantiellement l’effort de guerre, en précisant également que la catastrophe guette tous les corps, l’armée de terre, de l’air, de la marine, y compris la force nucléaire. La ministre allemande de la défense a établi, en plus alarmant, un constat similaire.
La chancelière Angela Merkel, prenant enfin conscience du danger a décidé de consacrer un budget beaucoup plus conséquent à la défense. La quasi-totalité des pays européens a réalisé qu’il fallait se ressaisir et pour ce faire procèdent au renforcement, comme à la modernisation de leurs armées. Il eut été plus honorable pour l’Europe qu’elle soit plus lucide, plutôt que de découvrir la situation sous la contrainte et l’humiliation, que les doutes de l’élection, de Donald Trump, ont fait naître.
L’impasse dans laquelle se trouvent les discussions sur le désarmement nucléaire doit conduire la France à porter une attention toute particulière à sa force de dissuasion. Sa modernisation doit s’intensifier et concerner tous les éléments qui la composent. Sans elle la défense européenne ne serait pas crédible et l’Europe ne pourrait pas prétendre au rang de grande puissance.
Tous les efforts en cours, même s’ils n’éliminent pas l’OTAN, sont autant d’avancées favorisant, à terme, l’émergence d’une défense européenne autonome. L’ambivalence de l’Europe envers les États-Unis doit cesser. Notre sécurité ne peut dépendre des humeurs du peuple américain. L’Europe doit éviter le dépècement, mortifère, que lui réservent les superpuissances.
L’Union européenne n’a pas de visés expansionnistes, mais elle craint pour sa sécurité, qu’elle a mise en danger en prenant des initiatives irresponsables, tel le Partenariat Oriental.
La Russie en a pris ombrage et s’est naturellement inquiétée de voir potentiellement s’implanter à ses frontières, de nouvelles bases de l’OTAN. Le retour à des relations apaisées est essentiel. Il faut retrouver le chemin d’une saine et fructueuse coopération. La Conférence de sécurité Europe-Russie, proposée par François Fillon, entre dans cette perspective.
Michel Grimard est Président du ROUE ((
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